La police anti-émeute utilise un canon à eau face aux manifestants à Caracas, le 31 mai 2017 © AFP FEDERICO PARRA
Le président vénézuélien Nicolas Maduro fait avancer son projet d’assemblée constituante malgré l’opposition qui dénonce une manoeuvre pour rester au pouvoir, alors que le mouvement de contestation entre jeudi dans son troisième mois.
Le président socialiste dit voir dans le processus de constituante lancé mercredi un moyen d’affronter la grave crise politique, économique et sociale qui affecte le Venezuela, pays pétrolier dont l’économie a été laminée par la chute des cours du brut.
Dernière mauvaise nouvelle en date: le bolivar a dévissé mercredi de 64,13% face au dollar.
L’opposition a annoncé qu’elle ne participerait pas à l’assemblée constituante, qui doit compter 545 membres, car elle considère comme « frauduleux » le système prévu pour désigner les membres de l’assemblée. Elle accusant le président de vouloir y faire élire ses partisans lors du scrutin prévu fin juillet.
Henrique Capriles, l’un des principaux dirigeants de la coalition d’opposition (MUD), a prévenu que toute inscription d’un antichaviste (du nom du défunt président Hugo Chavez, 1999-2013) serait considérée comme une « trahison ».
– Réunion de l’OEA –
Sur la scène internationale, un mini-sommet des ministres des Affaires étrangères sur la crise vénézuélienne s’est tenu mercredi à Washington au siège de l’Organisation des Etats américains (OEA), instance dont le Venezuela a récemment annoncé son départ.
Cette 29e réunion de consultations devait approuver un document avec une position commune, mais les débats ont été suspendus sans avancée significative.
L’OEA « continue de travailler, le Venezuela est dans son agenda, la communauté internationale est préoccupée par ce qui passe en Venezuela », a déclaré à l’issue de la réunion le secrétaire général de l’OEA, Luis Almagro.
Selon lui, les préoccupations sont centrées sur « les morts que subit le peuple vénézuélien, sur la répression et la perte de liberté et de démocratie ».
La ministre vénézuélienne des Affaires étrangères, Delcy Rodriguez, a estimé que l’opposition et l’OEA avaient été « battues » par « la voix morale qui s’est imposée », la réunion ayant pris fin sans accord.
Toujours sur le plan diplomatique, Julio Borges, le président du Parlement vénézuélien, seule institution contrôlée par l’opposition, a demandé à son homologue du Parlement européen, l’Italien Antonio Tajani, l’adoption de sanctions contre le régime de M. Maduro.
– Dévaluation –
Par ailleurs, le cours du bolivar vénézuélien s’est établi mercredi à 2.010 pour un dollar contre 721 auparavant, soit une dévaluation de 64,13%, lors d’une vente aux enchères de monnaie américaine initiée par le gouvernement pour contrer le marché noir de devises.
Au total, ce sont 24 millions de dollars qui ont été mis en vente, essentiellement à des entreprises, pour l’importation de produits, selon cette même source.
Ce système de vente aux enchères de dollars, annoncé en avril par le chef de l’Etat, vise à contrer le marché noir, où le billet vert s’écoule actuellement à 6.000 bolivars l’unité, ce que M. Maduro attribue à une « guerre économique » que mènerait le secteur privé pour précipiter sa chute.
Le Venezuela vit l’une des pires crises économiques de son histoire, asphyxié par la chute des cours du brut, source de 96% de ses devises. Son inflation, stimulée par les pénuries, est devenue totalement incontrôlable, à 720% cette année selon le FMI.
– Vols et violences –
L’opposition manifeste de manière quasi-quotidienne depuis le 1er avril pour exiger le départ du président, des élections et le retrait du projet d’assemblée constituante.
Plusieurs personnes, dont un photographe de l’AFP, ont été blessées mercredi lors de nouveaux affrontements avec les forces de sécurité et ont dénoncé des agressions et vols commis par des membres de la Garde nationale.
« Ils se sont approchés de nous à moto et un garde m’a frappé plusieurs fois à la tête. Ils m’ont poussé, je suis tombé, ils m’ont soulevé par mon gilet pare-balles et mon appareil photo est tombé », a raconté le photographe de l’AFP, Luiz Robayo.
Selon lui, un garde a essayé de lui retirer son masque à gaz et de le faire monter sur sa moto pour le placer en détention, « mais l’un d’entre eux, un chef, leur a demandé de partir », a-t-il raconté.
Le motard qui transportait le photographe a déclaré que les militaires lui avaient dérobé sa moto, son masque à gaz et d’autres effets personnels.
Francisco Bruzco, photographe de la page web Cronico Uno, a assuré au Syndicat national des travailleurs de la presse (SNTP) qu’il avait été frappé et que son appareil photo lui avait été volé.
Lors des manifestations, 60 personnes ont été tuées et un millier d’autres blessées, les deux camps s’accusant mutuellement d’avoir recours à des groupes armés pour semer la violence.
LNT avec Afp