M. Cheikh Mohamed Maoulainine, Directeur régional du HCP
La région de Dakhla-Oued Eddahab est aussi dynamique que performante. Ses minima économiques et sociaux sont de loin supérieurs à la moyenne nationale. Sa population est jeune, plus instruite qu’ailleurs sur le territoire national et le potentiel de la région est énorme.
Voilà ce qui ressort, entre autres, de l’entretien exhaustif et convaincant que M. Cheikh Mohamed Maoulainine, Directeur régional du HCP, a bien voulu accorder à La Nouvelle Tribune.
La Nouvelle Tribune : La région d’Oued Eddahab-Dakhla connaît une dynamique de développement incontestable. Quels en sont certains des indicateurs ?
M. Mohamed Cheikh : Maoulainine : La région de DAKHLA-OUED EDDAHAB, qui a hérité de la période coloniale un espace peu peuplé, non desservi, où les conditions de vie étaient très difficiles en comparaison du reste du territoire, est actuellement une région très dynamique et se place à la tête de tout les indicateurs économiques et sociodémographique nationaux.
Au bout de la quatrième décennie de son ralliement, l’Oued Eddahab, connu autrefois sous l’appellation espagnole de Rio de Oro et Dakhla, l’ancienne Villa Cisneros, sont devenus sans conteste la destination de la qualité de vivre, de travailler et de produire de la richesse.
Le mariage entre la mer et le désert et les efforts gigantesque qu’ont menés les différents intervenants dans le cadre de la solidarité nationale ont abouti à ces énormes acquis permettant à plus de 165 milles personne de jouir de toutes les conditions de vie et de prospérité dans une cohésion sociale et harmonie nationale.
Il fallait dépasser le déficit hérité pendant la première décennie de son ralliement, instaurer les conditions de vie saine et digne pendant la deuxième décennie, exceller et devenir à la tête de tous les indicateurs socioéconomiques durant la troisième période décennale, pour devenir une région ouverte, attractive et dynamique affichant des performances économiques inédites.
Elle réalise prés de 1,1% du PIB national (en 2015), soit près de 11 milliards de DH, son poids démographique est de 0,4% (en 2014).
Le PIB par habitant atteint 75 mille DH, c’est-à-dire le double de la moyenne nationale, le double de celui de Rabat-Salé-Kenitra, alors que le PIB de la région de Casablanca-Settat est de 46 mille dirhams.
Ainsi, la région de Dakhla-Oued Eddahab produit deux fois son poids démographique.
Quels sont les secteurs d’activités où cela se manifeste le plus ?
L’activité est générée par plus 6215 unités économiques affichant des flux bancaires de 1 720 millions de DH de dépôts bancaires et plus de 655 millions DH de crédits alors qu’en 1975, la région ne comptait pas plus qu’une centaine de commerçants !
DAKHLA-OUED EDDAHAB dispose des atouts nécessaires pour devenir le premier pôle halieutique du Maroc.
La valorisation sur place du pélagique et le développement des infrastructures industrielles et de transport permettront l’émergence du « Pôle Bleu » de Dakhla.
Un tel résultat nécessite en amont l’aménagement du Port Atlantique et d’une zone industrielle à Ntirift en tant que zone franche.
Ce qui est aujourd’hui visible grâce au nouveau modèle de développement déjà initié et dont les premiers résultats commencent à apparaitre.
Dans le même ordre idée, la continuité géographique de cette région avec l’Afrique pourrait être davantage mise en valeur.
La création d’une plateforme logistique à Birgandouz, constituée en zone franche, est susceptible de jouer un rôle central dans l’intégration avec les pays subsahariens.
Quels sont les éléments les plus saillants de la composition démographique de la région d’Oued Eddahab ? Est-elle jeune, majoritairement originaire des provinces du Sud ou des autres régions du territoire national ?
Aujourd’hui la région compte prés 165 mille habitants dont presque 130 mille d’entre eux résident à Dakhla, cette ville jeune, moderne et attractive où toutes les conditions d’une bonne qualité de vie sont présentes.
Jeune parce que le tiers de sa population a moins de 15 ans, ce qui est rassurant pour le futur surtout que taux brut de scolarisation, (6-22 ans), s’établit à 81,8% contre 74,9% à l’échelle nationale.
Quant au taux de scolarisation des enfants de 6 à 12 ans, il dépasse 98%.
Du temps de la colonisation espagnole, ces taux étaient en deçà de toutes les normes puisque moins de 10% des enfants étaient scolarisés à Dakhla et le taux le plus élevé à l’époque était de 13% en 1975.
Le nombre moyen d’années d’études de la population âgée de 25 ans et plus : 4,6 années contre 4,4 au niveau national, et on compte plus de 700 bacheliers annuellement alors qu’en 1979, on comptait moins de 10 personnes ayant le niveau du baccalauréat.
Moderne, puisque 89% des ménages urbains occupent un logement de type villa, appartement ou maison marocaine moderne contre 62,7%% au niveau national.
En 1974, seuls 32% étaient logés dans des maisons en durs ; les deux tiers de la population habitaient dans des maisons de type sommaire ou sous des tentes tentes ; (voir recensement espagnol 1974).
