Mawazine 2019 : Le chanteur colombien Maluma se produit sur la scène d internationale de l'OLM-Souissi. Crédits photo : Ahmed Boussarhane
Comme toujours, les plus belles choses ont une fin. Le Festival Mawazine-Rythmes du Monde, véritable temps fort de la vie culturelle et artistique de la Capitale, a clôturé sa 18-ème édition en apothéose, samedi soir, avec une programmation riche alliant excellence, sensations fortes, rythmes endiablés et grandes émotions.
Réel point d’orgue d’un festival classé parmi les meilleurs de la planète, le public a été invité, lors de cette dernière soirée, à apprécier des talents hors normes, à l’image de Maluma, le « pretty boy » qui a su s’emparer délicatement des cœurs de l’assistance par sa voix enchanteresse et son reggaeton suave. Une opération séduction réussie par le Colombien tatoué, précédé sur la scène OLM Souissi par la performance très « caliente » de sa compatriote Karol G.
Au même moment, loin de l’esprit latino de l’OLM, un rap fantasque se faisait entendre sur la rive du Bouregreg. Ce n’est autre que la voix du jeune rappeur français d’ascendance congolaise, Koba LaD, qui enchaînait ses freestyles ténébreux puis ses hits plus dansants devant une foule en pleine immersion avec les rythmes frénétiques de sa musique créative.
Une musique créative qui s’entremêlait légèrement, au loin, avec des sons châabi et raï provenant de la scène de Salé. Ce sont, en effet, la voix remarquable de Hamid El Mardi et les chansons au rythme accrocheur de Zina Daoudia qui faisant le bonheur d’un public impressionné, dansant grâce à l’instrumentalisation singulière du son châabi.
Ces deux Marocains n’étaient pas les seuls à se produire sur scène ce soir, puisque, sur la scène Nahda, la première partie du concert de clôture était assuré par nulle autre que Zinab Oussama, la jeune chanteuse prodige à la voix mélodieuse. Le public, bien ambiancé grâce à la jeune marocaine, s’est fait une joie d’accueil le grand Hussain Al Jassmi, l’Emirati à la voix unique et au style singulier.
Plus tôt dans la journée, alors que l’auditoire du théâtre était charmé par la présence impressionnante du chanteur égyptien Mohamed Mohsen, ainsi que ses reprises réussies des chefs-d’œuvre des géants du répertoire Tarab, les vestiges du Chellah accueillaient une expérience musicale et artistique des plus mémorables grâce à la légende vivante du flamenco, Luis de la Carrasca.
Si ces concerts de clôture aux différents goûts et styles musicaux ont ébloui l’ensemble des festivaliers, ils ne sont en fait que le miroir de plus d’une semaine de spectacles singuliers, reflétant une diversité d’expression musicale dont seul Mawazine peut s’enorgueillir de rassembler par le biais de ses différentes scènes.
Alors que l’OLM Souissi a clôturé par des sons reggaeton, c’est par nul autre que « le petit prince du reggaeton » lui-même, J Balvin, ainsi que Rosalia, qu’elle avait ouvert. Cette même scène a connu le passage de Lartiste, d’Aya Nakamura et de Dadju, les chanteurs pop du moment, ainsi que le passage enflammé du célèbre groupe américain Black Eyed Peas.
Néanmoins, le rap a su régner en maître sur cette scène, où le public, majoritairement jeune, a pu savourer un rap français des plus puissants grâce au duo Bigflo et Oli ainsi qu’Orelsan, tandis que les amateurs de rap américain ont eu leur compte avec Future, Travis Scott et le groupe Migos. Les fans de platine n’ont également pas été déçus grâce au grand DJ David Guetta et au très célèbre Américain Marshmello.
Cap sur la scène du Bouregreg qui, comme le veut la coutume, a mis, cette année encore, la musique africaine au premier plan. Si la transe afro-psychédélique du groupe BCUC, originaire de Soweto, a donné le ton lors de l’ouverture de festival, le groupe congolais Kokoko a su maintenir la cadence grâce à son énergie explosive.
De quoi bien préparer la scène pour le militantisme singulier de huit divas réunies au sein du collectif des Amazones d’Afrique, engagées dans la lutte contre les violences faites aux femmes. Un engagement, certes différent, mais tout aussi puissant des deux rappeurs Kery James et Youssoupha, dont les verves sont venues bercer, deux soirées durant, la rive du Bouregreg.
Delgres, un groupe de trois musiciens qui explore les racines ensevelies à la recherche d’un blues personnel et intime, Kamasi Washington au mix musical particulier et le groupe de Jazz, funk, free, soul, blues et rock, Vaudou Game, ont également pris part à l’aventure joliment réussie de la scène Bouregreg.
