Le Roi Mohammed VI a prononcé ce lundi un discours à la Nation, à l’occasion du 48ème anniversaire de la marche verte, qui une nouvelle fois, apporte à la fois des réponses précises aux questions du moment et des orientations claires pour l’avenir du pays.
D’abord, le Souverain révèle, argumente et justifie les bases d’une doctrine nouvelle, celle d’un Maroc atlantique. Cette doctrine est en réalité le leg concret de la marche verte, qui en rendant au Maroc son intégrité territoriale, lui a permis de jouir pleinement de son interface atlantique. Celle-ci se décline concrètement par différentes facettes d’un développement déjà acté et en cours, mais accru du pays sur son littoral atlantique, avec plus d’infrastructures, une politique touristique volontariste, le soutien aux énergies renouvelables… Mais, le discours royal présente aussi des pistes nouvelles et ambitieuses, comme lorsqu’il évoque le besoin de « de réfléchir à la constitution d’une flotte nationale de marine marchande, forte et compétitive » ou encore « la prospection poussée des ressources naturelles offshore ». De quoi certainement alimenter de nouvelles conversations à Bruxelles et Madrid avec nos partenaires européens, sur la question des accords de pêche notamment.
L’autre pilier de cette doctrine atlantique réside dans le rôle et la place que le Maroc veut avoir au sein de son continent africain. Fort de son histoire et d’un volontarisme diplomatique et économique avec les « frères africains » que cite le Souverain, le Maroc vise la création d’une interface atlantique africaine intégrée, basée sur le co-développement commun de ses membres et dont d’ailleurs, le gazoduc Maroc-Nigéria est le porte étendard.
Ce que propose le Maroc, c’est une intégration régionale poussée en mesure de garantir à la fois le développement des pays de la bande atlantique, mais aussi par ricochet, ceux du Sahel qui n’ont pas accès à l’Atlantique.
A ce stade, la dimension géopolitique du discours royal prend le pas sur le volet de l’économie et du développement. Le fait même que le Souverain exprime une volonté aussi détaillée d’avancer vers une intégration atlantique, indique que le Maroc compte bien régler rapidement la question du Sahara. Cela signifie aussi que le Maroc cherche à se développer vers l’ouest et le sud mais exclu l’est, dont l’interface algérienne ne présente pas de perspectives possibles à ce stade. De même, alors que la France voit son influence et sa présence en Afrique subsaharienne et de l’Ouest s’amenuir, le Maroc peut être non pas un concurrent, mais un réel pont nécessaire entre Paris et l’Afrique, dans une relation triangulaire plus équilibrée avec le Maroc pour trait d’union. D’ailleurs, le Roi Mohammed VI évoque à plusieurs reprises les relations de bon voisinage avec l’Europe et marque ainsi une posture de partenaire lorsqu’il fait référence à l’arrimage avec le continent européen sur la façade méditerranéenne ou l’approvisionnement énergétique « sûre » (sic) dont bénéficieraient les partenaires européens. Mais, il insiste aussi par ailleurs sur le fait qu’une approche militaire et sécuritaire des enjeux au Sahel ne peut être la seule solution et marque cette fois le différentiel de compréhension et d’appréhension des spécificités africaines, que le Maroc est en mesure d’aborder avec plus de nuances.
Enfin, ce discours apporte aussi des réponses au contexte actuel que le Roi Mohammed VI qualifie de « monde fortement agité ». En projetant le peuple marocain dans un avenir où la façade atlantique du pays est davantage exploitée et développée, avec une interface et une continuité continentale africaine, et en liant cette perspective à l’intégrité territoriale de la Nation, le Souverain appelle les Marocains à maintenir le cap en gardant les enjeux à l’esprit. Le sérieux qui est attendu par le Roi est clairement exprimé comme une incitation à la mobilisation pour atteindre les objectifs communs de développement de notre pays, sans incrimination aucune. C’est aussi un nouveau prisme par lequel le Maroc se présente et qui en soi est une forme de réponse à la situation géopolitique mondiale. Le Maroc atlantique et africain vient étoffer les dimensions musulmane, arabe et berbère de notre identité plurielle.
Zouhair Yata