Des militaires soudanais regardent les manifestants devant le siège de l'armée à Khartoum, le 29 avril 2019 © AFP OZAN KOSE
Les tensions montent à Khartoum, les leaders de la contestation et les militaires au pouvoir ne parvenant toujours pas à un accord sur la composition d’un conseil conjoint qui inclurait des représentants de l’armée et des civils et prendrait la tête du pays.
Un mouvement de contestation secoue le pays depuis le 19 décembre et a notamment provoqué la destitution le 11 avril par l’armée du président Omar el-Béchir.
Les protestataires réclament désormais le départ du Conseil militaire de transition qui lui a succédé et le transfert du pouvoir à une administration civile.
Des milliers de manifestants campent depuis le 6 avril devant le QG de l’armée à Khartoum et maintiennent la pression alors que les dirigeants militaires et les leaders de la contestation tiennent des discussions sur le transfert du pouvoir.
Samedi les deux camps sont parvenus à un accord sur la création d’un Conseil conjoint comprenant civils et militaires.
Ce Conseil conjoint deviendrait l’autorité suprême du pays et serait chargé de former un nouveau gouvernement civil de transition pour gérer les affaires courantes et ouvrir la voie aux premières élections post-Béchir.
Le Conseil militaire, composé de 10 généraux, avait jusque-là refusé de céder le pouvoir. Il s’était donné un mandat de deux ans pour diriger la transition après la destitution d’Omar el-Béchir, aujourd’hui incarcéré à Khartoum.
Mais les discussions n’ont toujours pas abouti quant à la composition du Conseil conjoint, l’armée proposant notamment un Conseil essentiellement constitué de militaires, ce que le mouvement de contestation refuse.
L’Alliance pour la liberté et le changement (ALC), qui regroupe les partis politiques et groupes de la société civile à la tête de la contestation, a ainsi confirmé après une nouvelle réunion avec le Conseil militaire lundi qu’aucun accord n’avait encore été trouvé sur la composition du Conseil.
Elle a prévenu que « les sit-ins et les marches continueraient jusqu’à ce que les objectifs de la révolution soient atteints ».
Un porte-parole militaire avait plus tôt fait état de divergences entre les deux camps.
« Le Conseil militaire a présenté sa vision d’un Conseil conjoint composé de 10 membres, dont sept militaires et trois civils », a expliqué lundi soir le porte-parole, le général Chamseddine Kabbachi, au cours d’une conférence de presse.
– Mise en garde des militaires –
« L’Alliance pour la liberté et le changement a présenté sa vision d’un Conseil conjoint de 15 membres, dont huit civils et sept militaires », a-t-il ajouté.
Les discussions devaient reprendre mardi, selon M. Kabbachi.
M. Kabbachi a par ailleurs indiqué que les deux camps s’étaient néanmoins mis d’accord lundi sur la réouverture de routes et de chemins de fer bloqués par les manifestants autour du QG de l’armée.
Mais l’ALC et l’Association des professionnels soudanais (SPA), fer de lance de la contestation, ont nié tout accord dans ce sens appelant les manifestants à maintenir leur sit-in ainsi que les barricades érigées sur le site.
« Le Conseil militaire est une copie conforme du régime renversé. L’armée tente de disperser le sit-in en enlevant les barricades », a accusé la SPA tard lundi soir.
Des témoins sur place ont pour leur part indiqué à l’AFP que les forces armées n’étaient pas intervenues et que les protestataires renforçaient leurs barricades avec des pierres.
« Ces barricades nous protègent. Nous ne voulons pas que des véhicules militaires entrent dans la zone du sit-in », explique un manifestant à l’AFP.
Bien décidés à ne pas partir, des protestataires sont assis sur ces barricades, brandissant le drapeau du Soudan. D’autres surveillent depuis les toits aux alentours d’éventuels mouvements de troupes, affirme un témoin.
De nombreux manifestants, dont des techniciens, doivent se joindre au rassemblement mardi.
La SPA a en outre prévenu que le sit-in serait maintenu « jusqu’à ce que nos demandes d’une autorité civile soient satisfaites ».
M. Kabbachi est revenu tard lundi soir sur la question, invoquant dans un communiqué « les menaces à la sécurité et à la stabilité publiques que constituent les fouilles pratiquées sur les voitures ou les civils par des personnes n’ayant pas d’autorité légale », en référence aux points de contrôle établis par les manifestants devant le QG de l’armée.
Il a fait état de « pillages, de violences sur des citoyens, de routes bloquées, d’attaques contre les forces de sécurité et d’entraves empêchant les trains de transporter des produits essentiels destinés à la population ».
« Le Conseil militaire, en tant que responsable de la protection des citoyens, mettra fin à ces tentatives qui vont à l’encontre des slogans de la révolution +Liberté, paix et justice », scandés par les manifestants depuis le début de la contestation, a-t-il mis en garde.
LNT avec Afp