« No limit to learning », on ne finit jamais d’apprendre ! Telle pourrait être la devise de la Professeure Ghislaine Medkouri, néphrologue de spécialité, enseignante à la Faculté de médecine de Casablanca. Comme en atteste avec éloquence son parcours, des bancs de la première année jusqu’à l’obtention de la qualification suprême, l’agrégation, mais aussi aujourd’hui encore, la Professeure Medkouri est en quête permanente de formation, d’acquisition de savoirs et de pratiques nouveaux, de spécialisations au sein de sa spécialité, la néphrologie. Cette détermination, porteuse de progrès et de connaissances, elle la met au service de ses étudiants, des stagiaires au sein de son service, mais surtout au profit de ses patients. Un don de soi admirable qui force le respect et qui fait de Mme Ghislaine Medkouri une Femme dont l’exemplarité est aussi prégnante que positive pour toutes les Marocaines !
La Nouvelle Tribune : Professeure Medkouri, je vous remercie d’avoir accepté de participer à ce dossier sur les femmes en médecine.
Vous exercez, à l’Hôpital Ibn Rochd de Casablanca, pouvezvous retracer pour nos lecteurs votre parcours ?
Professeure Ghizlane Medkouri : J’ai commencé mes études médicales en 1989 à la Faculté de Médecine et de Pharmacie de Rabat. Bien que je ne sois pas issue d’une famille de médecins, j’ai toujours voulu m’investir dans ce domaine et cela s’est fait naturellement.
Après mon baccalauréat, j’ai passé avec succès le concours de la faculté de médecine de Rabat. J’ai effectué tout le parcours classique jusqu’à la soutenance dans cette faculté et j’ai migré vers Casablanca, pour des raisons familiales. Plutôt que l’internat, j’ai opté pour le résidanat à Casablanca, après l’obtention de ma thèse en médecine en choisissant la néphrologie comme spécialité.
Après quatre ans de résidanat, il y avait un poste d’universitaire à pourvoir et j’ai réussi le concours de Professeur Assistant en 2001. Puis, j’ai gravi progressivement tous les échelons jusqu’à l’obtention du titre de Professeure de l’enseignement supérieure après l’agrégation.
Vous êtes enseignante à la Faculté de Médecine Hassan II et avez aussi enseigné à l’Université Mohammed VI des Sciences de la Santé ? En quoi l’hôpital Cheikh khalifa diffère-t-il d’un CHU ?
En effet, je suis enseignante à la Faculté de Médecine de l’Université Hassan II où je professe la Néphrologie depuis 2001 et j’ai enseigné également quelques années à l’Université Mohammed VI des Sciences de la Santé. Cette dernière n’ayant pas à son démarrage les enseignants en nombre suffisant. J’exerce par ailleurs ma spécialité auprès des patients hospitalisés dans le service de Néphrologie de l’hôpital Ibn Rochd, tout en formant à mes côtés des médecins résidents en devenir qui ont opté pour cette spécialité.
Le CHU Ibn Rochd est un système pavillonnaire qui fonctionne par spécialité. Chaque spécialité a son service dédié et son équipe universitaire en charge des étudiants en stage et des médecins en formation. L’Hôpital Cheikh Khalifa, bien que regroupant presque toutes les spécialités fonctionne par pôles pouvant regrouper plusieurs centre d’ intérêt et où les étudiants peuvent découvrir plusieurs pathologies réunies.
Quelle a été l’implication du CHU Ibn Rochd dans la bataille contre la Covid-19 ?
Je pense qu’il faut d’abord saluer les efforts considérables de l’État, qui a mobilisé toutes les ressources dont il dispose pour endiguer et faire reculer cette épidémie. Il faut aussi saluer le Fonds spécial pour la gestion de la pandémie de la Covid19 en application des Hautes Instructions de Sa Majesté que Dieu l’assiste, pour la prise en charge des dépenses de mise à niveau des dispositifs médicaux, et d’infrastructures adaptées.
Dans la prise en charge de la COVID, les hôpitaux publics et le CHU Ibn Rochd ont joué un rôle capital. Durant la crise COVID, l’hôpital Ibn Rochd a aménagé 11 services de réanimation et de soins intensifs COVID pour la prise en charge des patients graves nécessitant une réanimation ou des soins intensifs de haut niveau.
