SINGAPORE - JUNE 27: The Marina Bay Sands resort and Helix Bridge on JUNE 27, 2012 in Singapore
L’analyse historique et culturelle de Singapour a permis de comprendre pourquoi les singapouriens sont aujourd’hui des citoyens très disciplinés et très instruits qui font primer l’intérêt collectif sur l’intérêt personnel pour maintenir une harmonie sociétale qui leur est très chère.
Cet aspect très particulier de la culture singapourienne est essentiel pour comprendre pourquoi leur écosystème d’innovation, pourtant très vertical, est aussi performant à l’échelle mondiale.
Singapour, championne des classements internationaux !
Singapour se classe aujourd’hui parmi les économies les plus compétitives d’Asie (classée deuxième économie la plus compétitive par le Forum économique mondial pour la cinquième année consécutive), parmi les endroits au monde où il est le plus facile de faire des affaires (deuxième au classement Doing business) et enfin parmi les “terres d’innovation” en Asie (classée première selon l’indice mondiale de l’innovation).
Résolu à préserver sa compétitivité et à assurer une croissance économique durable, Singapour a réussi, au cours des 10 dernières années, à transformer une économie initialement orientée vers l’industrie et la forte employabilité vers une économie fondée sur le savoir et l’innovation.
“La recherche et l’innovation sont essentielles à la compétitivité de nos industries. Ils servent de catalyseurs à la croissance et transforment notre économie. Le capital intellectuel est inéluctablement amené à jouer un rôle déterminant dans la prochaine phase de notre développement économique”, déclarait le Premier ministre lors d’une conférence de presse en septembre 2010.
Chercheurs superstars !
Nous l’avons vu précédemment, Singapour a mis en place, depuis le début, un système éducatif très sélectif qui donne aux professeurs et aux chercheurs un statut social très élevé.
Au delà de leurs salaires très confortables, c’est surtout l’image d’une excellence technique et morale qui est mise en avant (avec des campagnes d’affichages régulières) pour encourager plus de singapouriens à suivre leur modèle.
« Nous ne sommes pas les plus peuplés, nous ne sommes pas les plus puissants, nous ne sommes pas les plus étendus ; aussi devons-nous, pour survivre, réussir à être les plus instruits ».
Cette phrase, souvent citée par le président de Singapour, Ong Teng Cheong, montre bien à quelle point le pays accorde de l’importance à l’instruction, à l’éducation permanente et à la recherche de très haut niveau !
Grâce à cette stratégie d’attractivité, les Singapouriens peuvent se targuer aujourd’hui d’attirer les plus grands cerveaux du monde dans leurs universités et écoles prestigieuses.
On estime ainsi aujourd’hui à 10.000 le nombre de chercheurs à Singapour. A*Star, l’Agence gouvernementale pour la Recherche et Développement compte à elle seule 4500 chercheurs dont 40% sont originaires de 60 pays.
Le cabinet du premier ministre : siège de l’innovation singapourienne
Comme nous l’avons vu dans les articles précédents, le poste de premier ministre à Singapour est stratégique et très respecté. Le rôle qu’a joué Lee Yun, père du Singapour moderne, y est certainement pour quelque chose.
Le « dictateur paternaliste » a effet réussi à inculquer ses valeurs à toute une population et le système de « démocratie autoritaire » qu’il a mis en place il y’a 50 ans pendant 30 ans, continue encore d’exister puisque c’est aujourd’hui son fils qui occupe ce poste depuis 10 ans !
Le cabinet du premier ministre dispose d’une force de frappe considérable dans le pays puisque c’est lui qui décide des plans stratégiques quinquennaux et a à sa disposition plus de 10 agences gouvernementales spécialisées et à haut pouvoir décisionnel que très peu de singapouriens remettent en question.
Via ces plans quinquennaux, le gouvernement injecte justement d’importants financements dans la recherche et l’innovation en développant des infrastructures de recherche très performantes et des programmes de formation de très haute qualité.
