En dépit de sa relative modestie, la filière aéronautique constitue une réussite industrielle incontestable pour le Maroc. Les implantations de grands groupes, notamment français et canadiens, ont joué un rôle décisif pour son développement. L’installation en cours de l’écosystème Boeing doit lui donner l’impulsion nécessaire au franchissement d’un nouveau pallier, dans la veine de l’arrivée de Renault ou PSA pour la filière automobile.
Les prémices d’un nouveau secteur industriel de pointe
On peut considérer que le premier pas vers la création d’un écosystème de l’industrie aéronautique au Maroc a été franchi quand le gouvernement marocain et la société canadienne Bombardier aéronautique ont signé, fin 2011, un mémorandum d’entente pour la création d’une unité de production industrielle dans le Royaume, pour un investissement de 200 millions de dollars.
Le site s’étend sur 9 000 m² sur un site qui couvre au total 14 000 m². L’usine, qui est entrée en production fin 2014, produit des composants mécaniques et des sous-ensembles (bords d’attaque…) pour les ailes du Canadair Regional Jet. Bombardier a promis l’embauche de 850 salariés d’ici à 2020.
Stelia, filiale française d’Airbus, a annoncé en 2015 la construction d’une usine dans la zone franche Midparc, pour un investissement de 40 millions d’euros, et qui doit employer à terme de 400 à 500 salariés pour produire de composants et sous ensemble pour sa maison mère.
Au Maroc, outre ce nouvel investissement, Stelia possède déjà à Casablanca Stelia Aerospace Maroc ex Maroc Aviation, une autre usine historique, spécialisée dans l’assemblage de sous-ensembles métalliques, la fabrication composite, la maintenance et le support d’équipements avioniques. La nouvelle usine de Stevia est entrée en production à l’automne 2016, après avoir formé ses futurs employés.
La naissance de l’écosystème
En juillet 2015, dans le cadre du Plan d’Accélération Industrielle, le ministre de l’Industrie, du Commerce, de l’Investissement et de l’Économie numérique, Moulay Hafid Elalamy, a donné le feu vert au lancement des 4 premiers écosystèmes industriels du secteur aéronautique en vue de développer une « supply chain » aéronautique se voulant performante et compétitive : assemblage, système électrique-câblage et harnais (EWIS), entretien – réparation et révision (MRO), et ingénierie.
Deux contrats de performance ont été signés à cette occasion entre le ministère de l’Industrie, le ministère de l’Economie et des Finances et le GIMAS (Groupement des Industries Marocaines Aéronautiques et Spatiales).
Les professionnels du secteur se sont engagés à atteindre 5 objectifs à l’horizon 2020 : doubler le chiffre d’affaires à l’export du secteur en le portant à 16 Md MAD, doubler le nombre d’opérateurs installés en drainant 100 nouveaux acteurs, tripler le nombre d’emplois avec la création de 23 000 nouveaux emplois, atteindre 35% en termes de taux d’intégration locale, au lieu de 18% actuellement, accompagner 20 porteurs de projets et TPME sur la période 2015-2020.
L’Etat marocain s’est engagé en contrepartie à garantir un accès aisé au foncier à travers des tarifs attractifs et le développement du foncier locatif, à former des profils spécialisés et adaptés aux besoins du secteur, à développer l’intégration locale moyennant des primes pour les entreprises, à améliorer la compétitivité logistique du secteur et à mettre des solutions de financement adaptées.
A l’instar de l’«Aerofund» français, un fonds «Aérofund», doté de 60 M€, a été créée en 2016 pour soutenir l’intégration de PME marocaines au secteur aéronautique. Les entreprises du secteur peuvent en outre bénéficier des interventions du Fonds de développement industriel (FDI) mis en place par l’Etat marocain dans le cadre du Plan d’Accélération Industriel.
Le coup d’accélérateur de Boeing
Le 27 septembre 2016 à Tanger, le groupe Boeing a signé un protocole d’accord avec le ministre Elalamy, pour la création de son propre écosystème industriel au Maroc.
Après un premier investissement au Maroc en 2001 avec la création de l’entreprise MATIS Aerospace (Morocco Aero-Technical Interconnect Systems), en joint-venture avec le groupe Safran, le constructeur américain s’est engagé à présent sur le développement d’une plateforme de « sourcing » sans implantation en propre, sachant que dans le cadre de sa stratégie de développement, le groupe vise un taux d’externalisation de l’ordre de 85% (contre 65% aujourd’hui). Les premières implantations sont attendues courant 2017.
Les objectifs de cet écosystème visent l’implantation de 120 nouveaux fournisseurs d’ici 2020, la création de 8700 emplois, et la génération d’un chiffre d’affaires annuel supplémentaire à l’export d’1 Md $.
