Mme Nabila Freidji est, incontestablement, d’un dynamisme porté par ses multiples expériences professionnelles. Sa vision de notre société et de son avenir, se nourrit des riches parcours qu’elle a effectués, dans le monde de l’entreprise d’abord, dans l’organisation patronale ensuite, à l’international enfin.
Le tout produit des convictions fortes notamment sur la Femme marocaine et la nécessité de son inclusion économique, entre autres.
La Nouvelle Tribune :
Je vous remercie de participer à ce spécial consacré au 8 mars, la fête internationale de la Femme!
Notre approche cette année, eu égard à l’actualité, est de faire réagir chacune de nos invitées, dans le cadre de son activité professionnelle, sur les points forts que le nouveau modèle de développement en projet au Maroc, pourrait inclure pour avancer.
Mais avant de rentrer dans la vif du sujet, pouvez-vous vous présentez à nos lecteurs ?
Mme Nabila Freidji :
Permettez -moi tout d’abord de vous féliciter pour cette approche.
En ce qui me concerne, je suis une femme entrepreneur, actrice dynamique et convaincue de la société civile. Je suis une fervente defendresse de la transformation des sociétés par le pouvoir économique mais aussi et surtout par l’inclusion des femmes.
Qu’elle soit dans le monde urbain ou rural et quel que soit son niveau d’instruction, la femme joue un rôle important dans le développement. D’ailleurs, je crois fondamentalement que la capacité de la femme marocaine à contribuer au developpment du Maroc encore plus grande même si cela n’est pas reflêté dans les chiffres.
Justement, pouvez -vous partager avec nos lecteurs votre parcours ?
Je suis un produit de l’enseignement public marocain, diplômée de l’École Roi Fahd de Traduction et de l’ISCAE.
J’ai d’abord éxercé dans le secteur privé au sein d’une filiale d’une grande banque de la place avant de me lancer dans l’aventure de l’entreprenariat. J’ai commencé par ouvrir un cabinet de traduction et d’interprétariat et, simultanément, une société de transfert d’argent agréée par Bank Al-Maghrib.
Cela a été une experience très enrichissante car elle m’a permis d’être en contact avec toutes les franges de la société marocaine, d’ici et d’ailleurs, de mesurer l’importance des flux des Marocains du monde et le rôle que pouvait jouer ce canal dans l’inclusion financière.
Par la suite, j’ai co-fondé une régie publicitaire qui est venue renforcer notre groupe familial et qui est aujourdhui un des fleurons de l’industrie publicitaire au Maroc.
Parlez-nous de votre expérience à l’international.
Vous savez, j’ai toujours été attirée par les questions d’économie internationale et de géostratégie. L’opportunité m’a été donnée d’intégrer un think tank de grande renomée que j’ai saisie.
Et c’est ainsi, qu’avec beaucoup de travail et d’engagement, j’ai intégré plusieurs organismes internationaux notamment le World Economic Forum, les Nations Unies, l’Union Africaine…
Vous savez, la vie est faite de rencontres et d’opportunités qu’il faut saisir au vol ! C’est le plus grand enseignement que j’ai tiré de mon parcours.
Et la CGEM ?
Quelle belle experience ! C’est grâce à une femme, Mme Miriem Bensalah Chaqroun. Trois mandats, dont un consacré à la dynamique régionale et deux à l’international.
Vous n’avez pas été un peu déçue ?
Pas du tout..
Tout d’abord, la CGEM m’a permis de mieux connaitre la réalité économique des régions, à la veille de la mise en œuvre du projet de la Régionalisation Avancée.
Des régions qui regorgaient de potentiels et d’atouts considérables, mais dont certaines devaient relever de nombreux défis : un environnement peu propice à la création d’entreprises et à leur durabilité, une absence d’écosystèmes, un manque d’harmonisation entre l’investissement public et privé… Bref, je comprenais un peu mieux pourquoi les jeunes quittaient leur région pour l’axe Tanger-Casablanca.
Pendant ce premier mandat, nous avons contribué à la mise en place des Comités Régionaux de l’Environnement des Affaires, CREA. Nous avons également réussi à insufler une dynamique dans les différentes régions du pays notamment les régions du sud, en organisant avec le gouvernement une mission d’investissement d’envergure.