Et je pense que le résultat a été à la hauteur de l’effort consenti puisque toutes les demandes exprimées ont été traitées sans exception et cela n’était pas évident. Et dès lors que le secteur public n’a pas pu supporter à lui seul les charges de cette pandémie, une implication du secteur privé a apporté sa pierre à l’édifice.
N’est-ce pas difficile de se plier aux besoins du pays à travers l’action hospitalière, telle que vous la menez ?
La carrière médicale et universitaire exige beaucoup d’efforts, de sacrifices et d’implication personnelle. Lorsque je regarde en arrière, je trouve que j’ai consacré une part importante de ma vie à mon métier. Autant de temps pris sur celui dédié à ma famille, à mes enfants.
Mais, j’avoue que j’ai un réel amour de l’enseignement, car enseigner, non seulement c’est former, transmettre, accompagner des générations et des générations, mais aussi continuer soimême dans l’apprentissage. Mon exigence personnelle est d’être en permanence à jour dans mon domaine.
Il faut donc aimer être en situation d’apprentissage permanent, avoir l’esprit curieux, avide de toujours mieux comprendre les avancées médicales. Depuis mon assistanat en 2001, j’ai eu chaque année une formation additionnelle, soit à l’extérieur du pays, soit au Maroc même. Je parle ici de spécialisation dans ma spécialité.
L’exercice de votre métier à l’hôpital, vous donne-t-il plus satisfaction ?
Il me donne entière satisfaction. A l’hôpital public bien que nous prenions en charge en majorité des personnes indigentes aux moyens limités ou les bénéficiaires du RAMED mais aussi parfois des mutualistes, nous avons tous les outils pour travailler correctement.
La façon dont nous opérons et les moyens dont nous disposons n’ont rien à envier au secteur privé. De plus, à côté de l’effort consentis par l’État, beaucoup de mécènes aident à la prise en charge de nos besoins en matériels destinés à soigner correctement nos patients.
Les prestations offertes par l’hôpital dépassent parfois qualitativement celles des cliniques privées.
A l’hôpital Ibn Rochd nous disposons par ailleurs d’un centre de dialyse dépendant d’une association de soutien. Pour ce qui est de la dialyse à l’échelle nationale, les patients bénéficiant d’assurances maladies privées ou de l’AMO sont absorbés par les centres de dialyse privés. Ceux ne bénéficiant pas de cette couverture sont dirigés vers les centres publics ou peuvent être pris en charge dans le cadre d’un partenariat public privé qui s’organise à partir d’un appel d’offres. Et lorsque la demande est trop forte pour le secteur public, nous avons les centres associatifs qui aident à absorber la demande.
Au-delà de votre passion pour l’enseignement en médecine, votre spécialité, est de celles qui touchent à plusieurs domaines, qu’elle en est l’importance selon vous ?
En effet, ma spécialité est particulière en ce sens qu’elle est polyvalente. Il existe plusieurs centres d’intérêt en Néphrologie. La néphrologie s’intéresse aux techniques d’épuration extra rénales, à la transplantation rénale, à partir de donneurs vivants ou en état de mort encéphalique, et à toutes les pathologies pouvant toucher le rein, que ce soit les maladies dégénératives comme le diabète, l’hypertension, la maladie lithiasique, les maladies systémiques, les cancers, les uropathies…
Nous travaillons également beaucoup en milieu de réanimation pour la prise en charge de l’insuffisance rénale aigue avec une forte demande notamment pendant cette pandémie de la COVID.
Pouvez-vous conclure par rapport à la thématique de ce spécial 8 mars, « La Femme en Médecine » ?
La médecine s’est beaucoup féminisée ces dernières années. La femme qui travaille en général, cumule différentes responsabilités. Je pense qu’elle a beaucoup de mérite dans le sens où elle fait face à un double challenge, celui de réussir sa vie personnelle, et celui de relever le défi d’être au meilleur niveau sur le plan professionnel. Dans les deux situations, elle se doit de donner le meilleur d’elle-même.
Entretien réalisé par Afifa Dassouli