C’est désormais une tradition au Festival Gnaoua et musiques du monde d’Essaouira, ce matin s’est tenue la première partie de la sixième édition du Forum des Droits de l’Homme, organisé en partenariat avec le Conseil national des Droits de l’Homme au Maroc (CNDH).
Neila Tazi, directrice et fondatrice du Festival a présenté la thématique de l’édition de cette année qui s’interroge sur la créativité et les politiques culturelles à l’ère du numérique et a insisté dans son allocution d’ouverture sur le fait que la « culture est un droit fondamental » et que le Festival Gnaoua d’Essaouira a toujours oeuvré dans cet objectif. La directrice du Festival a également mis en perspective la création du Festival Gnaoua il y a 20 ans avec l’introduction de l’internet au Maroc par l’opérateur historique Maroc Telecom, sponsor du Festival, et la contribution du digital à la notoriété internationale de l’événement.
Au diapason, Driss El Yazami, Président du CNDH, estime que le « Festival a redonné une dignité à une partie de notre patrimoine et l’a ouvert au Monde ». Introduisant les 2 premiers panels du Forum, El Yazami affirme que « ne pas poser la question de la culture à l’heure du digital c’est rater une rendez-vous démocratique ».
La première table ronde du Forum avec pour focus « Arts vivants, édition, cinéma, musique… ce que change le digital » et modérée par Driss Bennani a permis de confronter des visions différentes des rapports entre la culture et le digital. Le réalisateur marocain Nour-Eddine Lakhmari estime que « le Royaume a faim de culture « et ajoute « que le digital est une façon pour les jeunes de dire « j’existe, j’ai du talent », il nous libère ».
Pour l’écrivain Mohamed Nedali, « le digital est une grande aventure pour l’écrivain » mais qui ne saurait remplacer le processus créatif de l’auteur et l’écosystème de l’édition aux lecteurs. Nadia Oufrid, scénographe et enseignante, estime quant à elle « qu’avec le numérique, la scénographie théâtrale investit l’espace public, qui se l’approprie. La notion d’immersion a radicalement changé la scénographie qui entre dans l’ère où les sensations prévalent sur la compréhension ».
Les échanges avec une salle comble ont conclu ce premier panel que Nour-Eddine Lakhmiri résume avec la formule « A travers le digital, on peut avoir accès à beaucoup plus de culture ».
Le deuxième panel de cette matinée riche d’échanges, avait pour thème « le digital au service de la diversité ? » et était modéré par Marouane Harmach, personnalité influente du web marocain et fin connaisseur de ses usages.
Le premier intervenant du panel, Fodé Sylla, Ambassadeur itinérant du Sénégal a expliqué que « le rapport que nous avons aux nouvelles technologies n’est que le reflet des démocraties où nous vivons. Le numérique a mis l’émetteur et le receveur sur un pied d’égalité. » Il ajoute que « si cet outil de communication a permis d’aborder des questions fondamentales comme la culture autrement, il faut l’aborder avec précaution. L’outil numérique doit servir à développer la paix et sauvegarder les patrimoines ».
Pour Yves Gonzalez-Quijano, enseignant chercheur, « Internet relève d’une révolution anthropologique. » Par exemple, « dans le monde arabe, la moitié de la population est née après Internet ». Il précise que « Internet favorise une couche de la population qui est traditionnellement bloquée dans l’accès au pouvoir ».
Reem Fadda, Curatrice associée à la Fondation Guggenheim à New York a apporté son témoignage en tant que Palestinienne faisant partie d’un « peuple morcelé, des communautés en ligne isolées ». Selon elle, « on ne peut pas séparer le digital de la réalité » et appelle à reconnecter la diaspora palestinienne par la base, à travers une plateforme en ligne.
C’est Marion Louisgrand Sylla, directrice du Festival Afro Pixel, qui conclura ce panel sur une note positive en affirmant que « le propre de l’art numérique est d’être collaboratif et de croiser les disciplines ».
La seconde matinée du Forum demain samedi 1 juillet portera sur l’émergence de nouvelles disciplines artistiques grâce au digital et s’attaquera également à la question des politiques publiques pour accompagner la culture dans sa dimension digitale.
Zouhair Yata