Après deux années marquées par une reprise du secteur, la sidérurgie mondiale connait des difficultés depuis plus d’une année. A titre d’exemple, la capitalisation boursière de Arcelor Mittal a perdu plus de la moitié de sa valeur depuis début 2018.
En effet, partout dans le monde, avec cette crise mondiale de la sidérurgie, les États, y compris les plus puissants, (USA), mettent en place des protections pour préserver leurs producteurs d’acier.
Le Maroc ferait-il exception en sacrifiant Maghreb Steel sur l’autel de l’ouverture totale, au risque de reproduire le schéma, tant regretté aujourd’hui, du démantèlement de la Samir ?
Dans ce contexte, l’unique producteur national d’acier plat, Maghreb Steel, dont les prix de ventes sont ajustés en temps réel en fonction des prix internationaux, a vu ses marges unitaires fondre face à une concurrence low-cost très agressive et qui s’appuie sur un lobby local très actif qui réclame encore plus de libéralisation et de démantèlement tarifaire.
Mais, après un trou d’air de quelques mois, les résultats opérationnels renouent avec la croissance et affichent des niveaux similaires à ceux enregistrés début 2018.
Fort d’une équipe resserrée, autour du noyau dur qui a contribué à la transformation enclenchée en 2015, Maghreb Steel entame une nouvelle phase de son histoire avec une stratégie tournée vers le développement volontariste de son écosystème.
En effet, l’entreprise occupe une place centrale dans le secteur des IMME et son succès est intimement lié à la bonne santé des différentes filières en aval.
A l’inverse, pour les industries existantes et celles en cours d’installation, l’existence d’un fournisseur local est un atout essentiel qu’il convient absolument de préserver, car, au demeurant, Maghreb Steel est le fruit d’efforts conséquents au service de l’industrie et de la sidérurgie nationales.
Et, après quatre années de transformation, Maghreb Steel confirme son redressement. En effet, malgré quelques mois de passage à vide, les résultats affichent une amélioration notable. L’équilibre de l’exploitation est maintenu dans un contexte de marché international chahuté.
C’est que l’entreprise a réalisé des améliorations opérationnelles spectaculaires à tous les niveaux : des coûts de transformation en baisse de plus de 20%, une productivité et un rendement en amélioration de plus de 20%, plusieurs certifications qualité selon les normes internationales …
The one, and the only
Maghreb Steel est un vrai cas d’école d’une société qui était à bout de souffle à la fin 2014 et qui aujourd’hui affiche une activité sur un trend haussier et prouve sa résilience pendant les bas de cycle
Pour mieux comprendre le cheminement de son redressement, il faut en retracer le parcours.
Maghreb Steel, le complexe sidérurgique de la famille Sekkat depuis près de deux décennies, était en phase de croissance et venait de réaliser d’importants investissements dans l’objectif d’occuper pleinement sa place sur le marché national et à l’export. Sauf que le nouvel investissement en question, décidé au milieu de la première décennie 2000, s’est avéré en contre-cycle. Entre la décision d’investissement et la mise en service de la nouvelle unité, le contexte international avait drastiquement changé.
Maghreb Steel a lancé son investissement pour une nouvelle unité en 2006, au plus haut niveau des prix de l’acier sur marché mondial, alors que sa mise en service a coïncidé avec l’effondrement de la demande mondiale qui s’est traduit par des prix historiquement les plus bas.
Car, avec la crise de 2008 les cours de l’acier se sont effondrés, passant de 1200 à 500 dollars la tonne. On ne peut que conclure à une trajectoire mal calculée et un timing totalement faussé.
Pour la grosse PME familiale, les conséquences n’ont pas tardé à se traduire par des difficultés financières. Les problèmes de trésorerie l’ont mené à une quasi-situation de cessation de paiement avec l’impossibilité de payer ses fournisseurs et donc d’acheter des matières premières. Elle perdait 50 millions de dirhams par mois et risquait tout simplement de mettre la clé sous la porte.
SOS…
Maghreb Steel était tout simplement par terre, son aciérie ne fonctionnait plus et la société s’était fortement endettée auprès des banques pour financer l’investissement en question. Ce qui a obligé à la fin de 2014, la famille Sekkat à chercher un compromis avec les banques et autres institutionnels porteurs de ses billets de trésorerie. L’endettement de l’entreprise en difficulté dépassait les 6 milliards de dirhams. Mais, le projet d’une grande aciérie au Maroc risquait de tomber à l’eau !
Ce qu’apparemment ni l’État, ni les créanciers, ni les actionnaires de Maghreb Steel n’ont voulu. C’est ainsi qu’une négociation s’est engagée entre tous les protagonistes pour conclure un protocole d’accord tripartite.
Sa première concrétisation fut de subsister à la famille Sekkat, un nouveau management, de mettre en place une nouvelle équipe dirigeante tandis que les actionnaires sortaient de l’exécutif tout en restant administrateurs au Conseil d’administration.
Alors que les 6 premiers mois de 2015 ont été consacrés à la conclusion définitive du protocole d’accord entre les créanciers, les actionnaires et l’État, le nouveau management, sous la férule de M. Amar Drissi, (dont la démission est toute récente), a instauré une nouvelle autorité dans l’entreprise et lancé sans tarder une normalisation à tous les niveaux, accompagnée d’une réorganisation.
L’année 2015 a donc été celle de la remise sur les rails de Maghreb Steel.
Alors que le protocole d’accord, cadre de la restructuration de l’entreprise, a mis une année à être finalisé, la reprise en main managériale s’était faite, elle, tout de suite.
L’investissement humain a été vraiment fondamental d’autant que jusque-là, l’encadrement de Maghreb Steel était faible, quantitativement et qualitativement. Une réelle restructuration a permis de construire une nouvelle colonne vertébrale à Maghreb Steel.
Le renouveau
Nombre de process qui n’existaient plus ou n’existaient pas, tout particulièrement au niveau industriel, ont été instaurés pour relancer l’aciérie qui ne fonctionnait plus depuis pratiquement une année.
Avec les nouveaux ingénieurs, la maintenance et de nouveaux gages de sécurité ont été appliqués.
Depuis, les accidents et incidents ont été divisés par plus de 10. De même, la qualité a aussi été introduite dans les process industriels, ce qui a valu à Maghreb Steel de signer un accord commercial avec Renault- Melloussa, ce qui n’était pas gagné d’avance.
Car il faut savoir que la consommation d’acier est un indicateur de développement et elle reste faible au Maroc par rapport aux autres pays comparables. L’acier national devrait être encore plus utilisé pour une meilleure qualité de la construction, notamment.
Voilà pourquoi il est plus impératif de sauvegarder le fleuron de la sidérurgie nationale qu’est Maghreb Steel, ainsi que la Sonasid qui opère dans les ronds à béton.
C’est donc avec une certaine inquiétude que les salariés et le management de Maghreb Steel attendent le mois de septembre prochain où devraient être annoncés d’importantes décisions sur la protection (ou le démantèlement) du secteur !!!