Après les USA, la Suède et Singapour, nous allons cette fois analyser l’écosystème d’un pays proche du nôtre : La France.
Notre voisin n’est pas connu pour être un pays innovant. Il serait même à la traîne selon de nombreuses analyses et constats (classé en dehors du top 10 mondial alors qu’il est la cinquième puissance économique mondiale !)
Il est cependant intéressant de constater que ces dernières années, la France “grignote” progressivement des places dans le classement de l’indice mondial de l’innovation et se rapproche de plus en plus du top 10 (15ème au classement 2017).
Il faut dire que de gros efforts ont été effectués pour doter le pays d’un écosystème d’innovation qui soit plus solide et plus performant.
Aujourd’hui, la “french tech” semble avoir le vent en poupe avec des startups françaises qui créent de belles success-stories mondiales et qui commencent à séduire de plus en plus d’investisseurs internationaux.
L’appui politique à cet écosystème est désormais acté (le nouveau président français Emmanuel Macron est notamment très favorable à l’innovation et aux startups) et les initiatives privées comme la Station F de Xavier Niel se multiplient pour le faire grandir économiquement et culturellement.
La France veut définitivement rattraper son retard et se positionner en tant qu’acteur majeur de l’innovation à l’échelle mondiale…
Partie 6
Dans cette partie, nous allons voir que pour émerger et espérer briller à l’international, l’écosystème d’innovation français se devait de se doter d’une identité et d’une structure qui lui est propre : La French Tech !
Promouvoir l’image d’une France qui innove
Nous avons vu dans les premiers articles consacrés à l’écosystème d’innovation français que la France était handicapée par plusieurs freins culturels à l’innovation et l’entrepreneuriat.
L’initiative collaborative French Tech, mise en place en 2013 par le ministère de l’économie et pilotée par La Mission French Tech en partenariat avec les principaux opérateurs publics (Bpifrance, Business France, Caisse de dépots, etc.), a justement pour ambition d’avoir un impact sur la culture de l’innovation et de l’entrepreneuriat en France grâce à une logique de communication volontairement positiviste.
Pour atteindre ce but, la Mission French Tech a adopté une démarche assez originale : au lieu de mettre en place un nouveau programme ou une nouvelle structure, elle a choisi de s’appuyer directement sur les initiatives des membres de la communauté entrepreneuriale pour les mettre en valeur en leur octroyant un label, le label French Tech, et créer ainsi une dynamique positive avec un effet « boule de neige » !
L’idée derrière cette stratégie est d’encourager les acteurs de l’écosystème à être encore plus actifs afin de leur faire bénéficier d’un véritable appui marketing et communicationnel national et international auprès des VC, médias Tech, leaders d’opinions tech et entrepreneurs internationaux.
Les métropoles Hubs “French Tech”
L’initiative “Métropole French Tech” joue un rôle central dans cette stratégie. Pensée pour les entrepreneurs et pilotée par les entrepreneurs, Métropole French Tech est en fait un label qui est donné aux régions de France les plus dynamiques en termes d’écosystème et de services aux startups.
Dès qu’une région réussit à rendre attractif son réseau en développant tous les ingrédients nécessaires à un écosystème entrepreneurial local pour ses startups (culture entrepreneuriale, mise en avant de talents, dispositifs d’accompagnement, financements, bâtiment totem, etc.) elle bénéficie automatiquement du label “Métropole French Tech”.
Ce label donne plusieurs avantages à la région :
- Visibilité aussi bien nationale qu’internationale
- Facilitation pour la mise en place d’un lieu de ralliement pour startups comme les « bâtiments totem »
- Mise en avant de produits et solutions de startups selon des thématiques et savoir-faire locaux
- Ralliement à l’ensemble du réseau des autres Métropoles French Tech via un point de ralliement national, la French Tech Centrale, situé à la Station F, et une plateforme online dédiée : www.lafrenctech.com
Les startups de ces métropoles sont évidemment les premières à en bénéficier avec notamment un point d’entrée facilité pour les différents services offerts par Bpifrance, de la Data partagée, un accès aux Pass French Tech et une visibilité lors d’opérations d’attractivité et de représentation de la French Tech à l’international.
Les Hubs “French Tech”
Les Hubs “French Tech” sont une autre initiative tout aussi importante pour les startups françaises qui ont pour ambition de s’implanter à l’étranger.
Obéissant à la même logique de promotion d’écosystèmes entrepreneuriaux, les Hubs “French Tech” sont de grandes métropoles internationales qui représentent des territoires majeurs de développement pour les start-up de la French Tech.
Ces métropoles reçoivent le label French Tech lorsqu’elles ont été reconnues pour avoir su mettre en place de manière durable des actions et programmes pour accélérer le développement des start-up françaises à l’international et renforcer l’attractivité de la French Tech auprès des entrepreneurs, investisseurs ou médias locaux.
