Par Afifa Dassouli
Le texte de la Moudawana de 2004 a été certes, conçu pour faire prévaloir les droits des femmes, mais aujourd›hui 20 ans après, la Femme marocaine a éprouvé la place que ce texte a essayé de lui faire dans la famille et dans la société et mis en exergue les injustices qu›il contient. Au respect de l’être humain qu’est la femme, il apparait que ce dernier contient beaucoup d’insuffisances. D’autant qu’il faut prendre en compte l’évolution de la position des femmes dans la société, l’importance de leur rôle économique et tout particulièrement la place entière que lui donne la constitution de 2011, à égalité aux côtés des hommes.
La femme de 2023, se bât tous les jours pour tout et contre tous, pour concrétiser ses droits tout en défendant les autres femmes, ses consœurs qui n’ont pas les mêmes moyens de le faire par elles-mêmes, ou qui n’en ont pas connaissance.
A commencer par la petite fille que les parents mariaient avant sa majorité en accord avec la société, que la Moudawana de 2004, a voulu protéger, en l’autorisant à se marier sans tuteur dès l’âge de 18 ans, celui de sa majorité légale. Cette disposition qui permet aux juges de s’opposer aux mariages des mineures ne s’est malheureusement pas imposée comme une interdiction puisque le mariage des filles mineures n’est pas encore éradiqué.
Donc, la liberté qui a été donnée à la femme de se marier sans tutelle pour rompre avec la force de la tradition qui lui imposait celle de son père ou tout autre homme de sa famille, qui en accord avec les juges, autorisait son mariage à un âge de 13-14 ans alors qu’elle n’était pas prête à devenir adulte, n’a pas fait interdire la mariage des mineurs !
Il s’avère que la possibilité donnée aux femmes de se marier sans tuteur à partir de 18 ans, est en totale rupture avec les pratiques sociales qui imposent la présence d’un tuteur, souvent membre de la famille qui peut de plus s’opposer au choix de la jeune fille. Bien sûr, elle garde un recours auprès du tribunal où le juge apprécie sa demande qu’il est censé appuyer au risque de créer des tensions et des fractures dans les familles. Car l’autorisation judiciaire accordée à la femme de se marier contre la volonté des parents est encore aujourd’hui très mal vue par la famille pour des raisons qui peuvent être même économiques, quand ils dépendent du salaire de leur fille pour vivre ou autres.
La position de la fille majeure et de la femme tout court, vis à vis de ses parents, revient au rapport de ces dernières avec l’homme en général, père, époux ou frère. Ainsi, dans la pratique, la majorité des tribunaux surtout dans les régions reculées du pays, autorise le mariage des mineures avant 18 ans, parce que deux articles de la Moudawana actuelle co-existent et s’opposent, celui selon lequel le juge peut autoriser le mariage des mineurs et celui qui donne la possibilité à la fille de se marier sans tuteur dès 18 ans. Résultat avant 18 ans on peut lui imposer de se marier tout court par décision du juge.
Ainsi, malgré que la loi se veut être juste et équitable pour protéger la Femme marocaine, lui assurer de la quiétude et lui donner de la force, en réalité celle-ci, est en perpétuelle lutte pour bénéficier de ses droits.
L’exercice du divorce dans la Moudawana en est un autre exemple de taille !
En effet, une fois prononcé, souvent le divorce met la femme en situation de précarité. Avec Al Idda elle continue à être dans la situation de femme mariée pendant 3 mois et vit chez elle. S›il s›avère par exemple qu›elle est enceinte son enfant est reconnu par le père. Certes, elle est censée bénéficier d’Al Moutâa, apparentée à une pension, laquelle est évaluée en fonction de la situation financière du mari, des raisons du divorce, de la durée du mariage, et de la nature des excès de responsabilité du mari dans le divorce. Or si l’autorité d’appréciation dans le divorce revient au juge, conformément aux normes stipulées par l’article 84 de la Moudawana, dans la réalité les droits élémentaires de la femme en la matière sont malheureusement contestés voire peu appliqués. Ils sont tout simplement bafoués du fait du détournement des textes par l’homme.
Cet Homme, qui dans la Moudawana de 2004, n’a même pas perdu la possibilité de se remarier ! Et, contrairement à l’interprétation courante, la femme selon la Moudawana, n’a pas doit à autoriser son mari à se remarier !
L’article 40 de la Moudawana reprend le verset du Coran selon lequel la polygamie est interdite lorsqu’une injustice est à craindre envers les épouses. Sauf si l’évaluation de cette injustice est impossible !
Donc, sans un engagement pris par acte du mari de ne pas se remarier, le tribunal ne rejette pas la polygamie, et tout mari peut se remarier en introduisant une simple demande auprès du tribunal auprès duquel il peut faire prévaloir les préjudices supposés qu’il subit du fait de la maladie de son épouse, sa stérilité, ou n’importe quel autre argument sans fondement comme le fait qu’il n’a eu que des filles ignorant que génétiquement c’est l’homme qui détermine le sexe de son enfant. L’accord de l’épouse n’est donc en aucun cas requis contre la polygamie, même si celle-ci doit être avertie de la démarche de son époux et que le juge doit évaluer les ressources financières de l’homme pour s’assurer de sa capacité à subvenir aux besoins de deux familles.
De fait, l’accord du juge en faveur du remariage de l’homme est dans la pratique rarement refusé au détriment de la situation de la femme laissée pour compte. D’autant que l’immense injustice réside dans l’interdiction de toute éventualité de remariage de la femme après son divorce faute de quoi la garde des enfants lui est retirée. Si l’Homme a le droit de se remarier sans divorcer de sa femme et que celle-ci même après le divorce n’a pas le droit de faire sa vie, où est l’égalité entre les genres ?
Comment priver les femmes de refaire leur vie alors que les divorces interviennent de plus en plus tôt dans la vie d’un couple et que la polygamie n’est pas interdite à l’homme qui lui peut donc se remarier ?
La réforme de la Moudawana se doit de réparer ces injustices qui ajoutées à celles exposées créent beaucoup d’handicaps aux femmes et à leurs enfants dans leurs couples et après leur rupture. Il en ira de la responsabilité des législateurs dans la réforme du texte de la Moudawana de 2004, que toutes les femmes appellent de leurs vœux…