A l’occasion de la nouvelle année, Jean-Paul Betbeze, économiste et observateur attentif des dynamiques politiques et sociales, explore les défis complexes auxquels le monde sera confronté en 2025. De la transition démographique aux révolutions technologiques, en passant par les tensions climatiques et les fragilités démocratiques, l’auteur nous invite à une analyse lucide et nuancée des enjeux actuels. Entre constats implacables et appels à l’action collective, ce texte pousse à la réflexion sur notre capacité à anticiper, coopérer et surmonter les obstacles de notre époque. Extraits choisis.
« Nous sommes (normalement) tous prévenus : l’année 2025 sera très compliquée, autrement dit très risquée pour le monde entier, donc plus encore pour nous, si nous nous divertissons encore à ce “jeu” de Matignon, celui où il s’agit de deviner le futur 1er Ministre, la composition du nouveau-nouveau gouvernement, puis son avenir.
On peut penser à la boîte de Pandore, ce si beau cadeau que Zeus avait fait porter aux humains pour se venger de ce Prométhée qui lui avait volé le feu, autrement dit la connaissance. Pandore, c’est “tous les cadeaux”, en réalité tous les malheurs, en laissant au fond de la boîte l’espérance, trop lente à en sortir. Le message de l’Olympe est assez clair : nous devons souffrir d’abord, mais sans jamais perdre espoir. De fait, et nous le voyons, les malheurs ou maux qui nous entourent sont nombreux et, en réalité, pour une bonne part, de notre fait. Inutile de perdre son temps à chercher d’autres responsables !
Essayons plutôt de lister nos problèmes, sans même les nommer malheurs ou erreurs, pour tenter de voir dans quelle mesure nous pourrions, pour chacun d’entre eux, user de cette espérance qui attend pour sortir. Souhaitons donc, pour 2025 et après, que cette méthode fonctionne, enfin !
Changement climatique, cette alternance inouïe de chaud et de froid, de sécheresse et de déluge
Nous savons qu’il n’y a rien là de “naturel” dans ce changement climatique, que nous avions nommé au début “réchauffement” avant que n’apparaisse l’autre face de cette réalité. Nous payons des millénaires d’efforts économiques pour améliorer notre condition, en travaillant plus, en innovant, en voyageant et échangeant davantage, au fur et à mesure que nous sommes plus nombreux. Depuis un siècle, cette dynamique s’accélère, avec des alternances extrêmes qui commencent à nous faire peur : il était temps !
Pour en sortir, nous ne cessons de débattre et de mesurer, de nous réunir dans des COP et de promettre des milliards annuels pour économiser, moderniser et changer. Certains veulent que nous restreignions notre mode vie, les “décroissants”, d’autres que nous ne vivions pas au-dessus de nos moyens, les “frugaux”, sauf que ceux qui ont peu ou rien ne sont évidemment pas de cet avis. Pour continuer à avancer, il faut sinon devenir plus sobres, au moins plus efficaces, coopératifs et intelligents : ce n’est pas acquis. En France, nous avons ainsi, sous nos yeux et en résumé, l’ensemble de ces changements, bouleversements, drames, avec, en même temps, des polémiques sur la réalité du phénomène, leurs mesures, les responsabilités et, bien sûr, les “solutions”.
Le temps passe, l’argent file, mais le climat poursuit ses soubresauts et nous alerte. Pour 2025, souhaitons- nous de mettre la science en avant, non pas les peurs et les calculs politiques à court terme. C’est parfaitement possible, encore faut-il que les humains, ici les Français, n’encombrent pas le passage avec leurs protestations, normes, barricades et (dépôts de) plaintes. Souhaitons donc pour 2025 — et bien après — de regarder l’essentiel pour agir ensemble et loin, et de préparer les ressources et adopter les comportements pour en sortir dans le temps ! Ce sera plus affaire de persévérance dans l’effort que de milliards, avec une persévérance qui ne s’emprunte pas.
Moins d’enfants, plus de personnes âgées : cette transition démographique qui frappe à toutes les portes
Jamais nous n’avons eu en France, depuis la deuxième guerre mondiale, aussi peu de naissances : 680 000 environ en 2024, contre 819 000 en 2014. Moindre fécondité, plus d’égoïsme, moindres influences religieuses, plus d’urbanisation, travail des femmes… les raisons abondent derrière cette chute, moindre qu’en Allemagne ou en Italie, mais le résultat demeure. En même temps, grâce aux progrès de la médecine, nous vivons plus longtemps : 86 ans pour les femmes, 80 pour les hommes, plus de 64 pour les femmes sans incapacité, 63 pour les hommes.