Il existe aujourd’hui 22 hubs labellisés dans des villes stratégiques reconnus pour le dynamisme de leurs écosystèmes : New York, Israël, Tokyo, San Francisco, Montréal, Cape Town, Hong Kong, Moscou, Barcelone, Londres, Abidjan, Séoul, Berlin, Dubaï, Los Angeles, Milan, Pékin, São Paulo, Shanghaï, Shenzhen, Taïwan et Vietnam.
Le CES, salon de la visibilité pour la French Tech ?
Le Consumer Electronic Show de Las Vegas, événement internationalement reconnu où sont présentées les dernières innovations tech mondiales, est devenu, désormais chaque année, une formidable occasion pour la French Tech de mettre en avant les produits et services développées par les startups françaises les plus innovantes.
Dans l’édition de cette année, la Mission French Tech avait décidé de frapper très fort !
Elle a pu emmener avec elle une très grande délégation de jeunes startups labellisées French Tech à fort potentiel.
Leur nombre était d’ailleurs aussi élevé que les startups locales américaines (274 contre 289 à l’Eureka Park), alors que les chinoises n’étaient que 50, les britanniques 30 et les allemandes moins de 20.
Mais ce n’est pas forcément la quantité mais plutôt la qualité des startups françaises qui a retenu l’attention du jury et des spécialistes locaux: près d’une trentaine d’entre elles ont ainsi reçu plusieurs nominations dans les différents concours du CES 2018, dont deux ont été primées (Blue Frogs Robotics pour leur robot domestique Buddy et Lancey Energy Storage pour le premier radiateur électrique « intelligent »).
A noter que même si la présence française a été dispersée en une vingtaine de catégories, les startups françaises ont surtout retenu l’attention pour leur savoir faire et expertise dans le domaine de la maison connectée, de la santé et des transports.
French tech diversité : Pour les entrepreneurs des banlieues
Un autre programme très original et pertinent développé par la French Tech est le “French Tech Diversité ».
Proposé initialement par le gouvernement précédent, il a été repris et poussé par le nouveau secrétaire D’État Chargé du Numérique, Mr Mounir Mahjoubi.
Ce programme a pour ambition de changer la moyenne du profil-type du jeune entrepreneur français qui est, encore aujourd’hui, un jeune homme diplômé d’une grande école de commerce de catégorie socio-professionnelle supérieur.
Il s’adresse en particulier aux jeunes issus des quartiers défavorisés où le « love money » (capital de départ des entrepreneurs de quelques dizaines de milliers d’euros provenant en général de la famille ou de l’entourage proche) n’est pas possible.
Mounir Mahjoubi le rappelle d’ailleurs subtilement lorsqu’il dit : « Dans les familles French Tech Diversité, on a beaucoup de love, mais pas beaucoup d’argent ».
Le programme French Tech Diversité apporte un soutien financier de départ (phase amorçage) de 45.000 euros en plus d’un réseau de mentors et d’un accompagnement spécifique.
L’initiative French Tech est donc une démarche appuyée et soutenue par l’état français mais qui a la particularité d’être pilotée principalement par les entrepreneurs pour les entrepreneurs.
Que ce soit au niveau national qu’international, le principe d’écosystème trouve ici tout son sens.
Même s’il faut rester prudent et réaliste concernant le devenir des startups françaises (90% des start-ups échouent dans les premières années), et qu’il y‘a encore très peu de chances de voir émerger à court terme des licornes par dizaines comme aux États-Unis (les jeunes pousses tricolores ont tout de même réussi à lever près de 2 milliards d’euros en 2017 selon Capital Finance), l’idée derrière toutes les initiatives de la French Tech est avant tout de changer la culture française vis-vis de l’entrepreneuriat et de donner le goût et la capacité à tous de prendre des risques.
La démarche French Tech nécessitera du temps pour produire des résultats tangibles qui feront taire les critiques improductives et non constructives comme celle très virulente de Idriss Aberkane !
L’essentiel et le plus important aujourd’hui est de sortir la France de sa culture défaitiste et pessimiste pour développer enfin une dynamique d’écosystèmes et de réseaux qui soit positive et inclusive.
Couplée aux autres initiatives publiques et privées, elle permettra, à terme, de valoriser le potentiel d’innovation des entrepreneurs français qui est bien réel et qui existe aussi bien à l’échelle nationale qu’internationale.
→ Suite de l’article : Partie 7/8
à propos de l’auteur :
Omar Amrani est un entrepreneur passionné d’innovation et d’éducation.
Il est coach, formateur et consultant en innovation pour plusieurs structures publiques et privées au Maroc et en Afrique.
Il est aussi intervenant dans l’enseignement supérieur dans différentes écoles et universités à travers ses cours et séminaires “Culture de l’Innovation” et « Culture Scientifique ».
Vous pouvez suivre ses articles sur la page Facebook de son blog Chroniques du futur