
Le financement, on ne le répètera jamais assez, est le maillon central de l’action climatique. Sans lui, rien ne se fait, et s’il est mal canalisé, cela se traduit par beaucoup d’argent investi pour peu de résultats concrets. Pour que la relation entre les bailleurs de fonds et les porteurs de projets soit la plus fructueuse possible, le secteur financier doit donc donner les conditions idoines, autant au niveau réglementaire qu’incitatif, au développement efficace de projets à dimension environnementale.
Un engagement précoce
Même s’il est engagé dans la question du développement durable depuis fort longtemps, accompagnant par exemple le Plan d’investissement vert, c’est en 2016 qu’a été publié le document fondateur « Feuille de route pour l’alignement du secteur financier marocain sur le développement durable », avec les contributions de ses acteurs principaux, à savoir Bank Al-Maghrib, l’AMMC, l’ACAPS, le ministère de l’Economie et des Finances, CFC, la Bourse de Casablanca, le GPBM, et la FMSAR.
Selon le document, en tant que conseillers, les institutions financières ont un rôle de sensibilisation et d’éducation des opérateurs économiques aux préoccupations environnementales, sociales et de durabilité. Elles doivent, pour cela, faire preuve d’exemplarité en la matière en favorisant l’émergence d’une véritable culture interne des risques environnementaux et sociaux et en communiquant régulièrement sur les actions entreprises dans ce domaine. Les régulateurs financiers ont également leur part de responsabilité pour la réussite de la transition vers une économie plus durable en adoptant les mesures réglementaires et/ou incitatives appropriées favorisant un alignement coordonné et progressif du secteur financier marocain sur les impératifs d’un développement durable. Il en ressortait plusieurs mesures basées sur les axes suivants : l’extension de la gouvernance fondée sur les risques aux risques socioenvironnementaux ; le développement d’instruments et de produits financiers durables ; la promotion de l’inclusion financière en tant que vecteur du développement durable ; le renforcement des capacités dans le domaine de la finance durable ; la transparence et la discipline de marché.
Dans la foulée, en novembre 2018, l’AMMC publiait un guide, dédié aux investisseurs, sur les Green Bonds. Littéralement traduites par «obligations vertes», les Green bonds sont des obligations dont le produit est exclusivement affecté au financement ou au refinancement, total ou partiel, de nouveaux projets ou de projets existants ayant des impacts environnementaux positifs. Et en 2018, l’autorité publiait un second guide, qui complétait le premier, intitulé « Green, Social & Sustainability Bonds : Instruments de Financement du Développement Durable ». Fort de son engagement, l’AMMC a régulièrement participé à des groupes de travail internationaux dédiés à la finance verte, notamment en sa qualité de membre et co-président du Sustainable Banking Network. Entre 2016 et 2020, au total, ce sont 6 émissions durables qui ont été réalisées sur le marché marocain, totalisant un montant global de près de 4 milliards de dirhams.
La Bourse de Casablanca, elle aussi, a montré son engagement pour une finance durable. Tout d’abord, en publiant, à l’instar des entreprises cotées, son propre rapport ESG. C’est également dans le même concept d’exemplarité qu’elle a mis en place dès septembre 2018 un nouvel indice pour la place casablancaise, ESG 10, indice de référence Environnement, Social et Gouvernance (ESG) qui « répond à l’intérêt multiple d’attirer une nouvelle catégorie d’investisseurs ISR en mettant à leur disposition un référentiel qui répond à leurs besoins », et devait donner «un coup de projecteur à la place financière de Casablanca à l’échelle internationale, tout en faisant la promotion du développement des bonnes pratiques ESG auprès des entreprises faisant appel public à l’épargne», avait indiqué à l’époque le DG de la Bourse de Casablanca. Rappelons que la consécration des entreprises composant cet indice, dont la composition a été revue depuis, repose sur une évaluation et un classement basés sur leur conformité aux 38 critères et plus de 330 indicateurs de responsabilité environnementale de gouvernance, sociale et sociétale appliqués par Vigeo Eiris.
L’engagement de la Banque Centrale
Bank Al-Maghrib, elle aussi, s’est résolument engagée dans ce chantier de transition vers une économie et une finance vertes. Comme elle l’explique dans un document officiel publié à l’occasion de la COP 26, « en tant que Banque Centrale, la préservation de la solidité du secteur bancaire face aux risques climatiques, la promotion d’une finance verte et le soutien à la transition vers une économie net-zéro carbone s’inscrivent pleinement dans le cadre de nos missions fondamentales de régulation prudentielle et de contribution à la stabilité financière et à l’inclusion financière ». C’est ainsi que BAM a adhéré aux réseaux internationaux du Network for Greening Financial Systems (NGFS), au Sustainable Banking Network (SBN) ainsi qu’au Groupe de Travail sur la Finance Verte Inclusive (AFI) relevant de l’Alliance pour l’Inclusion Financière. Elle a également affirmé en juin 2019, son soutien aux principes de transparence sur les risques financiers liés au climat édicté par la Task force sur la transparence des risques financiers liés au climat (TCFD) relevant du Financial Stability Board (FSB). Elle a aussi édicté en 2021, au plan réglementaire, une directive appelant les établissements de crédit à prendre en considération les enjeux climatiques dans leurs activités et se doter de dispositifs visant à mesurer et atténuer leurs expositions aux risques climatiques.
Pour poursuivre sa mission et « accélérer le verdissement du secteur financier », comme l’explique le document, la Banque compte, dans les années à venir, mener un ensemble d’actions, en cohérence avec les travaux engagés par NGFS, et dans le cadre d’une nouvelle feuille de route du système financier. Ces actions comprennent l’édiction de guidelines à l’attention du secteur bancaire pour la conduite de stress tests et le reporting des risques liés au climat, y compris au niveau de leurs implantations sur le continent africain, la conduite des évaluations de l’exposition du secteur bancaire aux risques financiers d’origine climatique et des analyses de sa vulnérabilité à des scénarii de chocs climatiques physiques et de transition, la contribution au renforcement de capacités des acteurs bancaires et financiers dans le domaine de la gestion des risques climatiques, le soutien au développement par l’écosystème bancaire des crédits et produits financiers verts, le maintien d’un dialogue avec les parties prenantes publiques et privées autour des incitations nécessaires pour orienter les décisions d’investissement et de financement vers l’économie verte, ou encore la promotion de l’échange d’expériences autour de la réponse à donner par les banques centrales et les régulateurs financiers au changement climatique à l’échelle africaine. BAM s’engage également à étudier les impacts du changement climatique et de la transition vers une économie bas carbone sur l’économie marocaine et nos modèles macro-économiques, à renforcer ses pratiques d’investissement durable et réduire son empreinte environnementale en vue d’atteindre une neutralité carbone à long-terme, et enfin à intégrer les facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) au niveau du dispositif de gestion des risques relatif aux réserves de changes.
Le secteur financier est souvent cité en exemple lorsque l’on discute de l’économie marocaine, de par sa maturité, son dynamisme et sa modernité. Attaché au respect des meilleurs standards internationaux, il est un maillon essentiel du développement d’une économie verte et pérenne au Maroc.
Selim Benabdelkhalek