Grâce une stratégie à long terme d’un premier ministre visionnaire, Singapour est devenue, en quelques décennies, l’une des économies les plus performantes (3e rang mondial en termes de PIB par habitant) et innovantes du monde (classé 2ème !) !
L’analyse de la culture singapourienne nous permettra de mieux comprendre pourquoi son écosystème d’innovation, mis en place il y’a plus de 20 ans, est aujourd’hui toujours aussi efficace.
La cohésion et l’harmonie sociétale par le multiculturalisme
Lorsque le fameux auteur et journaliste américain Fareed Zakaria a demandé à Tharman Shanmugaratnam, ministre des finances singapourien, quelle était sa plus grande fierté en tant que citoyen singapourien, la réponse de ce dernier fut très surprenante.
Celui-ci n’évoqua ni le rapide et formidable développement économique ni la stabilité et sécurité légendaire de son pays !
“C’est l’harmonie qui règne au sein de notre société qui me rend le plus fier d’être aujourd’hui singapourien !“
La réponse peut paraître surprenante venant de la part d’un ministre des finances qui n’a habituellement que les chiffres de croissance en tête !
Pourtant, comme nous l’avons vu précédemment dans les 2 premiers articles, la notion de cohésion sociétale a été, très tôt, l’une des priorités absolues du premier ministre Lee Kuan Yew, considéré par de nombreux singapouriens comme le fondateur de la nation singapourienne.
Selon le dernier recensement de la population, il y’a actuellement 74,3 % de singapouriens d’origine chinoise, 13,3% Malaisienne, 9,1% indienne et 3,3 % autres.
Cette diversité ethnique au sein de la population singapourienne aurait pu provoquer de nombreux conflits et engendrer des tensions fréquentes comme dans de nombreuses autres régions du monde, mais ceux-ci ont été très rares et ont pu être très facilement maîtrisées.
Pourtant, en cinquante d’existence, le pays peut se vanter d’être parmi les rares pays au monde à n’avoir souffert d’aucun problème d’extrémisme religieux ou de terrorisme.
Le résultat de sa politique pour créer une identité singapourienne à partir de plusieurs identités et ethnies asiatiques a donc remarquablement porté ses fruits.
Pays de l’ordre, de la sécurité et de la propreté
Singapour est certainement aussi le pays de l’ordre, de la sécurité et de la propreté.
Nous l’avons vu, les singapouriens ont été, depuis le début, éduqués et formés à être obéissants et disciplinés !
Le respect de la loi à Singapour est une affaire très sérieuse et le civisme un élément central de cohésion sociale !
Les citoyens ne respectant pas ces lois peuvent se voir imposer des amendes ou des punitions très sévères.
Si certaines sont normales et justifiées pour un observateur occidental ou étranger, d’autres en revanche peuvent lui paraître complètement insensées comme les « coups de canne » !
Le père fondateur et premier ministre Lee avait été grandement influencé par l’éducation britannique lors de son enfance.
C’est la raison pour laquelle il utilisera cette technique ancienne de châtiment corporel pour punir tous les singapouriens qui ne rentraient pas dans les rangs !
Cette pratique peu conventionnelle était donc utilisée pour punir les cas de corruption et pour punir les crimes et les infractions !
Les amendes singapouriennes peuvent être toutes aussi bizarres pour un observateur étranger.
En voici quelques exemples assez surprenants :
- ne pas tirer la chasse d’eau dans un espace public vous coûtera 150$ !
- manger dans le métro : 500 $
- donner à manger aux pigeons : 500 $
- cracher : 1000 $
- jeter votre chewing-gum ou tout autre déchet dans la rue : 5000$ !
Le site Business Insider a même consacré un article qui répertorie quelques unes des lois jugées les plus aberrantes.
Contrairement à certains pays où plusieurs lois aberrantes existent mais ne sont pas appliquées, les autorités Singapouriennes, aidées par un système policier très vigilant, veillent de manière très sérieuse à ce qu’elles soient scrupuleusement respectées.
Elles permettent, selon elles, de rappeler l’importance du respect mutuel entre les individus pour que l’harmonie sociétale soit maintenue !
D’autres comportements en revanche, peuvent, eux, emmener directement en prison :
- Tenir des propos racistes en public ou sur internet : 1 an de prison minimum
- Entrer dans le pays en ayant consommé de la drogue : 20 000 $ – jusqu’à 10 ans de prison !
D’autres lois plus sévères encore, sont, elles, à destination de groupes d’individus organisés ou d’institutions privées :
- Les manifestations sans autorisation et les grèves sont interdites
- Les médias locaux et étrangers subversifs sont systématiquement arrêtés s’il est prouvé que leurs propos portent atteinte à la stabilité du pays.
- La corruption est punie de prison, de châtiments corporels et de confiscations !
- Les assassinats et le trafic de drogue sont, eux, punis de mort !
L’esprit de Confucius omniprésent
Avec toutes ces lois et mesures restrictives, Singapour peut donner l’impression, pour un observateur étranger, d’être une dictature.
Pourtant, comme nous l’avons vu dans les deux articles précédents, la sécurité et la prévention de troubles sociaux ont toujours été au centre des préoccupations de Singapour.
Avec le temps, la stabilité du pays et sa paix sociale sont donc devenus des valeurs plus importantes au yeux de la population que certaines libertés individuelles volontairement concédées !
Surtout que ce système social est très cohérent avec le mode de pensée ancestral de Confucius. Le philosophe est d’ailleurs toujours très vénéré et cité par les singapouriens dans leur vie de tous les jours !
Les traditions ancestrales telles le culte des ancêtres et les superstitions sont également très présentes dans la culture sinapourienne.
On retrouve aussi toutes les caractéristiques confucéennes dans le monde du travail : l’harmonie sociale, l’importance de la « face », l’hiérarchie très marquée, le respect du pouvoir et d’influence des fameux « Guanxi » chinois, etc.
L’esprit de Confucius a en effet une incidence directe sur l’organisation du travail : les subordonnés doivent obéissance et respect absolus à leur chef.
Ils attendent de lui des décisions claires et des instructions précises : les décisions sont prises par le patron et les ordres sont exécutés immédiatement et sans discussion.
Il n’y a pas d’échange d’opinions, ni de débat ou de commentaires. Le management participatif ne fait donc pas partie de la culture d’une entreprise singapourienne.
La nature collective très marquée de la société singapourienne, influence directe de la pensée confucéenne, fait donc primer l’intérêt du groupe sur l’intérêt personnel. Vie privée et vie professionnelle sont donc étroitement entremêlées !
Nous verrons dans le prochain article que cette structuration très verticale du travail n’empêche pourtant pas le pays d’être l’un des plus innovants au monde aujourd’hui !
à propos de l’auteur :
Omar Amrani est un entrepreneur passionné d’innovation et d’éducation.
Il est coach, formateur et consultant en innovation pour plusieurs structures publiques et privées au Maroc et en Afrique.
Il est aussi intervenant dans l’enseignement supérieur dans différentes écoles et universités à travers ses cours et séminaires “Culture de l’Innovation” et « Culture Scientifique ».
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