Par Afifa Dassouli
Le Maroc fait partie des 130 pays qui ont accepté en octobre 2021 l’application d’un impôt minimum mondial de 15% conçu par l’OCDE pour mettre fin au dumping fiscal !
Pour mettre en place cette arme contre les paradis fiscaux sous l’égide de l’OCDE, les pays concernés devraient intégrer ce dernier impôt dans leur fiscalité, et les pays européens en particulier, en 2023-2024.
Il s’agit du second pilier de la réforme fiscale internationale de l’OCDE pour mettre fin aux paradis fiscaux, à la compétition fiscale entre pays, et instaurer la paix fiscale.
La France par exemple, intégrera l’imposition des multinationales à un taux effectif de 15 % dans son projet de loi de Finances pour 2024. L’entrée en vigueur de la taxe mondiale de 15% est donc imminente. Les 27 pays de l’Union Européenne s’y sont engagés malgré la réticence des États qui ont une fiscalité attrayante, comme l’Irlande, avec son taux de 12,5% et alors que le niveau du taux fixé à 15 % a été jugé trop faible par d’autres.
Il faut rappeler que cet impôt minimum de 15% portera sur les profits faits à l’étranger, jugés être très faiblement taxés et donc ne concerne pas les profits réalisés dans les pays, dits domestiques. A ce titre, l’OCDE doit finaliser les règles concernant les déclarations fiscales des multinationales, en juillet prochain. Les premières déclarations d’impôt seront dues au titre de l’exercice 2024. Pourtant nombreuses sont les entreprises, comme en France, LVMH, BNP Paribas, Danone, Vivendi, Carrefour et d’autres, qui demandent que des garde-fous soient instaurés.
Une des principales règles du nouvel impôt précise que le taux de 15 % doit être un taux effectif et donc doit tenir compte des exonérations et abattements pour déterminer l’assiette taxable.
Cette unification de la taxe sur les profits des multinationales devrait engendrer des recettes budgétaires supplémentaires aux États qui sont estimées à 5 milliards d’euros par an pour la France, par exemple, mais qui resteront inégales d’un pays à l’autre.
Concrètement, ce nouvel impôt mondial collectera de nouvelles recettes fiscales selon le mécanisme suivant : une multinationale dont la filiale à l’étranger ne paie que 2% de taux effectif dans un pays étranger devra s’acquitter auprès de l’administration fiscale de sa société mère des 13% de différence avec le taux mondial minimum d’imposition. Les multinationales n’ont donc plus qu’un an pour se préparer à l’entrée en vigueur du nouvel impôt minimum. Cette réforme exige que les entreprises multinationales identifient les pays où leurs filiales sont sous-imposées par rapport au taux effectif de 15 % et payer la différence auprès de leur administration fiscale.
Toutefois, des règles plus précises sont attendues comme celle qui introduira une limite de chiffre d’affaires à l’introduction de l’impôt minimum de 15% en question.
On croit savoir que l’impôt minimum mondial de 15% ne s’appliquera qu’à un niveau de chiffre d’affaires supérieur à 750 millions d’euros. Ainsi, selon les chiffres de l’OCDE, ce sont 8.000 à 9.000 entreprises dans le monde qui répondent à ce critère, dont un grand nombre de sociétés cotées et des ETI qui ont pris l’habitude de ne pas payer d’impôt sur leurs profits.
A ce jour, l’assiette exacte de l’impôt mondial n’est toujours pas connue, elle dépend de règles juridiques que l’OCDE n’a pas encore publiées. Même si elle sera proche de celle de l’impôt sur les sociétés ou impôt sur la valeur ajoutée, le défi pour les entreprises sera d’identifier ce qui doit être pris en compte pour leurs filiales à l’étranger dont les impôts locaux spécifiques propres à un pays…
Il s’agira aussi d’harmoniser les règles fiscales de chaque pays ou peut être d’imposer les normes comptables IFRS qui sont les plus exigeantes.
Mais, l’introduction de l’impôt mondial minimum de 15% dans les pays occidentaux, où se concentrent la majorité des entreprises multinationales, sera certainement plus facile que dans les pays émergents ou en voie de développement. En effet, pour le Maroc qui est désormais concerné et où les entreprises s’externalisent plus en Afrique, il s’agit de voir si les pays d’accueil ont accepté le nouvel impôt mondial et font partie de la liste des 130 pays réunis par l’OCDE.
Pour le Maroc aussi, les entreprises qui bénéficient du statut CFC ne seront plus soumises au taux réduit de l’IS de 8% mais au taux mondial minimum de 15%. Même si, en fonction du niveau de chiffre d’affaires minimum imposé, peut-être qu’elles seront peu nombreuses, si celui-ci est effectivement de 750 millions d’euros.
En revanche, ce qui est certain, c’est que le Maroc, en rejoignant le groupe des pays réunis par l’OCDE pour participer à la grande réforme fiscale internationale, se place du bon côté et en retire déjà des bénéfices, comme celui d’avoir été retiré de la liste grise…