Flags of algeria and morocco behind pawns on the chessboard. chess game or political rivalry related 3D rendering
Nous voici donc en 2023, et après un léger répit suite aux performances historiques des Lions de l’Atlas au Mondial de football au Qatar, la nouvelle année se présente dans un contexte économique, politique et géopolitique peu réjouissant, pour ne pas dire inquiétant.
En 2023, le lexique ne changera visiblement pas, les mots clés resteront inflation, guerre en Ukraine, crise économique, récession, stress hydrique et pression sociale.
Et, au niveau géopolitique, dans notre voisinage proche, les causes d’inquiétudes se sont multipliées ces derniers mois, au point d’obscurcir ce début d’année. Le Maroc déploie depuis de nombreuses années maintenant une stratégie double de soft power, basée sur une notoriété mondiale grandissante et une diplomatie résolument active, pour faire reconnaitre sa cause légitime sur le Sahara marocain.
Cette stratégie a connu un paroxysme ces dernières semaines grâce au football, le Maroc n’a jamais été aussi visible à l’international et a engrangé un « goodwill » phénoménal. Dans un contexte où les victoires diplomatiques marocaines à Washington, Tel Aviv, Madrid, Berlin etc., s’accumulent, l’épopée des Lions a certainement été perçue par le régime algérien comme la goutte d’eau de trop.
Le Maroc et l’Algérie sont à couteaux tirés, avec des stratégies diamétralement différentes certes, mais dans une logique d’escalade qui ne semble pas prête de s’arrêter. Alors que la guerre est physiquement de retour sur le territoire européen, que l’on pensait immunisé par les catastrophes du siècle dernier, c’est la notion de blocs, autrefois idéologiques, aujourd’hui par opposition, qui repointe le bout de son nez. Les voisins marocains et algériens, qui partagent une histoire commune densément riche, comme les voisins russes et ukrainiens, s’opposent désormais ouvertement dans le même alignement d’alliances.
Le pouvoir algérien est de plus en plus loquace comme en témoigne la déclaration tonitruante du président algérien dans un entretien au quotidien français, le Figaro : « Nous avons rompu avec le Maroc pour ne pas faire la guerre ». Ce serait donc l’Algérie qui serait sur la retenue dans ce conflit larvé entre nos deux pays. Il ajoute également qu’en « soixante ans d’indépendance, la frontière algéro-marocaine est restée fermée pendant quarante ans en réaction à de perpétuels actes hostiles du voisin ». Il est intéressant de relever que dans son manichéisme, Abdelmadjid Tebboune perçoit l’Algérie comme une victime.
En revanche, silence radio du président algérien sur les raisons qui expliquent comment en 60 ans d’indépendance et malgré ses richesses, l’Algérie peine à se développer et pourquoi son peuple a autant souffert des régimes militaires successifs dont il est le digne héritier. De même, il est bien plus simple de lâcher les chiens sur le sujet de la CHAN plutôt que de reconnaitre l’urticaire causé au palais d’El Mouradia par la coopération militaire israélo-marocaine ou la livraison de gaz par l’Espagne au Maroc.
En réalité, Alger n’est pas aveugle et connait bien la différence entre sa propagande officielle et la réalité du terrain. Celle-ci mets en opposition deux voisins dont chacun dispose d’une ressource stratégique pour ses alliés, du phosphate au gaz. Si le réchauffement des relations bilatérales entre Alger et Paris a été célébré en grandes pompes par la visite du Président Macron, la demi-finale entre le Maroc et la France, les échanges téléphoniques entre le Roi Mohammed VI et le président français, la visite concomitante de la MAE française qui enterre officiellement la hache de guerre, et enfin la nomination d’un nouvel ambassadeur de la République à Rabat, sont autant de couleuvres à avaler pour le régime voisin qui espérait avoir un coup d’avance sur le Royaume sur le dossier français.
Les alliés du Maroc et de l’Algérie sont avant tout leurs partenaires économiques, comme en témoigne le profil du nouvel ambassadeur de France au Maroc. Ce sont aussi, pour des raisons historiques et de voisinage, souvent les mêmes. C’est ce paradoxe qui est à la fois le piège de la relation maroco-algérienne et sa porte de sortie. Pour nos alliés communs, la realpolitik veut que notre conflictualité serve leurs intérêts selon l’adage « diviser pour mieux régner », jusqu’à une certaine limite vers laquelle l’escalade nous fait tendre, où leurs intérêts sont menacés. Bonne année quand même !
Zouhair Yata