Après l’ouie, la vue et le toucher, l’odorat est notre quatrième sens à pouvoir être bientôt augmenté grâce à la technologie.
De très récentes recherches scientifiques laissent en effet présager de formidables possibilités pour notre système olfactif dans les domaines de la médecine, de la sécurité, de l’éducation, et du divertissement…
Le nez électronique et ses incroyables possibilités
Le nez humain est une super machine capable de faire la différence entre pas moins de 1000 milliards d’odeurs différentes. Même si la plupart d’entre elles ne sont pas consciemment identifiables, il n’en reste pas moins que nous pouvons en reconnaître pas moins de 5000 différentes selon les individus.
Concrètement, ce sont les nombreux récepteurs situés dans la muqueuse olfactive de notre cavité nasale qui, lorsque liés aux molécules odorantes présentes dans notre environnement, induisent des stimulations électriques spécifiques à notre cerveau qui les analyse et les transforme en une sensation d’odeur .
C’est en se basant sur ce système naturel de reconnaissance des molécules que les chercheurs à travers le monde travaillent depuis des décennies à concevoir et améliorer les nez électroniques ou « e-noses ».
Comparaison entre le système olfactif humain et électronique.
Techniquement, un « e-nez » est équipé de plusieurs capteurs électroniques sensibles aux molécules gazeuses odorantes (composés organiques volatils) et d’un réseau de neurones artificiels (pour le traitement et la reconnaissance digitale des signaux électriques générés) se basant sur des algorithmes puissants.
Ces appareils permettent de détecter et d’analyser la plupart des odeurs présentes dans notre environnement, et cela, avec une très grande précision. Ils sont de plus en plus utilisés dans l’industrie cosmétique, agroalimentaire et pharmaceutique pour concevoir ou améliorer les produits destinés à la vente commerciale.
Avec les récents développements technologiques et scientifiques autour de l’odorat, d’autres secteurs comme la santé, l’environnement et la sécurité ont commencé eux aussi à s’y intéresser.
Santé : détecter les cancers de manière olfactive
Malgré sa complexité, l’odorat humain est considéré comme l’un des sens les moins performants du règne animal par rapport aux autres sens. On estime par exemple que le chien se servirait d’environ 40 fois plus de neurones que l’homme pour l’olfaction.
Cela est dû principalement à « l’organe de Jacobson » qui est présent chez la plupart des animaux mais atrophié chez l’humain. C’est grâce à ce dernier que les animaux détectent, à plusieurs kilomètres, les fameuses phéromones sexuelles.
De récentes études scientifiques ont même récemment confirmé que les chiens pouvaient « sentir » lorsqu’un humain est malade d’un cancer !
Cette surprenante capacité pourrait bien, un jour, via la technologie, être aussi accessible aux humains. C’est en tout cas ce que pensent de plus en plus les différents chercheurs à travers le monde qui travaillent sur ce sujet.
L’équipe israélienne de L’Institut de technologie de Haifa (Israel), par exemple, a publié très récemment une étude dans la revue American Chemical Society qui prouve qu’il était possible, via un dispositif électronique, de détecter 82% des cas de cancers de l’ovaire !
Leur objectif maintenant est de poursuivre leurs travaux pour se rapprocher d’un taux de 100% et de détecter d’autres formes de cancer.
Grâce à un nez électronique muni d’un capteur flexible nanométrique qui analyse l’haleine des patients, les chercheurs israéliens sont capables de dépister les cancers !
Quand on connait l’importance du rôle du diagnostic précoce dans le traitement des cancers, on ne peut qu’être enthousiaste devant cette avancée scientifique majeure.
Sécurité : Sentir ce qui est dangereux
L’utilité évolutive du nez humain fait que nous ressentons souvent une odeur nauséabonde lorsqu’un aliment ou une substance représente un risque pour notre santé.
Il existe cependant certaines mauvaises odeurs dans notre environnement qui sont à trop faible intensité pour être décelées par notre système olfactif.
