Photo prise le 26 février 2019 montrant une campagne d'affichage en Hongrie prenant pour cible le milliardaire américain juif d'origine hongroise, George Soros, l'accusant d'encourager l'immigration © AFP ATTILA KISBENEDEK
La campagne des européennes a fait resurgir le spectre d’une poussée nationaliste et populiste, suscitant l’inquiétude au sein de la communauté juive du Vieux continent, cible d’une recrudescence de discours antisémites et de violences.
Plus de 9 millions de juifs vivaient en Europe avant la Deuxième guerre mondiale et l’extermination des juifs. Un chiffre qui a chuté à moins de deux millions, et ce alors que les responsables de la communauté redoutent encore de nouveaux départs.
« Nous savons sans doute mieux que quiconque sur quoi l’Europe a été construite après l’Holocauste et les horreurs de la guerre », explique à l’AFP Ariella Woitchik du Congrès Juif Européen (CJE).
« Et nous ne considérons pas la paix comme un acquis », confie Mme Woitchik, qui s’exprime à Bruxelles, où les synagogues et commerces casher sont toujours protégés par la police, cinq ans après la tuerie du musée juif de la ville par le Français Mehdi Nemmouche (4 morts).
L’inquiétude de la communauté juive n’est ni imaginaire, ni exagérée, selon une étude de l’agence des droits fondamentaux de l’Union européenne menée dans 12 pays l’année dernière.
« Des centaines de personnes interrogées ont personnellement subi des agressions physiques antisémites dans les douze mois qui ont précédé l’étude », selon ces résultats. En outre, « plus d’une personne sur quatre interrogée a aussi été victime de harcèlement au moins une fois » au cours de la même période.
« Dans le passé, quand les juifs ont quitté l’Europe, cela n’a jamais été un bon signe pour l’état de l’Europe », a averti récemment la commissaire chargée de la Justice Vera Jourova.
Des juifs songent de nouveau à partir. « Le nombre de juifs a baissé au cours des 20 dernières années, jusqu’à 1,6 million », affirme à l’AFP Pinchas Goldschmidt, grand rabbin de Moscou et président des rabbins d’Europe.
« Beaucoup de gens sont partis. Il y a eu une vague d’actes terroristes en France, en Belgique, au Danemark et ailleurs. Pour nous, ces élections sont extrêmement importantes, pour donner aux juifs d’Europe le message qu’ils sont toujours les bienvenus en Europe », ajoute-t-il.
Les partis européens, même ceux de la droite radicale, adoptent rarement des positions ouvertement antisémites, mais la campagne actuelle a des relents inquiétants.
– « Sentiment d’urgence » –
En Hongrie, le parti du Premier ministre Viktor Orban a pris pour cible dans une campagne d’affichage le milliardaire américain juif d’origine hongroise, George Soros, l’accusant d’encourager l’immigration.
Cette semaine, le Premier ministre polonais a déclenché une polémique en affirmant qu’une éventuelle restitution des biens juifs accaparés depuis l’Holocauste constituerait une « victoire posthume d’Hitler » sur la Pologne. Des propos dénoncés par le Congrès juif mondial (CJM).
Pour le rabbin Goldschmidt, qui cite encore une manifestation d’un groupuscule néo-nazi le 1er mai dans une petite ville de l’est de l’Allemagne, ces incidents s’inscrivent dans un mouvement plus large d’incitation à la haine.
« Les politiciens n’ont pas peur d’avoir recours à l’antisémitisme quand ils en ont besoin », condamne le grand rabbin. « Le souvenir de la Seconde guerre mondiale s’estompe et les gens ont oublié ce que c’est de vivre sans l’Union européenne et ses valeurs qui sont si importantes pour un continent en guerre constante pendant des centaines d’années ».
« Que cela vienne de la gauche ou de la droite », les discours extrémistes « répandent la haine, que soit sur internet ou par le biais d’attaques physiques très violentes », souligne Ariella Woitchik.
« Tout cela crée de l’anxiété au sein de la communauté juive. Maintenant, on parle même d’un sentiment d’urgence (…), les gens pensent à quitter l’Europe si la situation ne s’arrange pas », met-elle en garde. « Le message que nous tentons de faire passer, c’est de voter et voter pour un parti pro-européen », conclut-elle.
LNT avec AFP