Que dire après ce tragique week-end qui compte des milliers de morts et de blessés parmi nos compatriotes ? C’est l’âme de notre pays qui est meurtrie, chacun ressentant en sa chair et en son cœur la souffrance de ceux qui ont été à l’épicentre de ce séisme aussi inattendu que meurtrier.
Le Maroc vit depuis quelques jours des heures sombres mais comme à son habitude, ses valeurs de solidarité et d’humanité profondes ont été ses premiers pansements. Presque aussi vite que la détresse qui a suivi la catastrophe, associations, citoyens, autorités et organismes de toute sorte ont cherché à porter secours avec les moyens disponibles. Il est déjà temps de les en remercier même si l’effort collectif et national qu’il faudra mettre en œuvre pour reconstruire ce qui a été détruit, de matériel et d’immatériel, prendra un temps long qu’il est difficile d’évaluer à ce stade.
On dit souvent aussi que c’est dans les moments difficiles qu’on reconnait ses amis et le Maroc a eu le réconfort de constater la diligence avec laquelle partout dans le monde, les témoignages de condoléances, de soutien et de tristesse se sont multipliés. Toutes les grandes nations, les personnalités influentes de tout bord, et surtout des millions d’anonymes ont communié avec nous et partagé notre peine. Là aussi, il convient de les en remercier et de manifester notre reconnaissance pour cet élan d’amour et de solidarité qui contribue à soutenir tous les efforts déployés.
Mais, au cœur de la tragédie, alors que toutes les victimes n’ont pas encore été identifiées, que le deuil débute à peine et que les secours peinent à arriver auprès des zones les plus enclavées, il y a aussi déjà des polémiques et des aberrations qui sonnent comme des couteux dans le dos.
En France tout particulièrement, alors que la diaspora marocaine et la population française dans son écrasante majorité, qui nourrit depuis longtemps des liens affectifs forts avec le Maroc et en particulier Marrakech et sa région, certaines réactions et prises de position nous laissent dubitatifs. C’est ainsi que le « grand » journal Libération se fend d’une caricature macabre, qui de surcroit est présentée comme légitime voire nécessaire car c’est le rôle de la satire, que seuls visiblement les Français sauraient manier. Pourtant, les chantres de la liberté d’expression ont fermé la section des commentaires sur les publications de leurs réseaux sociaux face au flux de réactions des internautes, tout bonnement choqués par le fond mais surtout par le timing de ce dessin. Sur les plateaux des chaines d’information en continu de l’hexagone, c’est aussi la surenchère des analyses approximatives et surtout pleines d’insinuations des commentateurs politiques qui s’offusquent avec force et vigueur du fait que les autorités marocaines ne se soient pas précipitées à accepter l’aide offerte par la France. Exit alors tout témoignage ou reportage sur les efforts positifs menés sur place par les secours et les autorités marocaines, et place à toutes les manières possibles d’exprimer que le Maroc ne peut s’offrir le luxe de refuser la main tendue de la France et que les efforts mis en œuvre par les autorités ne sont pas suffisants, selon les propres dires des Marocains ! Après le « mansplaining » voici donc le « Franceplaining » qui nous explique que les villages du Maroc profond sont délaissés, que les populations touchées ont presque été sacrifiées et que les normes antisismiques ne sont pas respectées. Donc les villages et kasbahs ancestraux de la région de Marrakech nichés dans les montagnes ou sa médina, dont raffolent les touristes français pour leur authenticité, auraient dû être bétonnés pour prévenir la catastrophe ? Les commentateurs français s’étonnent également que quelques pays aient quant à eux été autorisés à apporter leur aide sur le terrain. Mais, pour autant, nous n’allons quand même pas brouiller nos relations diplomatiques avec tous les pays qui ont offert de l’aide ? Les États-Unis, la Russie, mais aussi Israël, la Communauté européenne, la Banque mondiale, le FMI, nombreuses sont les propositions d’assistance. Le Maroc est un pays souverain et il n’est pas anormal que des priorités aient été fixées, qu’un effet contre-productif soit craint par les autorités et même que ce ne soit pas le moment de se concentrer sur les attentes françaises tant la crise est grave. Pire encore, et parce que ce sont presque tous les médias français qui se sont engouffrés dans cette brèche, il n’est pas même pas sûr que les autorités françaises aient voulu que le débat prenne cette tournure, tant les enjeux de la réconciliation formelle de nos deux pays sont importants.
Alors de grâce, continuons à focaliser tous nos efforts dans l’aide qu’on peut apporter aux victimes et à la reconstruction de leurs vies. Les petites analyses, les bassesses et les conclusions hâtives peuvent attendre…
Zouhair Yata