95% des ménages urbains accèdent à l’électricité contre 91,9% au niveau national. Pendant la période coloniale, l’accès à l’électricité était uniquement assuré à un dixième des ménages, essentiellement les familles des colons et des fonctionnaires espagnols.
Aujourd’hui, 94,8% des ménages ont accès à l’eau potable contre 72,9% au niveau national,
Attractive enfin, car chaque jour une douzaine de personnes en moyenne décide de s’installer à Dakhla pour travailler ou investir.
La croissance du PIB pour l’Oued Eddahab a été supérieure à 16 % en 2015 contre une moyenne nationale à peine supérieure à 4 %. Comment expliquez-vous ce taux ?
Quelles sont les prévisions du HCP pour 2018 concernant cette région ?
En fait, le PIB par habitant en 2015 était de 74 254 DH; il plus que le double de la moyenne nationale qui se situait à 28 953DH.
Le secteur tertiaire crée près de 65% de la richesse tandis que le secteur primaire ne participe qu’à raison de 26,9 % et le secondaire, avec moins de 9 %.
Taux de croissance annuel du PIB (2004-2013) : 8,9% contre 6,1% au niveau national. En 2015 ce taux a affiché un record inédit de 16.5%, atteignant 11 milliards de DH;
Les ménages de la région dépensent annuellement 3 754 millions de DH sur leur consommation finale en biens et services, soit près de 25 469 DH par habitant, largement supérieure à la moyenne nationale de consommation finale qui s’établit à 16 494 DH.
Cette dépense de consommation finale représente à peu près 0,7% du total national.
Le taux de croissance des dépenses de consommation par habitant (2004-2013) s’est établi à 6% contre 5,6% à l’échelle nationale.
Que nous dire sur le contrat-programme entre la Région et l’État ?
Le contrat-programme conclu entre la Région et l’Etat prévoit de grands programmes structurants qui reposent sur des bases économiques et sociales et dans un cadre de bonne gouvernance et de durabilité, ainsi que d’autres programmes régionaux de proximité.
La dimension économique de ces programmes vise la création d’une nouvelle dynamique de développement et d’emploi à travers la réalisation de projets capables d’ériger la Région en pôle compétitif.
Dans ce cadre, la réalisation des projets vise la mise en valeur des produits de la pêche pour une enveloppe de 1,2MMDH en plus de 2,8MMDH réservés à la pisciculture sur trois sites, (la bande littorale située entre la baie de Dakhla, celle de Cintra et, enfin, la baie de Cintra).
En dehors de ce pôle halieutique, la région dispose de sites qu’un tourisme de niche, écologique ou spécialisé (sports de glisse) pourrait mettre en valeur sans dégrader le patrimoine naturel.
Sur le plan touristique, un pôle éco-touristique sera réalisé pour une enveloppe de 581 MDH, conformément à la vision d’ériger les Provinces du Sud en pôle touristique avec une offre innovante alliant la mer au désert et doublée d’une offre complémentaire en matière de culture, d’environnement et de produits locaux.
Elle pourrait également devenir, sous réserve d’une culture soutenable, un pôle en matière d’agriculture à haute valeur ajoutée, fondée sur une recherche et développement appliqués à cette filière.
Dans le domaine agricole, une station de dessalement de l’eau de mer d’une capacité de 100.000 m3/jour sera construite pour une enveloppe de 1,3MMDH.
Parallèlement, des équipements hydro-agricoles seront réalisés pour l’irrigation de 5.000 hectares. Ce projet entre dans le cadre des programmes visant la préservation de la nappe phréatique et sa pérennisation pour les générations à venir.
La Région est parmi les zones les plus ventées au sud du Royaume, c’est donc une terre favorable à l’installation de parcs éoliens.
Aujourd’hui, un projet d’une capacité de plus de 625 MW est l’objet de conventions signées.
Les énergies renouvelables constituent le troisième segment d’activité potentiellement créateur de valeur et d’emplois.
Les parcs éoliens couplés au projet d’interconnexion de 400 Kva au réseau national et à terme à une interconnexion au réseau mauritanien feraient de Dakhla un pôle d’énergie renouvelable qui pourrait approvisionner le reste du Maroc et ses voisins africains.
Consommation des ménages, pouvoir d’achat, taux de chômage, quelles sont les statistiques du HCP sur ces fondamentaux pour la région qui nous intéresse ?
En 2017, on comptait 86 468 actifs occupés, affichant un taux d’emploi au niveau de la région de 66.6%, la moyenne nationale étant 41.9%.
6 sur 10 d’entre eux détiennent une couverture médicale tandis que la moyenne nationale est autour 2 sur 10.
La pêche et l’agriculture emploient presque 61% de la population tandis que l’industrie emploie uniquement moins de 10 % et les services réalisent le quart des emplois régionaux.
Le taux de chômage régional était de 7.4% en 2017 tandis que la moyenne nationale est de 10.2%.
Les jeunes de moins de 35 ans représentent 65% de la force du travail dans la région, soit 55 493 jeunes travailleurs.
6 864 personnes sont en quête d’emploi, dont 74%, (soit un peu plus de 5 000), sont des jeunes de moins de 35 ans.
Comparé à la période coloniale où seule l’activité paysanne était prépondérante, on ne comptait qu’une centaine d’ouvriers saisonniers engagés par l’administration espagnole.
Entretien réalisé par F.Y