M. El Otmani intervenant lors de la session ordinaire du Conseil national du PJD, en février 2020. Source : MAP
Normalisation des relations diplomatiques avec Israël, quotient électoral, dépénalisation du cannabis… autant de dossiers hypersensibles qui mettent aujourd’hui le PJD dans un grand embarras. Aussi, la gestion de Saâd Eddine El Othmani des affaires politiques du parti divise. Les Pjdistes de la base et autres Chabiba sont déçus. Ceux de l’instance dirigeante temporisent. Les pro-Benkirane haussent le ton. Les ministres pjdistes, eux, préfèrent ne pas s’afficher… du moins pour le moment. Toutefois, une chose est sûre. Le parti est dans la tourmente. Des membres influents et considérés comme étant de véritables ‘‘garants de voix électorales’’ ne veulent plus continuer avec un PJD en chute libre.
Il y a quelques mois, Abdelaziz El Omari, le Président du Conseil de la Ville de Casablanca, ouvrait le bal. L’ingénieur islamiste et l’un des pjdistes les plus dynamiques du parti, a présenté sa démission du parti en guise de contestation contre la normalisation des relations diplomatiques entre le Maroc et Israël. En claquant ainsi la porte du Secrétariat Général de la Lampe, l’homme connu pour sa discrétion ne veut surtout pas assumer une quelconque responsabilité dans la gestion interne d’un certain nombre de dossiers polémiques.
A Mohammedia, des élus PJD n’auraient pas suivi les consignes du parti lors du vote servant à élire le nouveau président du Conseil de la ville. Le 25 décembre dernier, c’est une Rniste qui a remporté la présidence par 25 votes en sa faveur, contre 19 pour l’élue PJD Imane Sabir. L’élue RNI a bénéficié du soutien des élus PJD pour l’emporter.
A Fnideq, le week-end dernier, les manifestants, en majorités des marchands de Bab Sebta, ont pointé du doigt le président pjdiste de la Commune, scandant le fameux slogan ‘‘Dégage’’.
Le weekend dernier aussi, deux ténors et non pas des moindres, ont annoncé leur départ du PJD ou du Gouvernement El Othmani. Pour des raisons de santé apparemment, Mustapha Ramid, numéro 2 du Gouvernement, a présenté sa démission au Chef de l’Exécutif. Peu après, c’est le numéro 2 du parti, Driss El Azami, un pro-Benkirane, qui a renoncé à son poste de président du Conseil National du parti, et de ce fait, à son statut de membre du secrétariat général. Dans sa réponse, le Secrétariat Général appelle El Azami à revoir sa décision de démission. Ramid, lui, a fini par reconsidérer sa décision de renoncer à ses charges gouvernementales.
Et on ne s’arrête pas en si bon chemin ! Dans une lettre, Abdelilah Benkirane, un homme toujours fort et influent de la Lampe, menace de quitter le parti si les députés pjdistes votent la loi sur la dépénalisation du cannabis.
D’autres dirigeants du parti ont annoncé leur démission des instances ou le gel de leurs activités au sein de la formation islamiste. Ce qui dénote d’une véritable crise interne qui ne cesse de secouer le parti à la tête du Gouvernement depuis dix ans déjà.
Pendant ce temps, le SG du parti Saâd Eddine El Othmani continue de rassurer. Au sujet de toutes ces problématiques, il vous dira que ce qui se passe actuellement au sein du PJD est l’œuvre de ses ennemis extérieurs. Ce sont, explique-t-il, ‘‘ceux qui craignent que le PJD remporte les prochaines élections et rempile, par conséquent, à la tête du gouvernement, qui sont aujourd’hui en train de tout faire pour combattre le parti et ternir son image’’.
Toutefois, il est important de constater que le PJD d’aujourd’hui n’est plus celui d’il y a quelques années. Le parti est de plus en plus vidé de ses ténors les plus influents et qui constituent les piliers de sa machine électorale. Il s’agit entre autres des Benkirane, El Omari, Daoudi, Ramid, Azami, Boulif et autres Khalfi.
Pendant ce temps, le MUR, l’aile prédicatrice du parti, ne pouvant pas par principe soutenir un PJD signataire de la normalisation avec Israël, risque de lâcher les amis d’El Othmani le jour j.
Sur un autre registre, la popularité du PJD se dégrade à vue d’œil. Les citoyens marocains aspirent au changement. Un troisième mandat successif pour cette formation ne fera que décevoir beaucoup de Marocains qui n’ont plus l’envie, ni la force de supporter pour la troisième fois successive un PJD qui n’a pas réussi à répondre comme il se doit aux aspirations des Marocains, les jeunes en particulier.
Dans tous les cas, avec toutes ces crises qui ne cessent de frapper de plein fouet le PJD, il semble que ses chances de remporter un troisième mandat sont faibles. Le contexte n’étant plus le même, la carte islamiste pourrait vivre ses derniers jours.
Hassan Zaatit