Le Haut Commissariat au Plan a publié son « Budget économique exploratoire 2024 », qui présente une vue d’ensemble (et actualisée) de la situation économique en 2023, ainsi que ses perspectives pour l’année 2024. Ce document devra notamment servir de cadre prévisionnel pour la mise en œuvre du projet de loi de finance 2024 par le gouvernement. On remarque notamment que le HCP prévoit un retour de l’inflation sous la cible des 2% en 2024, nettement en dessous des prévisions de BAM lors de son Conseil de juin (3,8%).
Selon le HCP, l’économie nationale devrait connaître une croissance de 3,3% en 2023, après la seulement 1,3% enregistré en 2022. Cette croissance serait principalement soutenue par les activités primaires et tertiaires, avec une augmentation de 2,9% des impôts et taxes sur les produits nets de subventions. L’inflation devrait ralentir à près de 2,8% par rapport à 3,1% en 2022.
Le document du HCP met en évidence l’amélioration tardive des conditions climatiques pendant la campagne agricole 2022/2023, ce qui devrait compenser le déficit hydrique initial et améliorer légèrement les réserves des principaux barrages nationaux. Cela devrait avoir des effets bénéfiques sur la production céréalière, estimée à 55,1 millions de quintaux (Mqx), en augmentation de 62% par rapport à la campagne précédente, ainsi que sur la production maraîchère et arboricole, notamment l’agrumiculture, l’oléiculture et la datte.
Cependant, l’élevage devrait être affecté par la baisse de l’effectif du cheptel en raison des années successives de sécheresse et de l’augmentation des coûts de production. Cette situation devrait entraîner une augmentation des importations de bovins et d’ovins pour répondre à la demande locale.
La valeur ajoutée du secteur agricole devrait connaître une amélioration de 6,7% en 2023, après une baisse de 12,9% en 2022. Le secteur primaire dans son ensemble devrait enregistrer une hausse de 6,6%, grâce à une évolution de 5,3% de l’activité de la pêche maritime.
Dans le secteur non agricole, les activités tertiaires devraient bénéficier de la dynamique, tandis que les activités manufacturières devraient connaître une amélioration modeste de 1,1%. L’industrie agroalimentaire devrait ralentir en raison de la baisse des exportations de fruits et de produits de la mer. L’industrie textile devrait également connaître un ralentissement en raison de la décélération des exportations de vêtements et de bonneterie. En revanche, l’industrie du matériel de transport devrait continuer à bénéficier de la demande extérieure croissante.
Le secteur du BTP devrait poursuivre son essoufflement, avec une croissance timide de 0,4% en 2023. Cela est dû à l’augmentation des coûts de construction et du foncier, ainsi qu’au durcissement des conditions de financement, ce qui affaiblit la demande des particuliers pour les biens immobiliers. Cependant, la branche des travaux publics devrait compenser en partie cette baisse grâce à l’augmentation des investissements publics dans les infrastructures.
Le secteur tertiaire devrait enregistrer une croissance de 4,2% en 2023, contribuant positivement à la croissance du PIB de 2,3 points. Cette dynamique sera soutenue par la reprise des activités touristiques, la croissance du transport aérien et l’aboutissement du processus de rattrapage. Le secteur touristique bénéficiera de la reprise du tourisme mondial, de la renommée croissante de la destination « Maroc » grâce aux performances de l’équipe nationale de football lors de la Coupe du Monde et de la campagne de promotion « Maroc terre de lumière » lancée par l’Office national marocain du tourisme (ONMT). Le secteur du transport aérien devrait également être dynamique, tandis que le transport maritime pourrait connaître une contraction en raison du ralentissement des échanges extérieurs, notamment des exportations de phosphate et de ses produits dérivés.
Les autres services marchands devraient évoluer modérément en lien avec une légère reprise de la demande intérieure. Les services non marchands devraient continuer à afficher une croissance soutenue grâce à l’augmentation des dépenses du personnel de l’administration publique.
En ce qui concerne le marché du travail, le taux d’activité devrait connaître une baisse continue de 0,8% en 2023, après une diminution de 2,2% en 2022. Cependant, la création nette d’emplois devrait entraîner une quasi-stagnation du taux de chômage national à 12,2% en 2023.
