Adama Barrow, président élu de Gambie, lors d'une interview à Banjul le 12 décembre 2016. © AFP/Archives SEYLLOU
Les troupes de plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest se tenaient prêtes à intervenir en Gambie à partir du Sénégal en cas d’échec des efforts diplomatiques pour convaincre le président Yahya Jammeh de céder le pouvoir à Adama Barrow, qui se prolongeaient jeudi au-delà du terme de son mandat.
Le président mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz, arrivé dans la soirée pour une ultime médiation à Banjul, après deux missions infructueuses de dirigeants de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao, 15 pays), les 13 décembre et 13 janvier, y a rencontré le président sortant et l’opposant historique Ousainou Darboe.
Peu avant minuit GMT, à l’expiration du mandat de M. Jammeh, l’avion du président mauritanien s’est posé à Dakar, pour y rencontrer M. Barrow ainsi que son homologue sénégalais Macky Sall.
MM. Sall et Barrow sont venus l’attendre à l’aéroport pour le rencontrer, a rapporté la radio privée sénégalaise RFM.
Dans l’attente de son investiture, et à la demande de la Cédéao, le président élu est accueilli depuis le 15 janvier à Dakar.
Depuis, il n’est pas apparu en public. Son entourage soutient invariablement qu’il prêtera serment jeudi en Gambie comme prévu, sans expliquer dans quelles conditions.
La télévision publique gambienne GRTS a déclaré que le président mauritanien s’était dit encouragé après ses discussions avec M. Jammeh sur les chances de parvenir à une solution pacifique dans l’intérêt de tous.
La Mauritanie, qui n’appartient pas à la Cédéao, s’est dite confiante dans les chances de succès de son plan de sortie de crise. « Notre proposition de solution est indépendante de toutes les autres, nous l’avons minutieusement préparée » depuis décembre, a déclaré à l’AFP à Nouakchott un haut responsable de la diplomatie mauritanienne.
Des troupes ouest-africaines se tenaient prêtes à intervenir en cas d’échec de la négociation, la Cédéao ayant à plusieurs reprises averti qu’elle pourrait recourir à la force en dernier ressort.
Parmi les pays ayant déployé des soldats figurent le Nigeria, poids lourd régional, et le Sénégal, unique voisin terrestre de la Gambie, une ex-colonie britannique de moins de deux millions d’habitants.
« Si la solution politique échoue, nous allons engager » les opérations en Gambie, a déclaré à l’AFP le porte-parole de l’armée sénégalaise, le colonel Abdou Ndiaye, confirmant des mouvements de soldats sénégalais vers la frontière entre les deux pays.
L’armée de l’air nigériane a annoncé mercredi avoir envoyé 200 hommes et des avions au Sénégal, précisant que ce déploiement était destiné à une éventuelle intervention en Gambie.
– Eviter ‘un bain de sang’ –
Dans la soirée, le chef d’état-major gambien, le général Ousman Badjie, a assuré qu’il n’ordonnerait pas à ses hommes de résister en cas d’intervention des troupes africaines.
« Nous n’allons pas nous impliquer militairement. Ceci est une dispute politique », a-t-il déclaré à des ressortissants étrangers, selon des témoins. « S’ils entrent, nous ferons comme ça », a-t-il ajouté, levant les mains en l’air en signe de reddition.
Yahya Jammeh, qui dirige le pays d’une main de fer depuis 22 ans, affirme vouloir rester en place tant que la justice n’aura pas statué sur ses recours contre l’élection du 1er décembre.
Le climat en Gambie s’est encore alourdi lorsque M. Jammeh a décrété mardi l’état d’urgence pour 90 jours, avec l’approbation de l’Assemblée nationale.
Selon un correspondant de l’AFP, la situation était calme dans la nuit de mercredi à jeudi à Banjul, mais un important déploiement militaire était visible.
Une vague de départs était enregistrée parmi les touristes, en majorité des Britanniques et des Néerlandais attirés par les plages de sable fin de ce pays, à la suite de consignes de leurs gouvernements respectifs.
A l’ONU, le Sénégal a présenté mercredi au Conseil de sécurité un projet de résolution pour soutenir les efforts de la Cédéao sur le dossier gambien, selon des diplomates. Dakar demande à l’ONU de soutenir « toutes les mesures nécessaires » pour assurer la passation de pouvoir, selon le texte consulté par l’AFP.
A la demande du Sénégal, le Conseil de sécurité s’est réuni à huis clos pour examiner la crise gambienne.
Le Conseil devrait se réunir de nouveau jeudi pour adopter une déclaration réaffirmant l’exigence que M. Jammeh cède le pouvoir, selon des diplomates.
En revanche, une mise au vote du projet sénégalais de résolution n’est pas prévue pour jeudi, ont indiqué ces diplomates.
Parallèlement, les préparatifs de prestation de serment de M. Barrow se poursuivaient.
« Il sera investi en Gambie » mais pas dans un stade comme prévu initialement, a précisé mercredi à Banjul son porte-parole, Halifa Sallah. « Il se prépare pour son investiture par d’autres moyens », a-t-il ajouté, sans précision.
M. Sallah a espéré que M. Jammeh « épargnera à la Gambie un bain de sang ».
A Banjul, au fil des heures, les partisans de Yahya Jammeh ont continué de le lâcher: la vice-présidente Isatou Njie Saidy a démissionné mercredi, le ministre de la Santé Omar Sey la veille, selon leurs proches.
Avant eux, plusieurs ministres avaient quitté leurs fonctions, dont ceux des Affaires étrangères, des Finances et de l’Information.
LNT avec Afp