Le nouveau siège social de Caixabank à Valence, le 7 octobre 2017 © AFP/Archives JOSE JORDAN
L’onde d’inquiétude suscitée par une éventuelle déclaration d’indépendance de la Catalogne mardi se propage à son économie, affectant petites entreprises et épargnants, après avoir poussé banques et grandes entreprises à délocaliser leur siège social.
Une pléiade de sociétés ont déjà décidé de transférer leur siège social ailleurs, telles Caixabank -la troisième banque d’Espagne-, Banco Sabadell -la cinquième- ou la compagnie énergétique Gas Natural.
Et cette fuite a continué en début de semaine: le gestionnaire d’autoroutes Abertis a annoncé le transfert de son siège à Madrid, « du fait de l’insécurité juridique générée par la situation politique actuelle en Catalogne », de même que Cellnex Telecom et le groupe immobilier Colonial.
Une seule des sept compagnies basées en Catalogne et cotées au principal indice de la Bourse de Madrid a décidé de rester pour l’instant: le groupe médical Grifols.
« La Catalogne représente presque 20% de l’économie espagnole (PIB), 22% de l’industrie, 25% des exportations espagnoles et 40% des grandes entreprises de plus de 200 salariés », énumère Jesus Castillo, économiste Espagne pour la banque internationale Natixis.
À Barcelone beaucoup redoutent que la majorité séparatiste impose une déclaration unilatérale d’indépendance, à l’issue d’une cruciale séance du Parlement catalan mardi.
Des PME assurent en sentir déjà l’effet: « Un client nous a appelés, il était intéressé par notre gestion, mais quand on lui a dit qu’on était basé à Barcelone, ça a posé problème », assure à l’AFP Maria Hinojosa, employée d’un cabinet de conseil financier sur l’avenue Diagonal, dans un des principaux quartiers d’affaires de Barcelone.
« Bien sûr qu’on est touché: il y a une diminution de l’appétit pour l’achat d’appartements, maintenant les gens réfléchissent à deux fois avant d’investir, ils attendent de voir », constate Pedro Gomez, d’une agence immobilière barcelonaise.
– Épargnants nerveux –
La principale organisation patronale catalane, Foment del Treball, a assuré lundi que « de nombreux clients des fonds d’épargne et d’investissement transféraient leurs comptes hors de Catalogne ».
Pour elle, la voie indépendantiste conduit la Catalogne « au discrédit national et international et peut-être à l’insolvabilité économique ».
Dans son communiqué alarmiste, l’organisation patronale assure que des investissements dans le secteur industriel ont été suspendus et que les réservations touristiques sont moitié moindres qu’habituellement.
Pensant à Banco Popular, rachetée en juin quand elle était au bord de la faillite, des clients des banques catalanes « ont déjà transféré leur argent » ailleurs, explique aussi Juan Fernando Robles, économiste à l’Université d’enseignement à distance de Madrid. « Il y a eu des virements de Catalogne vers d’autres succursales de la même banque hors de la région, mais aussi des transferts vers d’autres entités », ajoute-t-il.
« Cela fait partie du conflit politique, cet effet psychologique qu’il peut y avoir sur la population », constate Xavier Cuadras, professeur d’économie à l’Université Pompeu Fabra de Barcelone.
« Caixabank et Sabadell ont préféré partir parce que le soutien de l’État espagnol, et derrière de l’Union européenne, était plus sûr » en cas de besoin de recapitalisation, explique Éric Dor, directeur des études économiques à l’IESEG School of Management à Paris, insistant sur l’idée que leurs clients n’ont maintenant plus de raison d’avoir peur.
– ‘On ne reste pas’ –
Évoquant les « conséquences économiques » d’une éventuelle indépendance, le dirigeant d’un puissant lobby économique catalan, le Cercle de l’Économie, Juan José Brugera, a demandé durant le week-end au président catalan, Carles Puigdemont, de « ne pas aller de l’avant » dans son projet indépendantiste, a rapporté lundi une source au sein de ce lobby.
« On peut se dire que toute seule », la Catalogne « pourrait être extrêmement riche, mais l’économie, ça ne fonctionne pas comme ça: les entreprises se disent +si jamais on se trouve sur un territoire qui n’appartient plus à l’Union européenne et n’est plus dans la zone euro, on ne reste pas+ », explique Jesus Castillo.
« Si M. Puigdemont déclare l’indépendance, ce n’est pas pour ça que la Catalogne sera reconnue par d’autres États, elle restera juridiquement une partie de l’Espagne et il faudra de toute façon négocier quelque chose », souligne de son côté Éric Dor.
Mais ce qui s’est déjà passé, dit-il, « devrait normalement inciter le gouvernement catalan au réalisme: les grandes entreprises parties, c’est catastrophique pour les recettes fiscales de la Catalogne ».
LNT avec Afp