Moins de bébés, plus de vieillards gaillards : tel semble être notre futur.
Tragique constat ? Non, si nous prenons soin d’abord des bébés, en en faisant des adultes mieux formés et plus responsables. Ce n’est pas catastrophique non plus, si ces personnes âgées restent plus longtemps en bonne santé, avec une hygiène de vie plus correcte. Mais il faudra trouver des ressources pour gérer les effets de ce changement biologique. Tout coûtera plus cher à court terme pour vivre mieux, plus longtemps, plus nombreux. Ceci implique plus de moyens pour la formation tout au long de la vie et pour notre entretien intellectuel et physique, ce qui veut dire adopter une compréhension plus étendue, autrement dit moins égoïste, mieux répartie dans l’espace et dans le temps, des résultats de la croissance. Dans l’espace : en gérant mieux les comportements, en contrôlant et conseillant, pas seulement en taxant — il faut que l’Intelligence Artificielle serve !
Dans le temps : ce sont aujourd’hui les cinquantenaires qui creusent le déficit et augmentent la dette pour avoir une retraite plus agréable au dépend des jeunes, sans qu’on le mesure et le leur dise vraiment, et qui souhaitent évidemment profiter du système quand leur tour viendra, d’où leur conservatisme.
Il est donc dramatique, quand on voit les discussions sur les retraites, que rien ne soit pensé pour le futur en liaison avec la natalité, alors qu’on ne cesse de nous dire que notre système de retraite doit sa solidité à la répartition, où les “jeunes” financent les “anciens”. Que se passera-t-il si les premiers manquent, quand les seconds durent ? On préfère s’inquiéter de l’immigration, alors qu’elle est, partout dans le monde, l’effet de la transition démographique (ainsi que des tensions économiques, politiques, climatiques…), partout différenciée dans le temps, que vit notre espèce et une part de notre solution à la crise démographique. Souhaitons donc pour 2025, et après, de faire en sorte que l’on ait plus de jeunes et plus de vieux, qui travaillent, avec une meilleure compréhension de cette profonde transition biologique, technologique et géopolitique !
Cette révolution technologique, comme auparavant celles de la vapeur et de l’électricité, mais partout et plus rapide
Notre monde change plus vite et plus complètement que jamais. Là aussi, la question n’est pas de dramatiser ou d’avoir peur : l’électricité a toujours dépassé la bougie, la voiture le cheval, et toutes ont beaucoup détruit d’emplois et tué. C’est le sens de l’histoire : pas de progrès sans risques ni efforts. Nous aurons à apprendre à conduire des changements, autrement dit à nous conduire, à dépasser nos violences, pour nous former. Bien sûr, c’est facile à dire, mais ce qui se passe aujourd’hui montre bien que cette révolution technologique et géopolitique avance, plus vite que celles qui l’ont précédée. La vapeur a été la force de l’Europe, l’électricité celle des États-Unis.
Aujourd’hui, qui maîtrisera l’IA : les États-Unis, ou la Chine ? Où va la direction du monde ? Nous savons que ce n’est plus en France et en Europe, depuis plus de 50 ans, mais nous avons toujours imaginé que le parapluie américain nous protégerait (surtout l’Allemagne), et que l’endettement public nous permettrait de durer, avec l’euro et le marché européen, protégé par ses normes. C’est fini : nous sommes responsables et peu protégés.
Aujourd’hui, les innovations peuvent profiter à tous, mais si les Américains sont les premiers à les créer, avec les milliards de recherche et les milliers d’ingénieurs qu’il leur a fallu. Les suivants paieront les royalties : nous ? L’innovation devient rivale, tout comme ces ponts étroits qui vont dans un seul sens et impliquent des régulations. Il faut le savoir, pour se préparer, se renforcer et coopérer en Europe, autrement nous serons oubliés.
D’autant plus que les pays moins développés chercheront toujours ceux qui pourront les aider davantage à aller plus vite. L’Asie et l’Afrique se demandent ainsi où regarder : l’Europe c’était hier, les États-Unis encore ou la Chine maintenant ? Ayons le courage de voir que l’humanité a pivoté hors du “vieux monde” et renforçons- nous, en nous unissant, sans nous épuiser dans des querelles de préséance entre ceux qui, de toute manière, ne pourront plus être les premiers, ni les seconds.
Souhaitons donc, pour 2025 et après, être devenus réalistes, que nous cessions de nous plaindre du déclin et remontions la pente ! Nous le pouvons en nous unissant et en nous organisant.
