Des migrants arrivent dans le port de Lampedusa, le 18 septembre 2023 en Italie. Crédit AFP
L’été et la rentrée ont été émaillés de catastrophes à travers le monde au point que même la plus profonde tête d’autruche n’a pu être épargnée par les nouvelles en provenance des quatre coins du globe. Alors oui lorsque ça touche Hawaï, à partir du Maroc ou de l’Europe, la prise de conscience reste distante pour l’opinion publique, mais cet été la Méditerranée a connu la saison la plus chaude depuis des siècles et la température de l’eau un niveau record. Les conséquences sont bien palpables pour les populations des deux rives, des feux de Rhodes au déluge qu’a connu plus récemment la Lybie. Alors certes, l’activité sismique et la catastrophe qui a touché le Maroc s’inscrivent dans une temporalité et une causalité différentes, mais avec les mêmes conséquences pour notre pays que sur les autres, les efforts économiques et politiques pour la mise en œuvre de la reconstruction sont colossaux et difficiles à anticiper. Les épisodes climatiques se multiplient à une telle vitesse qu’on peine d’ailleurs à s’en souvenir, dans un double déni fait d’oubli et de résilience. Aussi, la compassion, la solidarité et l’aide financière exceptionnelles qui se manifestent lors de ces crises, ne sont pas des sources intarissables.
Si au moins le changement climatique et ses conséquences était le seul challenge à affronter, l’espoir serait permis. En réalité, l’état du monde est à l’image de la situation climatique, au mieux instable, au pire, fortement dégradé selon notre degré de positivisme. La pandémie de la Covid-19 qui a duré 3 ans, la guerre entre l’Ukraine et la Russie qui dure depuis plus d’un an et demi, l’inflation tellement installée que les taux des banques centrales ne cessent d’augmenter, l’instabilité systémique africaine avec les coups d’État à répétition, tout cela s’alimente et alimente les conséquences des crises climatiques. Dernière preuve en date, qui sonne comme un violent rappel à la réalité, c’est le débarquement en à peine 48 heures de quelque 7 000 migrants sur l’île italienne de Lampedusa. Comme Pinocchio qui regarde son nez s’allonger, les autorités européennes, nationales et communautaires s’acharnent donc à traiter ce dossier, le plus brûlant de l’heure, sans pour autant que les autres n’aient le temps de refroidir par ailleurs.
Le débat est encore une fois focalisé sur la fragmentation idéologique entre une droite libérale, tirée par son extrême, vers une politique sécuritaire et migratoire restrictive voire punitive, et ce qu’il reste de la gauche, humaniste et partisane d’une politique plus globale d’intégration voire de régularisation des flux migratoires. C’est un paradoxe parmi d’autres, mais tant que l’écologie sera l’apanage de partis situés à gauche de l’échiquier politique et que l’immigration sera le terreau des extrêmes nationalistes de droite, aucune solution englobant les causes et les conséquences ne pourra être envisagée.
La position du Maroc est un exemple probant des enjeux qui sont aujourd’hui cristallisés. En développant son économie et les débouchés pour sa population, le Maroc joue une carte de stabilité qui ne l’exonère pourtant pas des conséquences des crises climatiques comme l’actualité en témoigne. Mais, par ailleurs, le pays est à la porte de l’Europe et joue un rôle de zone tampon et de terre de transit pour les migrants africains qui tentent d’atteindre un Eldorado européen où ils occuperont des postes que les populations européennes ne veulent plus pratiquer et qui sont pourtant vitaux pour le fonctionnement de leurs économies. Dans ce contexte, il ne suffira pas pour les Européens de se mettre d’accord sur une politique de durcissement ou de laxisme envers l’immigration mais de prendre en compte le plus rapidement possible que les mêmes causes appellent les mêmes conséquences. Le cas échéant, les factures sonnantes et trébuchantes des catastrophes climatiques qui s’enchainent, continueront de s’alourdir de manière exponentielle du poids de la pauvreté, de la misère économique et de l’instabilité politique.
Zouhair Yata