Des tirs ont résonné dimanche à Khartoum, au sixième jour d’un cessez-le-feu qui expire lundi soir et devait permettre l’acheminement de l’aide humanitaire, mais qui n’a jamais été respecté par l’armée et les paramilitaires en guerre au Soudan. Au Darfour, une vaste région de l’ouest du pays, le gouverneur a appelé les civils à s’armer, faisant planer le spectre de la guerre civile.
« On entend des tirs dans le sud de la ville », ont raconté dimanche à l’AFP des habitants de la capitale soudanaise.
Les Etats-Unis et l’Arabie saoudite, qui ont négocié la trêve d’une semaine en cours avec l’armée du général Abdel Fattah al-Burhane et les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR), du général Mohamed Hamdane Daglo, ont réclamé sa prolongation au-delà de son expiration prévue lundi à 19H45 GMT.
Les deux camps se renvoient la faute d’avoir brisé cette trêve qui devait permettre la mise en place de couloirs sécurisés afin d’acheminer l’aide humanitaire.
« Les deux camps ont dit aux médiateurs viser la désescalade (…) et pourtant, ils se positionnent pour une escalade », ont déclaré les médiateurs dans un communiqué, affirmant qu’il faut « donner plus de temps aux humanitaires pour mener leur travail vital ».
Les organisations humanitaires assurent n’avoir pu acheminer que de très faibles quantités de nourriture et de médicaments, alors que 25 des 45 millions de Soudanais ont désormais besoin d’aide pour survivre, selon l’ONU.
Si aucun couloir sécurisé n’est dégagé, l’ONG Médecins sans frontières (MSF) a prévenu qu’elle pourrait être forcée de suspendre ses activités.
La guerre qui a éclaté le 15 avril a fait plus de 1.800 morts, selon l’ONG ACLED, spécialisée dans le recueil d’informations dans les zones de conflit, plus d’un million de déplacés et plus de 300.000 réfugiés dans les pays voisins, selon l’ONU.
– « Prendre les armes » –
Les FSR se sont dites « prêtes à négocier l’extension du cessez-le-feu », sous réserve du respect par l’armée de la trêve actuelle. L’armée a déclaré « examiner la possibilité d’accepter une prolongation ».
Pourtant, comme les précédents, ce cessez-le-feu n’a pas abouti à l’arrêt des combats.
La situation est particulièrement critique au Darfour, la région, avec Khartoum, la plus touchée par les combats et déjà ravagée par une guerre meurtrière qui avait éclaté en 2003.
Son gouverneur, l’ancien chef rebelle Minni Minnawi, aujourd’hui proche de l’armée, a appelé dimanche « jeunes et vieux, femmes et hommes, à prendre les armes pour défendre leurs biens ».
Déjà, selon l’ONU, des civils armés et des combattants tribaux ou rebelles ont rejoint les affrontements entre militaires et paramilitaires.
Alors que, selon le projet de recherche Small Arms Survey (SAS), 6,6% des Soudanais possèdent une arme à feu, l’armée avait appelé vendredi les militaires retraités à reprendre les armes. Début mai, dans l’est du pays, des centaines de membres des tribus Beja avaient manifesté pour réclamer des armes au général Burhane.
« Les gens qui appartenaient à des mouvements non-violents pensent maintenant à s’armer pour se protéger », a expliqué la militante pro-démocratie soudanaise Raga Makawi.
Le parti Oumma, l’un des principaux partis civils du pays, a mis en garde dimanche « contre les appels à armer les citoyens sous le prétexte de se protéger eux-mêmes », y voyant « des tentatives d’entraîner le pays dans la guerre civile ».
– « Feuille de route » africaine –
Samedi, le général Burhane a réclamé le limogeage de l’émissaire de l’ONU au Soudan, Volker Perthes, en lui faisant porter la responsabilité de la guerre.
Le chef de l’armée, dirigeant de facto du Soudan, accuse M. Perthes d’avoir « dissimulé » la situation explosive à Khartoum. Sans ces « mensonges », le général « Daglo n’aurait pas lancé ses opérations militaires », a-t-il affirmé.
Le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres s’est dit « choqué », témoignant « son entière confiance » à son émissaire. Washington lui a exprimé son « soutien résolu ».
Parallèlement aux Américains et aux Saoudiens, l’Union africaine, qui a suspendu le Soudan en rétorsion au putsch des deux généraux, aujourd’hui rivaux, en 2021, tente d’organiser des discussions avec l’Igad, le bloc régional d’Afrique de l’Est dont fait partie le pays, sous l’égide du président du Soudan du Sud, Salva Kiir.
Dimanche, l’organisation panafricaine a affirmé avoir « adopté une feuille de route » prévoyant « la cessation des hostilités » et « la reprise de la transition vers un gouvernement démocratique dirigé par des civils ».
LNT avec AFP