Mardi 22 octobre, à Rabat, le Ministre de l’Économie et des Finances, M. Mohamed Benchaaboun, a présenté le projet de loi de finances 2020 à la presse.
Un des points forts du PLF 2020, porte sur le rétablissement de la confiance entre l’administration fiscale et les opérateurs économiques.
La confiance, maître-mot
En effet, ce projet de loi en question propose aux personnes physiques et morales de procéder à des déclarations volontaires rectificatives qui seraient libératoires, sur l’IS, l’IR et la TVA, pour les années 2016, 2017 et 2018 et qui les exonéreraient de tout contrôle fiscal.
Idem pour les Marocains détenant indûment des avoirs à l’étranger.
Car 2020 sera la dernière année de régularisation de leur situation vis-à-vis de leur pays avant l’application des accords entre le Maroc et les pays membres de l’OCDE portant sur les échanges d’informations financières et bancaires, à partir de 2021.
Mais, en contrepartie, le gouvernement prendra les mesures nécessaires pour la simplification des procédures relatives aux opérations de change et la création de comptes bancaires en devises.
On notera donc que cette stratégie visant à inciter les contribuables à adhérer volontairement à la régularisation spontanée de leur situation fiscale, propose à chaque fois des contreparties attrayantes dans cette phase transitoire à la mise en œuvre des recommandations des 3èmes Assises Nationales sur la Fiscalité et la mise en place de la loi cadre y afférente.
Ainsi, 2020 sera, à tout point de vue, une année de transition pour la grande réforme fiscale qui devrait instaurer à partir de 2021, plus de justice fiscale et des incitations favorables aux PME, à l’investissement et à la régionalisation.
Le social, toujours prioritaire
Par ailleurs, les lois de finances étant devenues sociales depuis 2019, avec des budgets en nette augmentation pour l’Éducation et la Santé en particulier, le Grand Argentier a insisté sur le maintien de l’équilibre budgétaire grâce à de nouveaux moyens de financements de l’État et que M. Benchaaboun a qualifiés d’innovants.
Il s’agit notamment de partenariats publics-privés qui consistent à faire porter par le privé les projets d’investissements de l’État en se réservant l’exploitation, moyennant des compensations sous forme de loyers ou autres.
C’est par ce biais que le Gouvernement poursuivra sa politique de soutien de l’investissement public, lequel se traduira par une augmentation des crédits de 3 milliards de dirhams au titre de l’année 2020 par rapport à 2019, pour se situer à 198 milliards de dirhams.
Et, M. Benchaaboun de préciser que cette démarche a pour but «de mettre en cohérence l’objectif du développement socio-économique et la nécessité de la préservation des équilibres macroéconomiques, et à l’effet de contenir le déficit budgétaire dans une limite de 3,5% du PIB en 2020, sachant que ces nouveaux montages permettraient de réduire le besoin de financement du Trésor d’un montant de 16 milliards de dirhams »
Par ailleurs, ce PLF 2020 introduit la notion d’efficacité financière qui oblige les différents départements ministériels à regarder à la dépense tout particulièrement au niveau des festivités et déplacements, mais surtout pour plus d’efficience et de diligence dans la réalisation de leurs budgets.
Cette règle d’efficacité financière sera sanctionnée par deux rapports, le premier dit de performance financière qui sera présenté au Parlement et l’autre sous forme d’un audit fait par l’Inspection des Finances.
Au-delà de ces côtés qualitatifs du projet de loi de finance 2020, ce dernier continue concrètement à accorder la priorité aux politiques sociales, en faveur de l’éducation et la santé notamment.
Pour la mise en valeur du système d’éducation, de la formation et de la recherche scientifique, avec l’engagement du gouvernement est de créer 16.069 postes budgétaires nouveaux dont 15.000 au profit des Académies Régionales de l’Éducation et de la Formation, AREF.
De même, celui de la Santé bénéficiera de 4.000 postes budgétaires supplémentaires.
