Le Pr. André Cartapanis met en lumière, dans une intéressante chronique, les efforts requis pour « Orienter l’épargne européenne vers l’Afrique ».
Aux États africains, il est demandé de concevoir des projets économiquement viables et de mettre en œuvre des règles d’appels d’offre claires.
Il est également exigé des agences de notation, des investisseurs et des « institutions internationales » de revoir les contraintes applicables à l’endettement des pays africains. Tout cela concerne ceux que l’on a coutume de regrouper dans la catégorie des investisseurs institutionnels.
Mais, à côté de ces investisseurs institutionnels, le dynamisme dont font preuve les diasporas africaines, constituées de simples épargnants personnes physiques, pour financer l’économie de leur pays d’origine mériterait d’être relevé, tant il est remarquable : selon la Banque Mondiale, en 2018, les transferts d’argent vers l’Afrique du Nord et le Moyen Orient se sont élevés à 62 milliardS USD et à 46 milliard USD vers l’Afrique subsaharienne soit, environ, 10% de plus qu’en 2017 .
Au plan mondial, les transferts d’argents dépassent, et de loin, les IDE (investissements directs étrangers). Surtout, les transferts constituent une source de financement plus pérenne, moins volatile que les IDE.
Or, cette fidélité économique des diasporas à leur pays d’origine est d’autant plus louable qu’elle n’est pas sans se heurter à des difficultés, parmi lesquelles la réticence des autorités nationales des pays de l’Union Européenne (UE) et l’indifférence de cette dernière.
Réticence des autorités nationales car, pour pérenniser les transferts d’argent, le rôle des banques des pays africains en Europe, et des quelques rares banques européennes encore actives en Afrique, est essentiel : elles permettent de bi-bancariser les populations africaines résidant en Europe.
Sans bi-bancarisation, le risque de tarissement de la source des transferts est sérieux. Cette bi-bancarisation exige des banques africaines qu’elles offrent leurs services bancaires sur le territoire des pays de l’UE où se trouvent les diasporas.
Or, dans de nombreux pays de l’UE, aucun texte ne régit clairement cette situation et, lorsqu’un texte existe, l’autorité du pays en question l’applique avec une telle sévérité, que l’action des banques africaines en faveur de la bi-bancarisation tourne court avec pour pathétique conséquence, le risque qu’elles se voient reprocher de violer autant de lois pénalement sanctionnées que celles relatives au monopole bancaire, au démarchage, à l’intermédiation, à la protection du consommateur.
Indifférence de l’UE car cette dernière n’a, à ce jour, malgré le volontarisme du G8 de l’Aquila en 2009 et du G20 de Cannes en 2011 pour promouvoir la bi-bancarisation, entrepris aucune action d’harmonisation des législations nationales des pays de l’UE.
Pourtant, en la matière, il y a, pour reprendre l’expression du Pr. Cartapanis, « un jeu gagnant-gagnant » : si la bi-bancarisation est favorable aux pays africains par le financement de leur économie qu’elle favorise, elle est également favorable aux pays de l’UE en contribuant à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, par la traçabilité des transferts qu’elle garantit en les intégrant dans le circuit bancaire.
Entraver l’activité des banques d’Afrique en Europe, pour diverses raisons, administratives ou d’autres moins avouables, c’est promouvoir la valise comme instrument de transfert d’argent et c’est priver l’aide au développement d’une source de financement qui ne coûte rien à l’UE.
Alain GAUVIN
Avocat