Et puis il y a eu vos deux mandats à l’international…
Tout à fait ! Le Maroc a fait le choix irréversible et judicieux de s’ouvrir sur le monde. Pour l’entreprise marocaine, cela signifie une excellente connaissance de l’environnement international, de l’agenda mondial, un plus grand accès aux réseaux d’influence, une bonne maitrise des standards et des marchés…
A la CGEM, nous avons investi les tribunes de choix telles que la Global Business Coalition, le B20, l’UNECA, l’Union Africaine…
Nous avons multiplié les partenariats avec nos homologues et accompagné les entreprises qui souhaitaient s’internationaliser, notamment en Afrique.
Nous avons également mis en place une plateforme de dialogue avec les institutions internationales représentées au Maroc afin faire converger les efforts et maximiser l’impact.
J’espère que ces efforts contribueront à un meilleur positionnement de l’entreprise marocaine dans l’echiquier économique continental et mondial.
On perçoit aujourd’hui un frémissement, telle une dynamique qui s’enclenche après plusieurs années de marasme et de manque de confiance grâce à toutes les incitations impulsées par les discours royaux, avec le nouveau mode de financement des banques en faveur des TPE, etc.
Croyez que ce chemin est le bon, ou plutôt qu’on a raison de mettre toutes les cartes à plat et de rebondir vers un nouveau modèle de développement, quel est votre sentiment ?
Je pense qu’il faudra commencer quelque part. On ne peut pas continuer à être constamment dans la quête du Graâl.
Aussi, attendons de voir les conclusions et recommendations de la commission et les propositions qui seront faites par les principaux partenaires de cette dynamique, à savoir Bank Al-Maghrib, les banques et la CDG.
En revanche, quel que soit le modèle préconisé, il faudra l’adhésion de toutes les composantes de la sociétè pour espèrer voir des résultats : le vœu de la transformation ne peut pas rester un vœu pieux !
C’est la volonté et l’intelligence collectives qui feront la différence. Pour cela, un choc des mentalités est necessaire. le financement à lui seul n’est pas suffisant car l’entreprenariat est dabord et avant tout un acte volontaire. Par contre, il faudrait que l’entreprenariat devienne une culture au Maroc dans toutes les couches de la société.
Mais vous parlez d’un point de vue social ou économique ? Parce que la société civile s’est réveillée…
Aujourdhui le social est économique et l’économique est social. Il faudra en revanche que les institutions demeurent fortes et que la la société civile ne s’y substitue pas.
Alors, oui ,la société civile j’y crois, j’en fais partie et j’y suis très active. C’est bien qu’elle soit dynamique mais il faut veiller aux équilibres.
Mais maintenant, les grandes réformes du Maroc, comme l’éducation, la santé, ne peuvent se faire que très lentement.
Je crois que la CSMD fait diligence pour produire des résultats, des réformes immédiates, qui vont accompagner ces réformes structurelles et qui vont permettre au Maroc de prendre un tournant. Est-ce que vous y croyez ?
Evidemment j’y crois. Dans toute société, il faut des reformes à court, moyen et long terme. Les réformes immédiates ou les quick wins donnent de l’espoir et restaurent la confiance.
Les grandes réformes, elles, sont structurelles et necessitent plus de temps. C’est le mix des deux et surtout leur cohérence et leur flexibilité qui permettront au Maroc de prendre LE tournant.
Et la femme dans tout cela ?
Les Objectifs de Développement Durable à l’horizon 2030 ainsi que la vision 2063 de l’Union Africaine ont établi la nécessité de l’inclusion de la femme et sa participation active pour accélerer la transformation de l’Afrique.
Or, aujourdhui au Maroc, la participation des femmes à la vie économique est parmi les plus faibles au monde (22%).
Quant aux femmes entrepreneures, elles représentent à peine 10% du total des entrepreneurs et opèrent en majorité dans des secteurs à faible valeur ajoutée et de petite échelle.
C’est assez paradoxal quand on sait que le Maroc occupe la 43ème place au classement Doing Business et qu’il amèliore chaque année sa position.
Je crois que l’inclusion des femmes, pronée par toutes les études et citée dans tous les rapports et stratégies, ne doit pas rester juste un slogan.
Au-delà de tout féminisme, c’est une nécessité pour un Maroc prospère et inclusif.
Entretien réalisé par
Afifa Dassouli