
Tomas Pendola (de face) attablé devant un café dans le quartier de Little Havana, à Miami, le 3 septembre 2017 © AFP Leila MACOR
A Miami depuis l’âge de dix ans, Tomas Pendola, 26 ans professeur de chimie dans l’un des meilleurs lycées de Floride se sent plus Américain qu’Argentin, son pays d’origine, mais sa vie est aujourd’hui suspendue à un trait de plume de Donald Trump.
Le jeune homme fait partie des « Dreamers », ces jeunes sans-papiers arrivés illégalement aux Etats-Unis avant l’âge de 16 ans et protégés d’une éventuelle expulsion par le programme « Daca », créé par Barack Obama.
Donald Trump doit se prononcer mardi sur son élimination, au risque de renvoyer dans les limbes administratives quelque 800.000 « Dreamers » qui n’ont pas choisi de vivre illégalement aux Etats-Unis.
Les parents de Tomas avaient émigré avec leur famille en 2001 et décidé de rester après l’expiration de leur visa, poussés par la crise financière qui avait jeté la moitié des Argentins sous le seuil de pauvreté. Il n’avait alors que 10 ans.
Seize ans plus tard, Tomas enseigne la chimie à la MAST Academy, un lycée de Miami baptisé le « Harvard des lycées ».
Mais son statut de résident sur le sol américain est fragile.
« On se sent pris au piège. Nous sommes libres, mais nous avons tellement de contraintes qu’on se sent piégés », dit-il en racontant son histoire dans l’appartement du quartier de Little Havana qu’il partage avec son père, un charpentier sans-papiers.
Sa vie, dit-il, ressemble à celle du personnage joué par Tom Hanks dans le film « The Terminal », piégé pendant des années dans la zone douanière d’un aéroport.
– Une nouvelle vie –
En juin 2012, le programme Daca (« Deferred Action for Childhood Arrivals ») a donné aux « Dreamers » un permis de travail ou d’étudier. Avant cela, ces jeunes sans-papiers étaient constamment menacés d’expulsion vers des pays d’origine qu’ils connaissent à peine.
« Daca m’a permis d’avoir une nouvelle vie », confie Tomas.
Mais son permis doit être renouvelé tous les deux ans et il n’est maintenant plus certain de pouvoir poursuivre un doctorat en chimie organique.
Selon plusieurs médias américains, le président Donald Trump aurait pris sa décision: mettre fin à Daca tout en différant son abrogation de six mois pour permettre au Congrès de proposer une solution de remplacement.
Si le président américain confirme mardi la fin du programme, les « Dreamers » pourraient se retrouver sans permis de travail dès l’année prochaine et devraient vivre une nouvelle fois dans la peur des descentes des services d’immigration.
« Il y a des gens pour qui retourner dans leur pays est une sentence de mort », dit Tomas. Ce n’est pas le cas pour l’Argentine, dit-il, mais certainement pour d’autres pays d’Amérique latine.
Depuis cinq ans que Daca est en vigueur, les jeunes sans-papiers ont contracté des crédits, acheté des voitures et des maisons et élevé des enfants.
Si le programme est éliminé, « vous perdez votre vie », se lamente Tomas.
« Vous perdez votre capacité à rembourser vos prêts, ce qui ne vous affecte pas seulement vous, cela affectera aussi les banques, cela affectera l’économie. Des milliers de personnes en défaut de paiement sur un ou deux prêts, c’est beaucoup d’argent », souligne-t-il.
Il y a aussi l’impact psychologique.
« Vous vous sentez inutile (…) Vous avez l’impression de n’avoir d’appartenance » nationale, dit-il.
Le programme Daca est aussi vigoureusement défendu par une large coalition qui inclut l’opposition démocrate, quelques républicains et nombre des chefs d’entreprises et d’associations professionnelles.
Parmi ces soutiens, le chef de file des républicains à la Chambre des représentants, Paul Ryan et le gouverneur républicain de Floride Rick Scott. Les deux hommes plaident pour que le programme soit conservé d’une manière ou d’une autre.
« Je crois que c’est quelque chose qu’il appartient au Congrès de résoudre », a déclaré Paul Ryan sur une radio locale de Floride.
« Je ne suis pas partisan de punir les enfants pour les actes de leurs parents », abonde Rick Scott, un partisan de Donald Trump qui milite pour une politique de fermeté sur l’immigration clandestine.
Si son permis de travail qui expire en octobre 2018 n’est pas renouvelé, Tomas craint de se retrouver dans la rue.
« Mais je me suis préparé à ne pas avoir de permis de travail, à économiser financièrement », dit-il. « Après cela, j’essaierai de déterminer la suite de ma vie. »
LNT avec Afp