En 1987 déjà, Feu le Roi Hassan II écrivait une lettre à Jacques Delors, président de la Commission européenne, dans laquelle il exprimait officiellement la demande d’adhésion du Royaume du Maroc à la Communauté économique européenne (CEE), l’ancêtre de l’Union européenne (UE). Le Roi Hassan II, visionnaire et soucieux de renforcer les liens entre le Maroc et l’Europe, avait adressé cette lettre pour solliciter une adhésion qui aurait positionné le Maroc comme le premier pays non européen à intégrer la CEE. Si la demande d’adhésion a été rejetée en 1987 parce que le Maroc ne satisfaisait pas au critère géographique nécessaire selon les articles du traité de Rome fondateur de l’UE, c’est bel et bien cet épisode royal qui a conduit à la signature d’accords importants, notamment l’Accord d’association entre le Maroc et l’UE en 1996 et le statut avancé accordé au Maroc en 2008.
La relation qui unit le Maroc et l’Europe est bien ancienne, ancrée et dense.
Ainsi, c’est fort de cette légitimité qu’à l’occasion de la visite du commissaire européen chargé du Voisinage et de l’élargissement, Olivér Várhelyi, le ministre des Affaires étrangères Nasser Bourita, a déclaré que ce partenariat de fait « traverse une étape charnière » qui exige de l’Union de prouver son engagement en sa faveur à travers des actes et non des paroles.
Concrètement, le Maroc attend de l’UE de « cimenter son partenariat avec le Maroc et le défendre contre le chantage et le harcèlement juridique et économique », en référence directe aux épisodes qui sont venus brouiller les cartes de ce partenariat jusqu’alors somme toute fructueux pour les deux rives. D’abord, la résolution du Parlement européen sur les droits de l’homme en janvier 2023, condamnant le Maroc pour des atteintes à la liberté de la presse et appelant à la libération de journalistes emprisonnés, a marqué la première condamnation du Maroc par le Parlement européen en 25 ans.
Ensuite, le 4 octobre 2024, la Cour de justice de l’Union européenne a annulé les deux accords commerciaux conclus entre l’UE et le Maroc en 2019, portant sur la pêche et l’agriculture. Ces deux événements ont été perçus par le Royaume comme des atteintes directes à sa souveraineté et son intégrité territoriale.
Si ces événements restent isolés, ils sont surtout le témoignage flagrant de l’état actuel des forces en présence en Europe et des changements des rapports entre elles. Jamais dans son histoire récente, l’UE a été aussi divisée politiquement face à des États membres au trajectoire politique diamétralement opposée et une montée des extrêmes de droite notamment au pouvoir dans de nombreux pays.
Le schisme entre la Commission européenne, aussi technicienne qu’inaudible politiquement, et les autres instances représentatives de l’Union comme son Parlement, est accentué par la crise profonde de leadership du vieux continent, dont le couple moteur franco-allemand est en panne et privé du poids du Royaume-Uni depuis le Brexit.
Cette affaiblissement politique de l’UE est concomitant avec l’affirmation par le Maroc de sa souveraineté auprès des grandes capitales européennes, Paris étant la dernière à avoir fermement soutenu l’intégrité territoriale du Royaume, contre les vents et marrées venus de l’Est notamment. En réalité, le Maroc et l’UE sont condamnés à se réconcilier durablement parce que les alternatives sont pauvres. Le contexte de la lettre de Hassan II est non seulement le même mais il s’est fortement densifié avec le développement de notre pays ces 25 dernières années lorsque l’Europe au contraire s’enlise dans une stagflation de plus en plus durable.
La coopération économique, politique et sécuritaire avec des pays proches de nous historiquement, de l’Espagne à la France, promet d’atteindre de nouveaux sommets dans les années à venir avec des milliards d’investissements conjoints dans des secteurs hautement stratégiques pour l’UE, qui il ne faut pas l’oublier, a beau se comporter parfois comme le Père Fouettard, n’a pas plus de poids politique que ses propres membres.
La nomination récente d’une grosse pointure, fin connaisseur des enjeux que connait notre pays, Ahmed Reda Chami, au poste d’ambassadeur auprès de l’Union européenne, sera certainement un atout décisif dans les prochains mois pour le Maroc dans cette nouvelle phase d’une relation appelée à être redéfinie en profondeur, mais dans le sillon déjà dessiné depuis déjà près de 40 ans.
Zouhair Yata
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