Depuis son indépendance, le Maroc a entrepris plusieurs réformes du système éducatif qui n’ont pas abouti aux résultats escomptés. Il y a certes eu des acquis au fil des années, mais des dysfonctionnements persistent et le rendu reste encore en-deçà des espérances.
Lors de l’ouverture de la session parlementaire de l’automne 2014, le Roi Mohammed VI a appelé le Conseil supérieur de l’éducation, de la formation et de la recherche scientifique à élaborer une feuille de route pour la réforme de l’École.
Le Maroc a ainsi adopté une nouvelle stratégie, à savoir la vision stratégique 2015-2030, qui a pour finalité la mise en place d’une école nouvelle fondée sur l’équité et l’égalité des chances, la qualité pour tous et la promotion de l’individu et de la société.
En accompagnement de cette vision et pour mieux s’attaquer au chantier complexe de l’éducation et pérenniser les réformes engagées, le Royaume a adopté, en 2019, la loi-cadre 51.17. Une loi dont l’objectif, selon Saaid Amzazi, Ministre de l’Éducation Nationale, de la Formation Professionnelle, de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique, est de contribuer à la promotion de l’école marocaine et à la poursuite de la réforme du système éducatif.
Dans une récente apparition, le ministre a déclaré : «Pour un pays, aucun investissement, dans n’importe quel secteur que ce soit, n’est aussi rentable que l’investissement dans l’éducation».
Il n’est plus à prouver aujourd’hui que l’éducation contribue fortement à la croissance économique. Une thèse reconnue par les organismes internationaux et étayée dans de nombreuses études. En effet, qu’on le veuille ou pas, l’éducation est étroitement liée à la rémunération sur le marché du travail et la productivité. Plus la population a accès à l’éducation, plus elle a de chance d’être insérée dans la vie active.
On ne peut lutter contre la pauvreté qu’à travers un système éducatif efficace et équitable qui permettra in fine à tous ceux qui le veulent d’accéder aux études et d’obtenir des diplômes.
Une éducation de qualité a des avantages sociaux, économiques mais aussi politiques. Elle est synonyme d’une réduction des inégalités sociales, d’une économie performante et d’une population avisée qui contribue à la vie politique de son pays et qui vote en toute connaissance de cause et non pas d’une manière aléatoire ou poussé par quelques incitations matérielles.
Si au niveau quantitatif le Royaume enregistre des chiffres très satisfaisants et des avancées incontestables, sur le plan qualitatif, le constat reste décevant.
Selon les derniers chiffres partagés par le ministère, relatifs à l’année scolaire 2019/2020, le taux de scolarisation dans l’enseignement primaire a atteint environ 100%.
Au niveau du cycle collégial, ce taux a atteint 94,2%, contre 91,8% une année auparavant.
La même tendance haussière a été enregistrée au niveau du cycle secondaire, où le taux de scolarisation s’est établi à 69,6%, contre 66,9% durant la saison 2018/2019.
Concernant le préscolaire, le ministère fait état d’une évolution de 14,1% du taux de scolarisation des enfants âgés entre 4 et 5 ans, qui a atteint 71,9% en 2019-2020, contre 57,8% un an auparavant.
Dans son intervention à la CGEM, il y a quelques jours, le ministre Amzazi précise que la généralisation de la scolarisation à l’école primaire est atteinte depuis 3 ans: « Cela veut dire que tous les enfants marocains de l’âge du primaire sont scolarisés».
Le taux d’achèvement des études s’est également amélioré au niveau des trois cycles, passant de 87,7% à 91,4% au primaire, de 55,6% à 61,4% au collège et de 31,3% à 39% au lycée.
«La durée de la scolarisation obligatoire passe de 9 ans à 12 ans, soit 3 années supplémentaires, grâce à la loi cadre 51-17. Un acquis des plus précieux quand on sait que chaque année de scolarisation supplémentaire se traduit par une hausse de 1% du PIB annuel», souligne le ministre.
Certes, le bilan statistique du secteur de l’éducation est positif sur beaucoup de points. Les chiffres relatifs à l’année 2020 enregistrent des améliorations sur plusieurs plans en dépit de la pandémie qui a eu des répercussions sur le système éducatif de nombreux pays. Cependant, cette année-là a également mis à nu le niveau des écoles marocaines et remis la question de qualité de l’enseignement à l’ordre du jour.
Il est à noter que les élèves marocains enregistrent de faibles performances dans les tests de PIRLS (Progress In Reading and Literacy Study) et de TIMSS (Trends in Mathematics and Science Study) réalisées par l’Association Internationale pour l’Evaluation des Rendements Scolaires.
Les derniers résultats de l’étude PIRLS, effectuée tous les cinq ans, montrent que le Maroc, même si il a gagné 48 points par rapport au score de 2011 (310), il reste en dessous de la moyenne internationale qui est de 500.
En 2020, la Banque mondiale a publié un rapport alarmant. Il stipule qu’en 2019, 66 % des enfants marocains âgés de 10 ans n’étaient pas capables de lire et comprendre un texte simple, soit un pourcentage inférieur de 2,5 points à la moyenne régionale du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord et de 10,7 points à la moyenne des pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure.
Le rapport souligne également qu’un an plus tôt, soit en 2018, les années de scolarité des élèves marocains corrigées en fonction des acquis étaient estimées à 6,2 années.
Autrement dit, en procédant à un ajustement du nombre d’années effectives de scolarisation par rapport au volume des acquis, on constate que la durée effective de la scolarité au Maroc était en moyenne inférieure de 4,4 ans au nombre d’années réelles.
Ces chiffres, selon la Banque mondiale, reflètent la crise des apprentissages que traverse le pays, à l’instar d’autres pays dans le monde, et l’urgence de déceler les lacunes du système éducatif «afin d’équiper chaque élève des compétences fondamentales nécessaires pour s’insérer à l’âge adulte dans la société et l’économie marocaines».
Le système éducatif national a parcourus un long chemin et relevé de nombreux défis, mais le plus dur reste à faire à savoir rehausser le niveau de nos élèves. La vision stratégique de l’enseignement n’est pas encore à la moitié de son chemin, et on ne peut que rester positif et confiant quant à la suite des réformes et espérer qu’à l’horizon 2030 le Maroc aura tenu son pari d’améliorer son capital humain.
Asmaa Loudni
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