La démocratie est-elle en danger en France, en Europe, aux Etats-Unis…
La réponse est oui, comme toujours. Car elle est un système complexe, dessiné pour trouver des solutions majoritairement acceptées pour traiter, sinon résoudre, des problèmes divers, sinon contradictoires. Pas de surprise, donc, si la démocratie a longtemps été pensée comme étant impossible. On dira qu’elle date d’Athènes, mais c’est oublier qu’Athènes était une petite ville, que le “peuple” (démos) s’y bornait alors aux seuls hommes, excluait les étrangers, sans parler des esclaves. Le modèle athénien, théorique donc, voulait que le peuple fût en mesure de choisir sa destinée, c’est-à-dire de prévoir des ressources humaines et matérielles pour se projeter dans l’avenir, inconnu et souvent hostile, sans compter les tensions internes, à dépasser.
On comprend pourquoi la démocratie a toujours été perçue comme une utopie, sinon critiquée même en ses débuts officiels aux États-Unis et en France. Ces États-Unis ont longtemps opposé les Fédéralistes, conservateurs et favorables à l’esclavage, aux Républicains de Lincoln. Avec le temps, les Fédéralistes ont disparu, les Républicains les ont absorbés, à droite, et les Démocrates sont apparus, à gauche. La façon de choisir par le vote restait la majorité simple, frustrante si l’on veut, simple en tout cas. Simple, mais en n’oubliant pas que le système américain est fédéral et que la majorité pour décider dans un État n’est pas nécessairement celle d’un autre et que, pour choisir un Président, le vote décisif est fonction du nombre d’électeurs par État avec des poids en fonction des populations, ce qui soulève évidemment des questions statistiques et de pondération. On voit ainsi des Présidents américains élus grâce aux votes des représentants par États, même si le vote populaire leur était hostile. Tel n’est pas le cas pour Donald Trump cette fois- ci, élu directement et indirectement par le peuple, mais cela ne signifie pas que les tensions internes sont atténuées, au contraire. La majorité absolue suppose en effet une acceptation tacite qui va de moins en moins de soi.
Ainsi, on ne trouve pas non plus ce mot “démocratie” au cours de la Révolution française. Que veut donc “le peuple”, ensemble mal défini et hétérogène qui ne saurait décider, pour autant qu’il le puisse et surtout le veuille, autrement dit qu’il hiérarchise les besoins à satisfaire et les ressources à leur affecter, pour obtenir un assentiment majoritaire ? La France a également longtemps eu des difficultés avec la démocratie : Robespierre était royaliste jusqu’au “départ” du roi à Varennes ! La démocratie est toujours l’affaire de ce choix majoritaire : c’est sa solution, et son problème.
Aujourd’hui, on voit bien à quel point ces démocraties nées après- guerre sont toutes en difficulté, avec en plus l’inquiétude des pays voisins sur leurs propres économies, ce qui se manifeste surtout par des problèmes migratoires et, dans ces pays eux-mêmes, par les montées des oppositions, insatisfactions et revendications, qui mettent en jeu leur cohérence sociale. En face de ces démocraties se développent des dictatures qui ont pour objectif majeur de les affaiblir, mieux encore de les détruire, pour montrer leur supériorité. Elles n’ont évidemment pas de problèmes électoraux et maquillent aujourd’hui le pouvoir de leur chef en stratégie de reconstitution des Empires. Il s’agit de se donner une durée, alias une légitimité. L’Empire russe est ainsi la raison d’être de Poutine, chinois celle de Xi , ottoman celle d’Erdogan, perse celle de Khamenei, et ainsi de suite…
Ici, le risque de nos démocraties européenne et américaine est de céder au modèle du pouvoir fort. C’est ne pas comprendre que la force de la démocratie vient de sa façon de résister aux chocs, même si elle s’y use, alors que le pouvoir dictatorial résiste… avant de casser d’un coup, puisque ses appuis ne cessent de s’effilocher et que le dictateur prend de l’âge. En 2025, pour la France et pour l’Europe, il s’agit ainsi de savoir qu’elles deviennent les ennemies, qu’elles le veuillent ou non, des dictatures et empires qui cherchent à légitimer leur existence en les attaquant de toutes parts. Il faut toujours des boucs émissaires : c’est notre tour, autant le savoir pour l’empêcher, en nous unissant. Et se renforcer. »
Retrouvez l’intégralité du texte sur le lien suivant –> 2025 : Quelle belle boîte de Pandore, la démocratie française !
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