La tertiarisation des économies est la conséquence de la mondialisation et de l’ouverture de celles-ci les unes aux autres. Elle suppose également que le secteur secondaire, celui de l’industrie, en pâtit, les pays préférant importer plutôt que de produire. Mais, ce raisonnement n’est pas valable pour toutes les économies, surtout lorsqu’elles cherchent à se développer et le cas du Maroc en est un exemple par excellence.
L’industrialisation qu’a connu notre pays ces vingt-cinq dernières années n’est pas fortuite, elle s’inscrit dans une volonté déterminée de contribuer au développement économique du Maroc. Alors que le Royaume disposait historiquement d’une industrie tournée vers la production des biens de première nécessité, alimentaires notamment, du sucre à l’huile par exemple, il est désormais positionné, deux décennies plus tard, sur des métiers mondiaux à forte valeur ajoutée. Le parcours qu’a suivi le pays pour développer l’industrie nationale mérite d’être relaté, étudié et compris en profondeur pour l’évaluer, et déterminer en fonction de ces conclusions, la direction à prendre pour les décennies à venir. D’autant que le temps industriel est long par essence.
Décider d’investir, construire une usine, produire, puis vendre les produits, prend du temps. Il était donc nécessaire de définir un premier cap à cette nouvelle ère industrielle qu’a entamé le Royaume sous le règne de Sa Majesté le Roi Mohammed VI. Les différentes stratégies successives qui ont ensuite été déployées ces 25 dernières années ont toutes en commun, quelque soit la couleur politique du ministère de tutelle de l’époque, des ambitions claires et chiffrées, des moyens déterminés et une action volontariste des acteurs publiques.
Ce qu’elles ont en commun également, comme toutes stratégies soumises à la réalité du terrain et à l’influence de la conjoncture internationale, c’est la nécessité d’en faire l’audit régulièrement, de mesurer les succès autant que les échecs, pour réajuster aussi rapidement que possible le fameux cap. L’exemple inédit de la pandémie de la Covid-19 a d’ailleurs montré à quel point ce n’est pas une mince affaire que de devoir changer rapidement de fusil d’épaule dans un contexte industriel. Les chaines de valeur mondiales et leur interdépendance ont montré leurs limites, l’inflation et la rareté s’imposant comme jamais dans l’équation. Les enjeux ne sont plus seulement de trouver la meilleure importation au meilleur prix, transport inclus, quitte à ce que cela vienne du bout du monde, mais bel et bien de valoriser ce qu’on peut produire soit-même ou à défaut de se le procurer au plus près. La souveraineté, souvent associée à un discours protectionniste voire nationaliste, prend un tout autre sens dans ce contexte. Elle englobe désormais la sécurité, mais aussi l’autonomie d’un pays selon les enjeux qu’il se fixe.
Le Maroc, qui dispose d’une position naturelle stratégique à l’intersection de l’Afrique et de l’Europe, face à l’Atlantique et aux portes de la Méditerranée, a une carte à jouer dans ce nouvel échiquier mondial, qui se dessine depuis la fin de la pandémie, sur au moins deux tableaux. Le premier est de se positionner comme un maillon indispensable dans la stratégie de proximité industrielle de ses voisins du nord comme du sud. En tissant des liens industriels réputés denses et structurels, avec des nations et des géants mondiaux, le Maroc assure à sa stratégie l’apport de l’expertise internationale autant que la montée en compétences du secteur national.
Le second est de profiter des acquis de ces vingt dernières années, pour répondre désormais au défit de sa souveraineté industrielle. Et, comme pour le pourcentage d’intégration, qui mesure le succès du déploiement d’un écosystème industriel, il s’agira dans quelques années, d’évaluer la conversion que le Royaume aura réalisé entre ses importations et sa production nationale. Cette ambition semble déjà palpable, avant même qu’une nouvelle stratégie industrielle soit formellement présentée, dans la stratégie énergétique nationale, ou celle du secteur pharmaceutique pour ne citer qu’elles. L’objet de cette édition spéciale et estivale de La Nouvelle Tribune, traditionnellement dédiée à une thématique traitée en profondeur, est de dresser un état des lieux de l’industrialisation du pays, ces vingt-cinq dernières années, pour en mesurer la portée et en comprendre les nuances d’une part et d’autre part pour en évaluer la trajectoire à l’aune de la définition d’un nouveau cap industriel pour le Maroc.
Bonne lecture !
Zouhair Yata