Le dialogue interreligieux est actuellement en vogue et cela s’explique par ce sentiment d’un retour du religieux dans de nombreuses sociétés, ont souligné, dimanche à Essaouira, les participants à une table ronde autour de la thématique « Quel dialogue religieux pour notre temps ? ».
L’actualité et la pertinence de ce dialogue interreligieux se font sur un fond de questions autour des valeurs de modernité, ont-ils précisé lors de cette rencontre initiée dans le cadre du 3-ème forum euro-méditerranéen des jeunes leaders (20-22 octobre).
S’exprimant à cette occasion, Mme Delphine Horvilleur, Rabbin, a souligné l’impérieuse nécessité d’asseoir un véritable dialogue interreligieux en réponse aux conflits et phénomènes de violence dans lesquels les identités religieuses sont instrumentalisées et prises en otage.
« Œuvrer pour la concrétisation de ce dialogue interreligieux est d’autant plus indispensable dans le monde d’aujourd’hui qui est de plus en plus en proie à la violence, aux incompréhensions et à la montée de l’extrêmise », a-t-elle insisté.
Cette nécessité s’explique aussi par un effet du brassage des populations lié aux migrations internationales ainsi que par la circulation des images et des informations à l’échelle mondiale qui font que croyants de différentes obédiences et non-croyants se côtoient que jamais, a fait observer Mme Horvilleur.
De son côté, le politologue et islamologue, M. Rachid Benzine, a souligné la nécessité urgente de revenir à la lecture des textes religieux dans leur substrat historique, avant d’expliquer que l’étape épistémologique et méthodologique pour replacer le savoir historique est indispensable pour expliquer comment une religion s’est forgée dans l’histoire pour éviter de se projeter dans le texte et d’avoir une représentation « faussée » de soi et des autres.
« Là où il n’y a pas de chronologie, il y aura certainement de l’idéologie », a dit M. Benzine qui a déploré l’existence de groupes qui prétendent détenir la vérité absolue.
Les pouvoirs publics peuvent être amenés à encourager le dialogue interreligieux dans le but d’améliorer la concorde civique et internationale, a-t-il dit, estimant que le fait de comprendre autrui et sa religion permet de combattre les préjugés, favoriser la coexistence pacifique et d’ouvrir la voie à une fécondation réciproque.
Et de conclure que la confrontation qui oblige tout un chacun à réfléchir sur sa propre croyance et à l’approfondir, favorise également une attitude critique envers soi-même, pour maintenir vivante sa croyance.
Ziyad Fahed, théologien et professeur associé à l’université Notre-Dame Louaize (Liban), a souligné, quant à lui, l’impératif d’opérer « ce pèlerinage vers l’autre » et de construire des ponts dynamiques à même de permettre une meilleure compréhension mutuelle et surtout d’inciter les jeunes au rapprochement, à l’échange et au partage.
« Tout un chacun, abstraction faite de sa religion, a besoin d’autrui d’abord pour se compléter, percevoir une partie de la vérité, instaurer cet être ensemble et comprendre sa religion », a-t-il ajouté, notant qu’il s’agit là d’un pacte social qui est en renouvellement permanent.
Il a, dans ce sens, plaidé en faveur du vivre-ensemble et d’ouverture sur autrui, faisant remarquer que tous les textes religieux incarnent ces valeurs dans la mesure où la finalité en définitif reste le bien-être de l’humanité.
Introduisant cette table ronde, le président de l’association Essaouira Mogador, M. André Azoulay, avait indiqué que son judaïsme a été toujours celui de l’autre.
« Je ne conçois pas d’être libre, de faire appel à la justice et à la dignité et de protéger et partager mon histoire, tant que celui qui est en face de moi ne jouit pas de ces mêmes valeurs », a-t-il précisé.
« C’est ce judaïsme, a-t-il ajouté, qui m’a toujours donné cette capacité de militer pour les droits de l’autre ». Il serait en situation de risque « si ses principes de base étaient mis en cause, et si je me révèle à la fois incapable et indifférent à ceux qui, aujourd’hui, souffrent d’injustice, de manque de respect, de dignité et de souveraineté », a-t-il dit en guise de conclusion.
Initié par l’ambassade de France au Maroc, la Fondation Anna Lindh et les Associations « Essaouira-Mogador » et « Marocains Pluriels », avec le concours de la Fondation Sekkat, ce forum a connu la participation de plus de 300 jeunes marocains et euro-méditerranéens.
LNT avec Map