Avec une inflation installée à 8%, selon les chiffres du HCP, le coût de la vie pour les Marocains est de plus en plus intenable. Pourtant, malgré les difficultés de chaque instant que rencontrent nos concitoyens, la rue reste relativement silencieuse et même les boycotts numériques ont disparu. Les Marocains font preuve de résilience selon les instances nationales, mais c’est plutôt la résignation qui prévaut.
Après des années de pandémie extrêmement difficiles pour nos compatriotes, les plus démunis en particulier, qui dépendent de l’économie informelle ou dont les qualifications sont les moins rémunératrices, la chute du pouvoir d’achat a fait tache d’huile dans la classe moyenne, urbaine et active. Tous les indices de prix ou presque ont connu une augmentation, des biens alimentaires de base comme la farine et l’huile aux viandes et volailles, en passant par la quasi-totalité des légumes, sans compter les hydrocarbures, et la liste est longue.
A la différence de la crise de la Covid-19, la redistribution sociale entre classes n’est désormais plus de mise tant le pouvoir d’achat de toutes les catégories sociales a été atteint. L’inflation a fait boule de neige et a permis aussi à autant d’opérateurs économiques d’augmenter leurs prix, soit pour profiter de l’opportunité d’augmenter leurs marges, soit pour les préserver, au détriment dans les deux cas des consommateurs. La hausse des prix s’est tellement généralisée qu’on peine désormais à la corréler systématiquement à la conjoncture internationale, au point même de l’accepter comme une nouvelle réalité du quotidien.
A quelques encablures de deux échéances majeures pour les Marocains, le mois sacré de Ramadan fin mars et l’Aid el Kebir fin juin, l’inquiétude grandit à mesure que les moyens, eux, diminuent.
Alors que faire ? A part faire comme « flana » qui se déclare volontairement vegan avec son couscous sans viande ? Que fait l’État pour pallier cette inquiétude sociale du quotidien ?
A en croire nos gouvernants, ils se démènent tout en ayant les mains liées par un budget de l’État déjà exsangue des soutiens sectoriels et sociaux décaissés depuis la pandémie. La Banque mondiale, en visite de travail au Maroc, confirme dans ses rapports, les efforts importants concédés par l’État marocain « pour atténuer les répercussions de la hausse des prix des aliments et de l’énergie sur les ménages, par l’adoption d’une série de mesures, notamment l’octroi de subventions générales sur certains produits de première nécessité et le maintien des prix réglementés préexistants. »
Sur le terrain, à Safi, à Settat, Bir Jdid, Fkih Ben Salah, Sidi Slimane, Ouezzane, Chichaoua, Jerada, El Kelaâ des Sraghna, etc les autorités ont également intensifié et systématisé, les tournées de contrôle des prix et de la qualité des produits alimentaires, afin de limiter autant que possible les manipulations des prix.
Cette diligence et ce zèle dans le monde rural, ô combien impacté par la sécheresse structurelle, sont louables et nécessaires pour le secteur primaire, mais n’épargnent que très peu le pouvoir d’achat de l’écrasante majorité des Marocains face par exemple à la grande distribution et à l’augmentation globale du coût de la vie. La Banque mondiale confirme d’ailleurs cet état de fait et présente des calculs montrant que l’inflation annuelle a été pratiquement 30% plus élevée pour les 10% les plus pauvres de la population, par rapport aux 10% les plus riches, principalement en raison de l’impact de la hausse des prix alimentaires qui représentent une part plus importante de dépenses chez les ménages les plus pauvres.
Alors certes, du Gouvernement à la Banque mondiale, les violons sont unanimes, seules les réformes sociales structurelles entamées permettront au Maroc de résorber les inégalités économiques des ménages marocains. Mais, le temps se fait long pour nos concitoyens, et la cocotte-minute, même vide, peut vite exploser…
Zouhair Yata