Il est par exemple impossible de savoir si une eau est impropre à la consommation malgré l’odeur dégagée par les microorganismes qu’elle peut contenir. Il en va de même pour les odeurs d’un système explosif (bombe par exemple) pourtant décelables par l’odorat de certains chiens de détection.
Selon CORDIS, la communauté de recherche et de développement de la Commission Européenne, de nombreux chercheurs à travers le monde travaillent activement sur des nano-bio-capteurs combinant cellules vivantes et puces électroniques. Ces dispositifs permettront, dans les années à venir, de déceler facilement et rapidement, toute odeur potentiellement dangereuse grâce à sa signature olfactive spécifique.
Les chiens de détection dans les aéroports et les zones à risque pourraient bien céder leur place à nos nez bioniques dans le futur…
Éducation et Divertissement : enregistrer et diffuser les odeurs !
Le professeur Takamichi Nakamoto de la prestigieuse Tokyo Institute of Technology, lui aussi spécialiste des bio-capteurs électroniques, prédit que ces derniers seront aussi bientôt utilisés dans les milieux éducatifs et du divertissement.
Il a lui-même développé plusieurs gadgets surprenants dont le plus spectaculaire est certainement l’enregistreur d’odeur.
Cet ingénieux appareil permet non seulement d’enregistrer une odeur grâce à un système perfectionné de capteurs intelligents mais peut aussi la reproduire grâce à une combinaison astucieuse de solutions chimiques contenus dans des mini-flacons et reliés au réseau de neurones artificiels d’un ordinateur.
Avec ce système, chaque odeur possède ainsi une véritable empreinte olfactive digitale qui peut être reproductible et transmise par le moyen de différents objets connectés (télévision, internet, téléphone, etc.).
Dans l’industrie du divertissement, de plus en plus de cinémas high-tech proposent des expériences cinématographiques augmentées en stimulant tous nos sens (visuels, auditifs, oflactifs, etc.) en fonction des scènes et de l’environnement du film.
Avec la miniaturisation croissante des composants électroniques, nous devrions même bientôt voir arriver ce type de technologies chez nous, à la maison.
Télévisions, ordinateurs, casques de réalité virtuelle et même téléphones pourront bientôt eux aussi nous générer des odeurs virtuellement en fonction des contextes.
Ressentir l’odeur de ce que l’on voit à l’écran de son ordinateur ! une expérience bientôt disponible avec les enregistreurs d’odeurs connectés.
Des startups se sont d’ailleurs déjà lancés dans ce juteux marché de l’expérience sensorielle ludique comme on le voit dans la vidéo ci-dessous avec le FeelReal, un casque de réalité virtuelle assez prometteur :
Le professeur voit aussi un grand potentiel de ce type de dispositif dans le domaine de l’apprentissage. Il a en effet été scientifiquement prouvé que la mémoire olfactive joue un plus grand rôle dans le processus de mémorisation que les autres types de mémoire (visuelle et auditive notamment).
Une personne apprenant l’anglais retiendra beaucoup plus facilement le mot « apple » s’il sent l’odeur d’une pomme en même temps qu’il apprend le mot par processus visuel (lire un texte) ou sonore (entendre le mot).
La technologie bionique du sens de l’odorat est, comparativement à celle des sens de la vue et de l’ouïe, encore à son stade embryonnaire. Devant les formidables possibilités qu’elle offre, la science de l’odorat a un grand avenir devant elle (lire à ce sujet l’excellent dossier réalisé par Kate Fox pour en savoir plus à ce sujet).
Avec des développements scientifiques qui s’accélèrent chaque jour autour de ce nouvel axe de recherche, il ne faudra certainement pas attendre très longtemps avant que des chercheurs puissent concevoir des dispositifs ultra miniaturisés pouvant s’insérer dans notre nez afin d’augmenter nos capacités olfactives !
Cela nous permettra de mieux nous prémunir contre tous les dangers de notre environnement tout en enrichissant nos expériences sensorielles. L’odorat n’étant pas simplement un phénomène biologique et psychologique. Il est aussi et surtout social et culturel…
Lire la suite du dossier : 8/10
Omar Amrani.