A l’occasion de la journée internationale des femmes, le 8 mars 2019, l’Association Marocaine des maladies Auto-immunes (AMMAIS), présidée par le Dr Khadija Moussayer, alerte sur les insuffisances et les stéréotypes dans l’information et les campagnes de sensibilisation médicales à l’égard des femmes. Cela a des conséquences négatives sur leur santé. Deux exemples de défaut de campagnes de sensibilisation le montrent bien.
Les maladies auto-immunes, un mal féminin ignoré alors qu’il touche pourtant une femme sur six
Les maladies auto-immunes – une centaine de pathologies– concernent les femmes dans 75 % des cas ! Elles ont en commun la même origine : un dysfonctionnement du système immunitaire qui, chargé normalement de protéger le corps des agressions extérieures (des virus, bactéries…), va se tromper d’ennemi en attaquant nos propres organes. Les stratégies thérapeutiques sont souvent proches. On estime que le nombre de femmes souffrant de maladies auto- immunes est deux fois plus élevé que celui des femmes atteintes par le cancer du sein et presque une fois et demi plus élevé que celui de celles touchées par la maladie coronarienne !
Alors que ce phénomène est connu de la communauté médicale, il reste largement ignoré du grand public marocain, faute d’être médiatisé. A l’exemple d’autres pays comme les Etats-Unis, Il mériterait pourtant de faire l’objet de larges campagnes de sensibilisation en direction des femmes, à l’exemple du cancer, d’autant plus que ces maladies souvent sérieuses s’attaquent insidieusement à des femmes jeunes qui présentent au début des symptômes peu perceptibles, apparaissant et disparaissant et mettant même en doute l’existence d’un problème de santé. De fait leur diagnostic est fréquemment tardif.
Certaines de ces affections sont bien connues comme la maladie de Basedow (hyperthyroïdie), la sclérose en plaques, le diabète de type 1, la polyarthrite rhumatoïde, la spondylarthrite, la maladie cœliaque (intolérance au gluten), la maladie de Crohn. Beaucoup d’autres sont des maladies rares.
Ce sont les femmes qui meurent le plus d’un infarctus du myocarde
Le risque d’infarctus continue encore trop souvent à être associé dans les campagnes de sensibilisation, en particulier au Maghreb, à l’image d’un homme d’âge mûr. De ce fait, cette maladie est sous-diagnostiquée chez les femmes car on ne prend pas toute la mesure de leurs plaintes avant la crise. Les femmes représentent maintenant 56 % des cas de décès par infarctus dans le monde. Le personnel de santé écarte encore trop rapidement l’hypothèse de l’infarctus devant le malaise d’une patiente et ses douleurs thoraciques, pour les mettre sur le compte de troubles d’anxiété (la fameuse faiblesse psychosomatique féminine !). Une étude menée au Canada en 2014 a d’ailleurs bien démontré ce phénomène inconscient de préjugés et de stéréotypes de « genre » sur la façon de traiter un patient selon son sexe.
Ces exemples sont loin d’être anecdotiques quand on sait que les études cliniques, dans le cadre des essais thérapeutiques, sont majoritairement menées chez des sujets masculins, pensant à tort que « ce qui est bon chez l’homme l’est aussi pour la femme ». Certaines recherches sur le risque de cancers gynécologiques ont même été conduites dans le passé chez des hommes ! Il n’y a que depuis 15 ans que la législation européenne impose de recruter aussi des femmes dans les essais cliniques.
Au total, des efforts importants ont certes été effectués toutes ces dernières années pour sensibiliser au Maroc les femmes à leurs problèmes de santé « féminins » (gynécologie, grossesse, cancer du sein, minceur…) mais il reste encore beaucoup à faire pour mieux sensibiliser les femmes à certains autres grands enjeux de santé publique et mettre fin à des préjugés qui ont encore la « vie dure ».
LNT avec CdP