Le déficit commercial devrait diminuer en 2023, atteignant 21,8% du PIB, grâce à la bonne tenue des échanges de services tels que le transport et les voyages. Les transferts des Marocains résidant à l’étranger devraient également contribuer à la réduction du déficit courant à 0,8% du PIB, contre 3,5% en 2022. Le déficit budgétaire devrait également se réduire à 4,8% du PIB en 2023, grâce à la performance des recettes de l’État et malgré l’augmentation des dépenses ordinaires. Les recettes ordinaires devraient représenter 22,7% du PIB, soutenues par les composantes fiscale et non fiscale, tandis que les dépenses totales devraient s’établir à 27,9% du PIB, avec une augmentation des dépenses d’investissement public.
Pour l’année 2024, le HCP prévoit une croissance du PIB de 3,6%, avec une inflation à 1,8%. Ces prévisions sont basées sur un redressement de l’économie mondiale, une demande étrangère croissante adressée au Maroc et une atténuation des prix élevés des matières premières sur le plan mondial. Le secteur agricole devrait enregistrer une hausse de 8,3% en 2024, tandis que les activités non agricoles devraient maintenir leur taux de croissance à environ 2,9%.
Le secteur secondaire devrait connaître un regain de dynamisme, notamment dans le secteur minier, énergétique, les industries de transformation et le BTP, avec une valeur ajoutée en augmentation de 2% en 2024. Les services marchands devraient enregistrer une croissance de 3,1%, tirée par la reprise de la demande intérieure et une performance accrue dans le secteur touristique, le commerce, le transport et les activités financières.
En résumé, les prévisions économiques pour 2023 indiquent une croissance de 3,3% soutenue par les activités primaires et tertiaires, tandis que les prévisions pour 2024 prévoient une croissance de 3,6% avec une amélioration attendue dans tous les secteurs. Les finances publiques devraient également s’améliorer, avec une réduction du déficit commercial et budgétaire. Ces prévisions sont basées sur des hypothèses liées à l’évolution des facteurs nationaux et internationaux qui régissent l’économie marocaine.
LNT
L’investissement privé en berne ?
Le HCP souligne que la poursuite du resserrement de la politique monétaire et du maintien de l’inflation dans cette conjoncture marquée par une forte incertitude relative aux perspectives économiques, devrait limiter l’expansion de l’investissement privé. Néanmoins, l’accroissement des dépenses d’investissement public, traduisant la poursuite des efforts de soutien de l’économie, devrait limiter la baisse de l’investissement brut à 0,6% en 2023. Par ailleurs, ce budget économique exploratoire fait savoir que le ralentissement de la demande étrangère suite à la décélération de l’activité économique des principaux partenaires commerciaux devrait limiter l’expansion de l’offre exportable nationale. L’évolution des exportations serait attribuable principalement à la bonne performance des secteurs des métiers mondiaux, notamment le segment de l’automobile, et à l’amélioration des exportations agroalimentaires et textiles.
Une sortie à l’international attendue
Le Trésor devrait faire recours aux ressources financières externes pour le financement de ses besoins en 2023 et ce, après le recours quasi exclusif au marché intérieur ces deux dernières années, prévoit le HCP.
Cette orientation devrait permettre une atténuation des tensions sur le marché intérieur, dans un contexte qui demeure marqué par un manque de visibilité quant aux décisions de la politique monétaire, explique le HCP. Elle permettrait également la formation d’une réserve confortable en devises permettant de faire face aux éventuels aléas extérieurs relatifs aux cours des matières premières, ajoute la même source.
Et de poursuivre que le ratio de la dette extérieure du trésor devrait, ainsi, grimper à 18,6% du PIB en 2023 au lieu de 15,9% entre 2019 et 2022. La dette globale du trésor devrait, en conséquence se situer à près de 72% du PIB en accentuation par rapport à 71,6% du PIB en 2022. Cependant, le poids de la dette intérieure du trésor devrait s’atténuer pour passer de 54,3% à 53,4% du PIB en 2023.
Compte tenu du poids de la dette extérieure garantie qui devrait atteindre 13,8% du PIB, le ratio de la dette publique globale devrait afficher un allègement à 85,8% du PIB contre 86,1% du PIB en 2022. Le budget économique exploratoire est de nature à permettre au gouvernement et aux décideurs de prendre conscience de l’évolution économique prévue en 2024. Il constituera un cadre de référence pour la fixation d’objectifs économiques appuyés par d’éventuelles mesures à mettre en œuvre notamment, dans le cadre de la Loi de Finances 2024.