En parallèle de cette impulsion stratégique du cabinet du premier ministre, l’effort d’investissement et de soutien à l’innovation à Singapour est aussi porté par le secteur privé, qui est de plus en plus attiré par Singapour et sa politique incitatrice.
Ce dernier élément est d’ailleurs capital pour comprendre la grande performance du pays au niveau de l’innovation.
L’innovation par l’attractivité
Une caractéristique importante du financement de la R&D à Singapour est la surreprésentation du privé et plus particulièrement des multinationales, ce qui explique l’intrication entre R&D et attractivité du territoire à Singapour.
La législation de Singapour a, depuis le début, était conçu pour dynamiser l’activité économique en favorisant l’installation d’entreprises étrangères.
L’île est un pôle d’attraction pour multinationales et investisseurs notamment grâce à son expertise dans le transfert technologique et son environnement favorable à entrepreneuriat et au lien entreprise-unité de recherche.
Plusieurs organismes publics jouent un rôle très important dans l’assistance aux entreprises pour améliorer leur processus d’innovation : Les entreprises ont par exemple la possibilité de solliciter des experts locaux et étrangers issus des universités, des instituts de recherche et de l’industrie, afin d’être détachés auprès d’eux via la structure publique SPRING.
Ce service centralisé de conseil aux entreprises est une mine de renseignements pour les entrepreneurs. Son offre de e-services est un point d’accès unique à toute une série d’informations détaillées sur les programmes gouvernementaux d’aide et les incitations financières en fonction du secteur industriel. Les entrepreneurs, les start-ups et les entreprises, qu’elles soient étrangères ou pas, peuvent facilement trouver les infos.
Si l’on y ajoute les programmes de financement des acteurs publics et privés présentés précédemment qui sont de véritables piliers du support à l’innovation, à la recherche et à l’entrepreneuriat ainsi que le climat global de Singapour (politique fiscale avantageuse, sécurité et stabilité du pays, transfert technologique et propriété intellectuelle assurée via l’organisme CTIC), on comprend très facilement pourquoi autant d’entreprises étrangères choisissent d’y installer leurs centres d’innovation !
Voici d’ailleurs une petite liste non exhaustive de sociétés ayant choisi d’ouvrir leur centre d’innovation à Singapour : OVH, Microsoft, Cisco, IBM, HP, Google, LinkedIn, Twitter, Apple, Dell, Ericsson, Oracle, Paypal, Axa, Naturex, Danone, etc.
Singapour est donc un pays innovant grâce à une histoire, une culture et une stratégie gouvernementale qui remontent à des dizaines d’années !
Le premier ministre Lee Kuan Yew, père de la nation singapourienne, a su établir les bases d’un peuple discipliné, hautement éduqué et en total harmonie malgré la diversité ethnique qui le compose.
Cette stabilité politique, associée à un environnement des affaires très avantageux, (corruption pratiquement inexistante, protection judiciaire pour la propriété intellectuelle et système fiscal très avantageux) a permis d’attirer les plus grandes entreprises multinationales du monde qui y ont installé aussi leurs centres d’innovation.
L’implémentation de ces dernières est d’ailleurs fortement encouragée par le cabinet du premier ministre qui décide des grandes orientations stratégiques en matière de politique d’innovation : financement public et privé, organismes de conseils, centres de recherche, tout est mis à disposition des entrepreneurs, qu’ils soient étrangers ou locaux, pour que ces derniers puissent innover dans de bonnes conditions et mettre rapidement sur le marché global leurs produits et solutions !
à propos de l’auteur :
Omar Amrani est un entrepreneur passionné d’innovation et d’éducation.
Il est coach, formateur et consultant en innovation pour plusieurs structures publiques et privées au Maroc et en Afrique.
Il est aussi intervenant dans l’enseignement supérieur dans différentes écoles et universités à travers ses cours et séminaires “Culture de l’Innovation” et « Culture Scientifique ».
Vous pouvez suivre ses articles en vous abonnant à la page Facebook de son blog Chroniques du futur