Le ministre irakien de l'Electricité Louaï al-Khatib s'exprime lors d'un entretien avec l'AFP à son bureau à Bagdad, le 8 mai 2019 © AFP SABAH ARAR
A l’approche du brûlant été en Irak marqué par d’étouffantes coupures de courant, le ministre de l’Electricité met en garde contre toute politisation de ce dossier sensible qui se retrouve mêlé aux tensions régionales entre Washington et Téhéran.
« L’électricité est une question de sécurité nationale », a indiqué le ministre irakien Louaï al-Khatib dans un entretien accordé ce mois à l’AFP à Bagdad. « Sans électricité, l’économie sera négativement impactée ».
C’est à ce technocrate de 51 ans, nommé ministre en octobre, qu’incombe la tâche titanesque de remettre sur pied un secteur qui souffre de pénuries chroniques, et dont les infrastructures n’ont pas été épargnées par les conflits, le dernier en date ayant opposé les forces irakiennes au groupe jihadiste Etat islamique (EI), finalement vaincu en décembre 2017.
La mission de M. Khatib est délicate, à bien des égards.
Il y a la menace d’une reprise des manifestations estivales, qui ont bouté son prédécesseur l’an dernier. Mais aussi la pression des Etats-Unis et les sanctions contre Téhéran, qui contraignent Bagdad à revoir sa dépendance énergétique vis-à-vis du voisin et allié iranien.
« Nous appelons à ne pas politiser ce dossier », plaide le ministre. « Toute crise politique, économique ou sécuritaire en Irak va affecter toute la région –et l’économie mondiale sera menacée », affirme-t-il.
– Dépendance de l’Iran –
En 2018, l’Irak avait connu d’importantes manifestations contre des services publics en déliquescence, avec notamment des coupures d’électricité pouvant aller jusqu’à 20 heures par jour.
Si l’été se présente déjà comme un référendum de facto sur les progrès réalisés par le gouvernement, M. Khatib se veut optimiste et défend les progrès réalisés.
Des centrales électriques ont été réhabilitées, des lignes à haute tension réparées, et des générateurs temporaires installés dans des régions comme Mossoul (nord), ancien bastion de l’EI ravagé par les combats.
« Le 25 octobre, la semaine où je suis arrivé à mon poste, la production électrique oscillait entre 9,5 et 10 gigawatts. Elle est aujourd’hui de 15 GW », dit-il.
La plupart des provinces « vont recevoir pas moins de 20 heures d’électricité par jour. Pour être honnête, c’est un niveau de production que le pays n’a pas connu depuis des années », ajoute-t-il.
Sur le moyen terme, le ministère veut développer l’énergie solaire, exploiter le gaz irakien qui se perd dans le feu des torchères, mais aussi négocier de nouveaux accords énergétiques.
Les autorités ont signé des contrats de 700 millions d’euros avec l’industriel allemand Siemens, et des initiatives similaires avec le géant américain General Electric pourraient suivre.
Mais, à ce jour, environ un tiers de la production électrique de l’Irak dépend de l’Iran, que ce soit par la livraison de 28 millions de mètres cubes de gaz par jour qui font fonctionner les centrales, ou l’importation de 1.300 mégawatts d’électricité.
– Pressions américaines –
Sans surprise, avec les tensions croissantes entre Washington et Téhéran, tous deux des alliés de Bagdad, l’Irak est pris en tenaille.
Mais quand les Etats-Unis ont adopté un nouveau train de sanctions contre Téhéran, Washington a accordé un délai à l’Irak, qui peut maintenir ses accords avec l’Iran jusqu’à fin juin.
M. Khatib évite de se prononcer sur ce qui pourrait arriver si ce sursis n’était pas renouvelé.
« Je ne suis pas là pour faire des prédictions, mais ce que je demande aux puissances internationales, c’est d’être quelque peu raisonnables, pour que nous puissions vivre en paix sur cette planète », plaide le ministre.
Selon des sources gouvernementales irakiennes, les Etats-Unis pourraient faire pression sur les autorités irakiennes pour établir des partenariats avec des compagnies américaines, notamment General Electric, ExxonMobil ou encore Honeywell.
« Nous ne voulons pas jouer le rôle de bouc émissaire dans des conflits qui vont négativement impacter la sécurité régionale, et par ricochet l’économie mondiale », justifie-t-il.
Envisage-t-il une démission si la situation politique venait à se compliquer? « On doit avoir la peau dure », répond le ministre. « Soit je me concentre sur les hommes politiques, soit sur le travail ».
LNT avec AFP