Ces créations représentent 46% du total des postes budgétaires prévus dans le cadre du PLF 2020.
Quant à l’enveloppe budgétaire allouée à ces secteurs sociaux, elle s’élève à un peu plus de 91 milliards de dirhams, ce qui représente 30% du Budget Général de l’État.
En outre, pour la réduction des disparités sociales et territoriales, des mécanismes de la protection sociale seront mis en place en 2020 avec une enveloppe de 18 milliards de dirhams notamment, à travers l’amélioration du dispositif de ciblage des populations pauvres et vulnérables en termes de soutien de la scolarisation, l’accélération de la mise en œuvre du Programme Royal de Lutte contre les Disparités Territoriales et Sociales dans le monde rural, la mise en œuvre du programme d’assistance médicale « RAMED » et la généralisation de la couverture médicale de base aux étudiants et indépendants, sans omettre l’accompagnement de la troisième phase de l’INDH.
De même et toujours dans le cadre de la politique sociale, le PLF 2020 prévoit l’allocation de 26 milliards de dirhams pour la préservation du pouvoir d’achat des citoyens, essentiellement de la classe moyenne, et notamment la concrétisation des décisions générées par le dialogue social.
Cela grâce à une enveloppe de 6 milliards de dirhams dédiée à l’augmentation des salaires, en 2020 en sus de 5,3 milliards de dirhams au titre de l’année 2019.
Enfin dans le registre social encore, les charges de la compensation se situeraient à 14,6 milliards de dirhams en 2020.
Le projet de loi de finance 2020 accorde aussi un grand intérêt à la régionalisation avancée avec une enveloppe de 9,6 milliards de dirhams, en augmentation d’1 milliard de dirhams par rapport à 2019.
L’incitation fiscale en hors d’œuvre de la Loi Cadre
Toutefois, si les réalisations sociales du PLF 2020 sont d’une grande importance, leur réalisation exige du temps avec des effets progressifs et une visibilité plutôt lente.
C’est pourquoi le PLF 2020 continue de s’appuyer sur des mesures fiscales d’incitation économique en faveur d’une nouvelle dynamique à l’investissement et au soutien de l’entreprise.
A ce titre, certaines mesures de la grande réforme fiscale de 2021 vont être appliquées en avance dès 2020.
En effet, un fonds de financement des petites entreprises notamment exportatrices en Afrique et pour accompagner les jeunes diplômés dans la création de leur propre emploi, sera créé et doté de 6 milliards de dirhams sur 3 ans pour leur faciliter l’accès aux prêts bancaires.
Concrètement, il s’agira de 2 milliards par an égalitairement partagés entre l’État et le système bancaire.
De plus, le PLF 2020 introduit la réduction progressive du taux marginal de l’Impôt sur les Sociétés de 31% à 28% pour les sociétés industrielles, au titre de leur chiffre d’affaires local, parallèlement à la baisse progressive du taux de la cotisation minimale de 0,75% à 0,50.
Ceci, en sus de la poursuite de la mise en œuvre des réformes visant l’amélioration du climat des affaires, la mise en place de la nouvelle charte de l’investissement et la réforme des Centres Régionaux d’Investissement.
En conclusion pour 2020, la concrétisation du PLF, se traduira par une croissance économique autour de 3,7%, sur la base des hypothèses suivantes : une inflation à un niveau inférieur à 2%, une production céréalière de 70 millions de quintaux, un cours moyen du pétrole à 67 dollars le baril, un prix du gaz butane à 350 dollars la tonne et une demande mondiale adressée au Maroc en croissance de 3,5%.
Le PLF 2020 se veut ainsi la traduction d’un Maroc qui, sous l’impulsion des discours royaux, est entré dans une phase de réformes continues tant sociales, financières, fiscales et économiques que politiques, avec une gouvernance concentrée et sous contrôle, sujette à la reddition des comptes…
Afifa Dassouli