Crédit photos : Ahmed Boussarhane.
La pandémie de la Covid-19 a démontré la fragilité du système de santé de bien des pays. Cette crise sanitaire a mis en évidence la nécessité d’effectuer de profonds changements organisationnels mais aussi financiers. Plusieurs défis doivent ainsi être relevés et le Maroc doit mettre en place un système de santé plus équitable et résilient pour pouvoir faire face aux futures crises.
C’est ce qui ressort du dernier webinaire organisé par la Britcham, sous le thème « Les défis du Financement de la santé au Maroc face à la pandémie ».
La couverture sociale universelle s’est imposée comme une priorité étatique après le discours royal et devient ainsi le défi majeur pour le système de santé marocain.
Pour Anas Rihani, chef de la division de suivi et de mise en œuvre du RAMED, « ce chantier va transformer le parcours santé du patient marocain ». Il rappelle néanmoins que le système de santé a connu ces dernières décennies plusieurs réformes qui ont mené à un certain nombre d’acquis comme l’amélioration de l’espérance de vie à la naissance qui a augmenté de 29 ans en 50 ans. Il y aussi la maitrise du niveau de la fécondité, la baisse de la mortalité infantile de -78% entre 1990 et 2017 passant de 331 décès pour 100 000 NV à 72,6 décès pour 100 000 NV en 2017. Idem pour la mortalité infanto-juvénile qui a baissé de 74% entre 1990 et 2018.
Autres acquis du système de santé au Maroc ces dernières années, selon M. Sefyani : l’augmentation des postes budgétaires pour le personnel médical et paramédical, la réduction des prix de près de 4000 médicaments et la promotion du générique, ainsi que la couverture médicale généralisé.
Cependant, Anas Sefyani n’a pas omis de noter les défis à relever pour améliore le système de santé marocain.
Il s’agit d’augmenter la capacité litière du Royaume. « Plus de 5500 lits hospitaliers verront le jour en 2021 » contre une moyenne de 4000 annuellement. A cela s’ajoutent les recrutements et la montée en compétences des ressources humaines Il est aussi question d’élargir les volets budgétaires pour accroitre les dépenses publiques consacrées à la santé, de l’amélioration de l’efficience des dépenses budgétaires, de réussir à mobiliser tous les acteurs pour le financement de la santé, et la réduction des dépenses direct des ménages qui représentent 50,7% des sources de financement de la santé.
L’objectif d’atteindre, à terme, un budget de la santé à hauteur de 8% du PIB contre 6% actuellement étant toujours maintenue.
« Le budget du ministère de la santé a plus que doublé depuis 2007. Il représente 6,7% du budget général de l’Etat pour 2021 », affirme M. Sefyani, précisant que le ministère de la santé contribue à hauteur de 27% au financement de la santé.
Il est à noter que la création du Fonds spécial pour la gestion de la pandémie de la Covid-19 est survenue aussi bien pour soulager l’économie nationale que pour renforcer le système de santé. En effet, le ministère de la santé a bénéficié de 3 milliards de dirhams pour faire face à la crise. « En l’absence de moyens, grâce à cet argent et avec l’aide du secteur privée nous sommes arrivés à réduire le taux de létalité et à augmenter le taux de guérison à plus de 85% » affirme M. Sefyani.
De son côté, le Pr. Jaafar Heikel, épidémiologiste et docteur en économie de la santé, a fait état de plusieurs inégalités régionales concernant la demande de soins en santé au Maroc. Il a de ce fait dressé 5 constats, le premier étant l’évolution des dépenses de santé de façon plus importante que les dépenses économiques du pays.
Le deuxième est que les dépenses par pathologie prioritaire de santé publique (diabète, cancer, hypertension…) sont supérieures dans le secteur que dans le privé.
Le troisième constat, c’est le reste à charge pour les patients qui est trop élevé. Viennent ensuite les frais d’hospitalisation et des médicaments, avec un énorme écart entre le privé et le public pour les mêmes prestations. Et enfin, le professeur fait remarquer que les fonctionnaires bénéficiaires de l’AMO, dépensent beaucoup plus que ceux travaillant dans le secteur privé.
Concernant la couverture sociale universelle, Pr. Heikel explique que celle-ci doit être adaptée au contexte marocain et non pas calquée sur des modèles d’autres pays parce « le parcours de soin du malade marocain est différent » et est caractérisé par des dépenses inutiles.
Le professeur a émis plusieurs propositions parmi lesquelles une caisse unique de santé et de l’assurance maladie.
Pour sa part, Noureddine Afouaiz, directeur général de GSK et vice-président du LEEM (Les Entreprises du Médicaments du Maroc) s’est inscrit dans le vent des idées en faveur de l’innovation financière pour le secteur de la santé. « Il est nécessaire de repenser à des mesures intégrées d’investissement pour renforcer la résilience des systèmes de santé », a-t-il déclaré. Et d’ajouter « La cohérence des investissements entre les différentes composantes du système de santé doit être assurée pour garantir les conditions permettant d’atteindre l’objectif d’un système accessible à tous ».
A. Loudni