
Unanimes, les professionnels de la pharmacie appellent à une profonde révision des lois régissant le secteur, en premier lieu la loi 17.04 portant code du Médicament et de la Pharmacie.
Rassemblés samedi dernier à Rabat dans le cadre de la cinquième édition du Congrès Mpharma Day tenu cette année sous la thématique « Place pour le Pharmacien dans la politique de la Santé », ils ont été catégoriques quant à l’urgence de mettre en place un nouveau dispositif juridique réglementant le secteur de la pharmacie. Et de préciser avec force que ladite loi 17.04 ne peut plus répondre aux besoins et aux exigences d’une profession en évolution continue.
Par la même occasion, ils ont exprimé leur grande inquiétude quant à l’avenir d’une profession toujours réglementée par des lois obsolètes. Un cadre juridique qu’ils considèrent comme l’un des principaux freines au développement de la profession du pharmacien au Maroc et du secteur dans son ensemble.
M. Mohamed Salami, Président du Bureau National de Mpharma et président du Groupement des Pharmaciens la Ruche, a lié la situation difficile du secteur de la pharmacie au Maroc au maintien de lois obsolètes : « Aujourd’hui plus que jamais, nous pensons que la mise à jour du cadre juridique de la profession compte tenu des rôles socioéconomiques des pharmaciens, a un rapport direct avec la réussite du projet de la couverture sociale ».
Dans le même ordre d’idées, M. Salami est revenu sur la non-tenue jusqu’à présent des élections des conseils régionaux des pharmaciens, alors que la loi prévoit un délai de cinq ans pour le renouvellement des instances de ces conseils. Selon lui, là aussi, toute la problématique émane du maintien en vigueur de lois obsolètes, notamment la loi de 1976 réglementant cette question de la représentativité des pharmaciens auprès des conseils régionaux pour une période de cinq ans.
Par rapport aussi à l’arsenal juridique, M. Salami pointe du doigt la loi 17.14 autorisant les pharmaciens à des spécialisations qui ne leur sont pas actuellement accessibles, comme le suivi de l’état des patients atteints de maladies chroniques : « Le pharmacien couvre presque toutes les régions et patelins du pays et joue des rôles majeurs dans la préservation de la santé des citoyens, alors pourquoi ne pas lui accorder les pouvoirs accordés aux pharmaciens dans d’autres pays ? Cela constituera certainement un pas important sur la voie de la réforme du secteur ».
Sur un autre registre, M. Salami a mis l’accent sur la problématique de la vente de médicaments en dehors du circuit légal, à savoir la pharmacie, soulignant que la loi n°17.14 en tant que cadre juridique réglementant la profession n’évoque guère la commercialisation des médicaments via Internet, sachant, dit-il, que dans d’autres pays, une palette de mécanismes juridiques et réglementaires a été mise en place pour contrôler comme il se doit la commercialisation des médicaments via la Toile. Les institutions en charge des inspections sont invitées à adopter des approches à la fois proactives et répressives.
Par rapport à la question de la pénurie, voire la disparition de certains médicaments des pharmacies, d’où la problématique du stock stratégique en la matière, M. Salami explique que ce phénomène n’est pas propre au Maroc : « C’est un phénomène mondial. L’industrie pharmaceutique dans notre pays occupe aujourd’hui les premiers rangs en Afrique. Le problème qui entraîne l’indisponibilité de certains médicaments est principalement dû au fait que les matières premières, les molécules et les composantes de fabrication sont importés de l’étranger, ce qui affecte négativement la marche normale de la production des médicaments ». Mais pas seulement. La faible marge bénéficiaire est une autre raison à l’origine souvent de la pénurie et la rareté de certains médicaments, précise-t-il.
Pour d’autres, la décision du gouvernement de réduire les prix d’un certain nombre de médicaments a obligé certains intervenants dans l’écosystème de la fabrication et la distribution des médicaments à s’abstenir d’approvisionner le marché de manière correcte « car ils voyaient que les prix fixés par le gouvernement leur étaient préjudiciables ».
Comme M. Salami et bien d’autres participants, M. Anas Gouza, pharmacien d’officine à Kénitra et membre du Groupement des Pharmaciens la Ruche, a indiqué que le cadre juridique réglementant le secteur de la commercialisation des médicaments pose problème pose de vrais problèmes, notant qu’il existe des lois très anciennes dont les exigences ne sont plus d’actualité tel le Dahir réglementant le trafic de substances traitant les maladies mentales et maladies neurologiques datant du temps du protectorat, depuis 1922 exactement. M. Aknouz a estimé que ce Dahir, datant d’un siècle, met le pharmacien et le trafiquant de drogue sur le même pied d’égalité : « En la matière, si le pharmacien commet une faute, il sera poursuivi pénalement, alors que normalement, il devrait être poursuivi dans un cadre corporatif et professionnel, notamment auprès de l’Ordre National des Pharmaciens ».
Au Maroc, le nombre des pharmacies s’élève à quelque 12 000 officines. La moyenne de la demande en médicaments par les Marocains est qualifiée par les professionnels de très faible, soit entre 400 et 500 Dhs par an, alors que dans d’autres pays, le montant dépasse les 1 000 Dhs/an.
Avec le chantier de la couverture sociale générale dont l’entrée en vigueur est pour bientôt, les professionnels de la pharmacie marocains espèrent que les pendules seront mises à l’heure. Il est temps.
Hassan Zaatit