En 2016, le chiffre d’affaires du secteur se chiffre à 9,2 MMDH, réalisant une hausse de 12,5% par rapport à 2015. L’effectif employé par le secteur a connu, pour sa part, un accroissement de 19%, entre 2014 et 2016, passant de 12.600 à 15.000 salariés. Le développement de l’écosystème Boeing devrait permettre de faire exploser ces chiffres…
Selim Benabdelkhalek
Le Midparc Nouaceur, nid de l’aéronautique au Maroc
Inauguré le 30 septembre 2013, le Midparc est l’une des 22 plateformes industrielles intégrées mises en place dans le cadre du Pacte « Emergence ». Cette zone franche de 126 ha, située au cœur du pôle de Nouaceur, est dédiée à l’aéronautique. Le parc représente un investissement de 60 M€. La plateforme propose deux types de formules :
– le « locatif longue durée » pour les petits ateliers. Les entreprises, notamment les PME, ont la possibilité de recourir à des ateliers relais en attendant la construction de leur usine.
– l’« achat » de terrain pour les grandes unités.
Parmi les entreprises aéronautiques ayant fait le choix de s’implanter sur le Midparc, on trouve Bombardier, Eaton, NSE Aero Maroc, Innovelec, AHG, Goam, Alcoa fastening System, Stelia, Hexcel, Tecalemit.
Le Groupement des Industries Marocaines Aéronautiques et Spatiales – GIMAS
A l’instar du GIFAS français, le GIMAS a vocation à représenter l’ensemble des industriels de la filière aéronautique et spatiale marocaine. Il est affublé de plusieurs missions :
– Consolider et renforcer la compétitivité de la base aéronautique marocaine et contribuer à son rayonnement international.
– Œuvrer pour l’élaboration d’une stratégie de développement du secteur aéronautique et spatial et la mise en œuvre du Pacte National pour l’Emergence Industrielle.
– Fédérer, représenter et défendre les intérêts des entreprises aéronautiques marocaines auprès des pouvoirs publics, organismes nationaux et internationaux.
– Représenter les membres du groupement lors de salons nationaux et internationaux
– Promouvoir le développement des entreprises aéronautiques et spatiales au Maroc et faciliter leur installation.
– Répondre aux besoins en compétences du secteur aéronautique et former les salariés des entreprises avec la création de l’Institut des Métiers de l’Aéronautique (IMA).
– Intégrer la Recherche & Développement dans la stratégie aéronautique nationale.
– Etablir des partenariats avec les universités et centres de recherches en ingénierie nationaux et internationaux pour développer des programmes.
Le GIMAS est le principal partenaire de l’Etat marocain pour le développement de l’écosystème industriel aéronautique marocain. Il compte à ce jour plus de 90 membres dont une grande partie sont des filiales d’entreprises françaises (Le Joint français, Safran, AHG, Altran, Cetim, Marlier, etc.).
Pour la formation de techniciens marocains qualifiés
L’Institut des Métiers de l’Aéronautique – IMA, inauguré en 2011 est un institut de formation des métiers de l’aéronautique « géré par les industriels, au service des industriels ». L’Etat a pris en charge la construction et l’équipement du centre à Nouaceur et finance la formation des étudiants. Le GIMAS assure la gestion du centre.
L’institut a bénéficié d’un financement de l’Agence Française de Développement et de l’Union française des Industries et Métiers de la Métallurgie pour l’assistance technique. Des travaux d’extension ont été menés en 2016 afin de pouvoir doubler la capacité de l’Institut.
L’Institut propose plusieurs types de formations : formation en alternance qualifiante pour les opérateurs et techniciens ou formations continues (middle management, qualité, culture industrielle et aéronautique, développement humain). L’Institut peut également mettre en place des formations sur mesure pour répondre au besoin spécifique d’une entreprise. Le taux d’insertion professionnelle des stagiaires de l’IMA est de l’ordre de 93%.
En complément de l’IMA, les besoins de formation au Maroc dans le secteur aéronautique sont satisfaits par l’Institut Spécialisé des Métiers de l’Aéronautique et la Logistique Aéroportuaire (ISMALA) qui relève de l’OFPPT (Office de Formation Professionnelle et de Promotion du Travail).
De nouveaux acteurs fraîchement débarqués
Trois conventions relatives à des projets d’investissement dans le secteur de l’aéronautique ont été signées jeudi 6 juillet, dans le cadre de la mise en œuvre des écosystèmes industriels lancés dans les secteurs de l’automobile et de l’aéronautique. Les conventions d’investissement ont été signées par M. Moulay Hafid Elalamy, et par les dirigeants des entreprises concernées par ces projets.
Ces conventions concernent Figeac Aero qui s’implante pour la première fois au Maroc et se spécialise dans l’usinage et l’assemblage de pièces aéronautiques et le traitement de surface pour servir Airbus et Bombardier. Avec un montant d’investissement de près de 289 millions de dirhams, ce projet devra créer un total de 535 emplois. Les deux autres investissements concernent ADF Technologie Morocco et Tecaero Maroc, ils porteront sur la conception et la fabrication d’outillages et de canalisations.
Des rendez-vous internationaux
Le secteur organise deux évènements bisannuels : l’International Marrakech Air Show qui figure parmi les salons aéronautiques avec des démonstrations aériennes et des expositions de constructeurs (6ème édition en avril 2018) et le « B to B Aerospace Meetings » qui est une convention d’affaires internationale pour la sous-traitance aéronautique (prochaine rencontre à Casablanca en octobre 2017).
Le GIMAS assure également une représentation du secteur industriel aéronautique marocain à l’étranger, notamment au Salon du Bourget à Paris et au Salon de Farnborough à Londres.