4ème séance du colloque national de "la femme, la famille et le pari du développement", organisé à Rabat
Par Selim Benabdelkhalek
Les 9 et 10 février 2022 s’est tenu à Rabat le premier colloque national sur «la femme, la famille et le pari du développement», avec pour objectif d’ouvrir un large débat entre acteurs institutionnels et société civile.
Organisé à l’initiative du ministère de la Solidarité, de l’insertion sociale et de la famille, ce colloque de deux jours visait à mettre en évidence les enjeux et les défis de la promotion de la situation de la femme et de la famille et de leur pleine participation à tous les domaines de développement et d’échanger sur les meilleurs moyens pour relever ces défis et préconiser des propositions sur les questions traitées.
Le colloque a été notamment marqué par la présentation des résultats d’une étude menée par le CESE auprès de femmes marocaines, sur «la participation des femmes au développement».
Des blocages à de multiples niveaux
Ainsi, s’agissant de l’égalité homme/femme, près de 71% des participants estiment que le principal obstacle à sa réalisation réside dans les mentalités et les idées sociales et culturelles dominantes, suivies par la «vulnérabilité économique des femmes» (54%) ainsi que la «faible représentation des femmes dans les postes de responsabilité» (49%) et le «cadre légal» (38%), a relevé M. Ahmed Reda Chami, Président du CESE. En relation avec les principaux obstacles qui empêchent les femmes d’être économiquement autonomes, la majorité des répondants (71%) placent au premier plan la prédominance persistante de la mentalité masculine dans les relations avec les femmes, suivie des diverses formes de discrimination dans le domaine professionnel (51%), les difficultés d’accès à l’éducation et à la formation (43%), les obligations et charges ménagères (42%) ainsi que les risques pour la sécurité des femmes dans le lieu de travail (36%). De même, la violence verbale ou les actions ou agissements inappropriés viennent en premier lieu, selon les opinions des participantes et participants (63%), suivis du harcèlement sexuel (61%), a expliqué M. Chami, notant que pour près de la moitié des femmes et hommes participants, les espaces dans lesquels les femmes sont les plus exposées aux manifestations de violence sont le domicile, les lieux publics, les sites de réseautage social et le monde virtuel en général, ainsi que les moyens de transport et les lieux de travail.
Aussi, les personnes sondées considèrent comme une nécessité d’accorder une attention particulière pour permettre aux femmes de participer pleinement au développement et à la lutte contre les stéréotypes qui dégradent le statut des femmes dans la société (71%), suivie par l’autonomisation économique et financière des femmes (63%), le renforcement du cadre juridique et institutionnel à même de concrétiser le principe d’égalité entre les femmes et les hommes (59%), en plus de renforcer les conditions de sécurité des femmes à la maison, dans les espaces publics et dans les lieux de travail (58% des opinions). Les facteurs culturels constituent un obstacle majeur à la réalisation de l’égalité homme-femme et empêchent l’autonomisation des femmes, selon les résultats de cette consultation, confirmant ainsi les diagnostics et constats du CESE dans ses rapports et avis. Le Conseil relève qu’aucun progrès ne peut être réalisé sans lever les restrictions et les barrières culturelles qui entravent la voie vers la promotion du statut de la femme, car construire une société moderne, inclusive et dynamique nécessite de faire face aux stéréotypes, qui dégradent la dignité des femmes.
De nombreuses recommandations
Dans la foulée du colloque, un rapport de synthèse préliminaire a été présenté, regroupant des résultats et recommandations. Dans le domaine de la famille et des canaux d’initiation sociale, les recommandations de ce colloque ont porté sur la consolidation des valeurs et de la culture des droits et obligations, notamment à travers l’intensification de la prise en charge des familles, en vue d’en faire un espace d’ouverture et d’éducation aux valeurs et garantir la protection contre la violence et la discrimination, en plus de consacrer le rôle de la famille dans le renforcement de l’égalité et les normes de protection sociale, ainsi que la solidarité intergénérationnelle. Les recommandations ont également porté sur le renforcement des programmes d’éducation civique dans les écoles primaires, secondaires et les lycées, de manière à ancrer dans les esprits des enfants les principes d’égalité entre la femme et l’homme, en plus d’adopter les moyens appropriés pour s’initier à l’éducation sexuelle, ainsi que d’alléger les charges familiales, à travers le renforcement de la protection sociale des individus et la création d’alternatives à la prise en charge familiale.
Il s’agit aussi de renforcer la cadre législatif propre au harcèlement moral et sexuel à l’égard des femmes dans l’espace public et sur le lieu du travail, ainsi que de garantir le droit à la vie privée et soulever les défis relatifs à la protection des données à caractère personnel à la lumière de l’évolution technologique, en plus de prêter attention au domaine de l’éducation numérique et sensibiliser de ses dangers sur la vie de l’individu et de la famille. Au niveau de la justice spatiale, le rapport de synthèse préliminaire a mis l’accent sur la nécessité de renforcer le rôle de la famille en tant que partenaire dans l’opération éducative, notamment dans le soutien de la scolarisation des filles rurales et la garantie de la qualité des enseignements, en plus de la réalisation de l’obligation scolaire. Selon le texte, les débats relatifs à l’autonomisation et au leadership et leur relation avec l’enjeu de développement ont été marqués par la proposition de recommandations générales et autres liées à l’autonomisation politique, économique et au leadership, ajoutant que les différentes interventions dans de domaines ont souligné que le développement ne se limite pas à la croissance économique et à la jouissance matérielle, mais c’est plutôt un acte humain significatif visant à élargir les choix de la personne, et que le droit au développement regroupe les droits civiques, politiques, sociaux, culturels et environnementaux.
Dans le domaine de la protection sociale et sociétale, et des mécanismes de mise en œuvre, le rapport a aussi appelé à adopter et activer les politiques publiques qui concernent la protection sociale de la famille et de ses composantes, la reconnaissance des enfants conçus en dehors du cadre du mariage, dans l’intérêt supérieur de l’enfant, prendre en compte le problème de partage des biens après le mariage, tout en mettant l’accent sur l’impératif de réformer la Moudouwana, en vue de protéger la famille et assurer sa cohésion, en plus d’incriminer le mariage des mineures.
Ces recommandations, selon les principales priorités, ont mis l’accent sur la nécessité pour le gouvernement de s’engager à un programme clair et réalisable, doté d’un budget conséquent, pour faire de la famille un noyau de stabilité, et la femme un élément actif dans la société, et de s’intéresser à la dimension culturelle, en plus d’activer la protection sociale selon une perspective d’égalité, ainsi que d’accorder une attention particulière à l’autonomisation de la femme au niveau économique, financier et de développement. Intervenant à cette occasion, la ministre de la Solidarité, de l’insertion sociale et de la famille, Mme Aawatif Hayar a souligné que ce rapport de synthèse préliminaire relatif au 1er colloque national sur «la femme, la famille et le pari du développement» restera ouvert pendant quelques semaines afin d’y inclure d’autres recommandations, en vue d’élaborer, par la suite, le rapport de synthèse final.