La publicité ne date pas d’aujourd’hui. Elle existe depuis plusieurs siècles. Cependant, c’est la forme et le contenu qui ont changé avec le temps en raison du développement des moyens technologiques et l’apparition de nouveaux supports, tel l’Internet depuis les années quatre-vingt-dix. Au début, la publicité était limitée et avec le temps, elle est devenue une véritable science et fait partie du décor quotidien.
La publicité est libre, sauf pour certains produits et services, si elle est véridique et loyale et ne cherche pas à induire le consommateur en erreur.
Est-ce que c’est toujours le cas au Maroc ?
Est-ce que la publicité mensongère est une pratique courante au Maroc ?
La grande affaire dans le domaine de l’immobilier « Bab Darna » mérite d’être citée comme cas qui a défrayé la chronique pendant plusieurs mois, du fait qu’il a été considéré comme la plus grosse arnaque immobilière de l’histoire du Maroc. On estime le nombre de victimes à 700. Elles ont perdu des centaines de millions de dirhams. Cette affaire importante a suscité un grand débat aussi bien au niveau des médias que du parlement, au vu de son impact sur des centaines de familles ayant perdu leurs économies.
Ce scandale n’a été possible qu’à cause de la publicité mensongère. En effet, une campagne publicitaire, a fait appel à plusieurs artistes pour faire la promotion des projets de la société en question, campagne qui a duré plusieurs mois et sur plusieurs canaux audiovisuels pour attirer les clients.
Cette affaire a même fait l’objet d’une question écrite d’une députée au Parlement. Selon la ministre de l’Urbanisme, de l’habitat et de la politique de la ville, les contrats conclus entre le vendeur et les acheteurs n’ont satisfait ni à la forme ni au contenu et ne sont pas conformes aux dispositions prévues par la loi 107.12 modifiant et complétant la loi 44.00 relative à la VEFA.
Dans ce cas, qui veille à l’application du texte sur la FEVA ?
Nombreux sont ceux qui ont avancé qu’il n’existe pas de textes stipulant explicitement la publicité mensongère, ce qui a amené certains parlementaires à proposer en 2019, un projet de loi pour faire face à ce phénomène. Texte, qui d’ailleurs, n’a jamais abouti.
Or, une simple recherche des textes ayant traité le volet de la publicité mensongère, montre que ce type de pratique a fait l’objet d’une réglementation le 5 octobre 1985. En effet, l’article 10 de la loi n° 13-83, a interdit toute publicité comportant allégation, indication ou présentation fausse ou propre à induire en erreur, sous quelque forme que ce soit, sur l’un ou l’autre des éléments cités clairement par cet article.
Ce dernier a d’ailleurs, prévu des sanctions pécuniaires en cas de constatation d’infractions. Il s’agit d’une amende de 200 Dhs à 7.200 Dhs.
Cet article 10 a été abrogé par la loi n°31-08 édictant des mesures de protection des consommateurs et repris au niveau des articles de 21 à 24 qui ont interdit toute publicité de nature à induire le consommateur en erreur, sous quelque forme que ce soit.
De même, différentes versions de la loi sur la liberté des prix (dont la dernière de 2000, notamment son article 76) ont prévu des sanctions pour toute personne qui diffuse, « par quelque moyens que ce soit, des informations mensongères ou calomnieuses, en jetant sur le marché des offres destinées à troubler les cours …. ».
En outre, la loi n° 77-03 du 7 janvier 2005 relative à la communication audiovisuelle a stipulé dans son article 68 ce qui suit : « Est interdite toute publicité audiovisuelle mensongère ou trompeuse comportant des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur. La détermination du caractère prohibé est faite conformément à la législation et à la réglementation en vigueur ».
La récapitulation des textes ayant traité la publicité mensongère montre qu’il n’y a pas de vide juridique. L’arsenal juridique est riche et permet de mettre un terme à la pratique de la publicité mensongère. Le problème au Maroc, réside dans la mise en œuvre des textes, pas seulement ceux concernant ce problème mais une grande partie des textes reste sans application.
L’affaire du promoteur citée dans cet article n’est pas la seule. Induire en erreur le consommateur est devenu un exercice quotidien pour certains vendeurs malhonnêtes, qui, dans leurs messages communiqués ou à travers leurs discours, transmis directement à travers certains supports mêlent adroitement la vérité et le mensonge.
Nous avons à la télévision de nombreuses publicités exagérées à la limite de la publicité mensongère. Je pense notamment aux publicités utilisant les enfants qui défient toutes les morales en la matière. Nos partenaires occidentaux sont plus attentifs que nous à ces questions. En France, l’article 7 du décret 92-280 reprend ainsi pratiquement mot pour mot l’article 16.1 de la directive européenne.
« La publicité ne doit pas porter un préjudice moral ou physique aux mineurs. A cette fin, elle ne doit pas :
- Inciter directement les mineurs à l’achat d’un produit ou d’un service en exploitant leur inexpérience ou leur crédulité (…) ».
- Inciter directement les mineurs à persuader leurs parents ou des tiers d’acheter les produits ou les services concernés ;
- Exploiter ou altérer la confiance particulière que les mineurs ont dans leurs parents, leurs enseignants ou d’autres personnes ;
- Présenter, sans motif, des mineurs en situation dangereuse ».
Au Québec (Canada), la Loi sur la protection du consommateur (article 248) interdit la publicité à but commercial destinée aux enfants âgés de moins de 13 ans.
Questions aux acteurs institutionnels
De ce qui précède, les questions suivantes méritent d’être soulevées :
- Le corps du personnel en charge de la constatation des infractions en matière de publicité mensongère est-il outillé de point de vue formation et moyens à suivre toutes les publicités aussi bien affichées, que diffusées par les différents supports existants, et éventuellement pouvoir relever des failles en la matière ?
- Qui contrôle la publicité à la télévision ? Et combien de publicité ont été retirées soit pour publicité mensongère ou atteinte aux mœurs ? Le consommateur a besoin de savoir.
- Pourquoi l’utilisation des mineurs dans les publicités sur les grandes chaines nationales n’est-elle soumise à aucune restriction, aucune réglementation à l’instar des grandes démocraties occidentales ?
- Mettre en place des textes c’est une bonne chose, mais le problème réside dans la mise en œuvre. Est-ce que c’est le cas pour la publicité mensongère ?
- Les associations de consommateurs peuvent-elles contribuer dans la recherche des publicités mensongères et les signaler aux services compétents et en même temps sensibiliser le consommateur ? Pourquoi ne le font-elles pas, alors que cette mission entre dans leurs contributions ?
- A-t-on jamais pensé à renforcer les capacités des agents en charge de contrôle grâce à des formations dans le domaine du marketing et de la communication, ainsi que sur le travail des agences de publicité ?
Mostapha Bahri,
Ancien responsable du contrôle et Consultant économiste