Cette année a également connu, à l’instar des éditions précédentes, une scène Nahda particulièrement remarquable grâce aux belles voix arabes des Libanais Carole Samaha, Assi El Helani et Myriam Fares, le jeune duo égyptien Oka Wai Ortega, l’icône de la chanson folklorique égyptienne Saad El Soghayar et le vainqueur de l’émission Arab Idol, le Palestinien Mohamed Assaf.
C’est également grâce à la participation de la libanaise Elissa et de la Jordanienne Diana Karazon, de l’artiste égyptien Abu, ainsi que les artistes libanais Walid Tawfik, Rami Ayach et Najwa Karam que les férus de la chanson arabe ont trouvé leur bonheur face aux sons particulièrement mélodieux qu’a accueilli cette scène.
Les amoureux de sons châabi et de musique marocaine, rassemblés sur la scène de Salé suivant la tradition des éditions précédentes du festival, se sont ambiancés, aux rythmes de Mustapha Bourgogne, Abdellah Daoudi, Zahira Rbatia, Ikram El Abdia, Rabeh Mariwari, Saïda Titrit , Aicha Tachinwit, Reda Taliani et YouNess.
Celle dont le talent et la voix ne laissent personne indifférent, la fameuse Saida Charaf, a également été présente sur la même scène avec sa voix marocaine sahraouie particulière tandis que les percussions gnaouies se sont frayé un chemin grâce au célèbre Maâlem Hamid El Kasri. La musique marocaine contemporaine a été représentée cette année par Jbara, le groupe Fnaïre, Zouhair Bahaoui, les rappeurs Lbenj et 7ari, ainsi que Manal.
Quant aux vestiges de Chellah, consacrés aux musiques du monde, ils ont abrité une réelle invitation à la découverte avec l’Inde comme première escale. Kawa Generations, formation composée de membres de Khan a partagé des répertoires traditionnel, folklorique et classique indiens, suivie du groupe turque de She’Koyokh Quintet, qui a su mêler à la perfection répertoires klezmer et balkanique.
La compagnie Sharmila Sharma, figure incontournable de la musique, du chant et de la danse kathak a fait replonger l’audience dans une ambiance indienne, le temps d’une performance spectaculaire, tandis que l’Europe de l’Est a été, cette année, deux fois mise en avant. Marcela & los Murchales, formation aux sons de la musique tzigane slovaque et le Dan Gharibian Trio, groupe aux rythmes tsiganes, arméniens, grecs et russes, se sont, sans nul doute, surpassés par des spectacles réussis.
L’univers du flamenco a également submergé le Chellah grâce à l’Espagnole Alba Morino, alors que l’Iran s’y est invité, le temps d’une soirée, en la personne de Shahrokh Moshkin Ghalan, acteur, danseur et metteur en scène qui a fait voler les spectateurs vers d’autres cieux.
Si toutes les scènes du festival offrent un répertoire musical bien précis, le Théâtre Mohammed V se distingue par une multitude de styles, présentés brillamment tout au long des neuf spectacles.
Du Ballet Flamenco de Andalucía, l’institution la plus emblématique de l’art populaire andalou, à la Syrienne Mayada El Hennawi, en passant par le groupe Mashrou’Leila, le rappeur français d’origine congolaise, Abd Al Malik, la référence en matière de chanson française, Julien Clerc, les Sister Sledge, le bassiste américain Stanley Clarke, Samir Toumi ou encore Sanaa Marahati, le théâtre a été témoin, grâce au festival Mawazine, de temps forts ayant tenu la promesse d’émerveiller le public grâce au différents registres musicaux visités.
Aux côtés de ces scènes tout aussi riches les unes que les autres, le festival Mawazine-Rythmes du Monde s’est toujours donné pour mission d’égayer, neuf jours durant, les rues de la Capitale. Et c’est promesse tenue cette année grâce aux spectacles de rue festifs d’Akdim Batucada, groupe de percussionnistes aux shows rythmés, Acro-Maroc, formation de cirque aux spectacles inspirés du folklore marocain et de ses multiples figures, Fanfare Bladi, groupe musical de fanfare, et Hot Streets, groupe au spectacle de percussions singulier.
Une programmation qui donne tout son sens à l’expression « Rythmes du Monde », avec des têtes d’affiches de renommée internationale, adulées aux quatre coins de l’univers, qui confirment que la musique est l’expression humaine la plus universelle. Cette même expression qui lui permet de transcender, de la plus belle manière, les barrières de la diversité et de rassembler les peuples, le temps d’un concert, afin de partager une expérience musicale qui dépasse les clivages culturels.
Et si les belles choses ont une fin, c’est justement pour qu’elles recommencent. A la prochaine édition de ce festival singulier !
LNT avec MAP (Soukaïna BENMAHMOUD)