Des manifestants défendant l'unité de l'Espagne manifestent à Barcelone le 8 octobre 2017 © AFP JORGE GUERRERO
Barcelone – Des milliers d’Espagnols de Catalogne et d’ailleurs ont envahi dimanche les rues de Barcelone pour manifester leur hostilité à l’indépendance de la région, une semaine après le référendum d’autodétermination interdit qui a déclenché une crise politique sans précédent en Espagne depuis 40 ans.
Ils répondent à l’appel d’un collectif anti-indépendantiste dont le mot d’ordre est « Ca suffit! Retrouvons la sagesse », et se voient comme la « majorité silencieuse » qui n’a pas eu voix au chapitre depuis que les autorités indépendantistes ont organisé le scrutin.
Estimant l’avoir emporté avec 90,18% de « oui » à l’indépendance, les séparatistes menacent de faire sécession dans les jours qui viennent.
Car, selon les sondages, si la majorité des Catalans réclament un référendum en bonne et due forme, un peu plus de la moitié sont opposés à l’indépendance de leur région. « Nous ne voulons pas d’indépendance. Nous nous taisons depuis trop longtemps », expliquait à l’AFP Alejandro Marcos, peintre en bâtiment de 44 ans venu de Badalona, en banlieue de Barcelone.
Pour l’heure, l’impasse est totale entre le chef du gouvernement conservateur Mariano Rajoy et les autorités séparatistes.
Le leader catalan Carles Puigdemont réclame une « médiation internationale ». Mais Mariano Rajoy n’envisage pas de dialogue tant que les séparatistes n’auront pas retiré leur menace de rupture.
« Ce que je souhaite, c’est que la menace de déclaration d’indépendance soit retirée le plus rapidement possible » car « on ne peut rien construire si la menace contre l’unité nationale ne disparaît pas », a-t-il déclaré au quotidien El Pais dimanche.
Le rassemblement de Barcelone est soutenu par le Parti conservateur de Mariano Rajoy, le Parti socialiste catalan et Ciudadanos, principal force d’opposition aux indépendantistes en Catalogne. A Barcelone en milieu de matinée, de très nombreuses personnes arrivaient d’autres régions d’Espagne, y compris de Madrid où deux manifestations avaient déjà rassemblé samedi des dizaines de milliers d’Espagnols, l’une pour « l’unité » de l’Espagne, l’autre pour le « dialogue » entre les Catalans et le reste du pays.
Mario Vargas Llosa, prix Nobel de littérature, de nationalité péruvienne et espagnole, y fera aussi un discours.
« Une déclaration unilatérale (d’indépendance) ferait voler le pays en éclats », expliquait dans le quotidien ABC Mariano Gomà, le président de Societat Civil Catalana, association anti-indépendantiste qui organisait la manifestation.
– ‘Je n’écarte rien’ –
Mariano Rajoy de son côté a brandi la menace d’une suspension de l’autonomie de la région, une mesure jamais appliquée dans cette monarchie parlementaire extrêmement décentralisée, qui pourrait aussi provoquer des troubles en Catalogne.
Il lance au passage un appel aux nationalistes catalans les plus modérés, pour qu’ils s’éloignent des « radicaux » de la CUP (Candidature d’unité populaire, extrême gauche) avec lesquels ils se sont alliés pour disposer d’une majorité au Parlement catalan. « Je n’écarte rien », dit-il au journal qui l’interroge sur l’application de l’article 155 de la Constitution permettant cette suspension.
L’appel coïncide avec le départ de plusieurs grandes entreprises catalanes, qui pourrait aussi semer le doute chez certains nationalistes conservateurs dont elles sont proches.
Une quinzaine de sociétés, dont les banques centenaires CaixaBank et Banco de Sabadell, ont décidé depuis jeudi de transférer leurs sièges sociaux hors de Catalogne, qui représente 19% du PIB espagnol.
Les entreprises basées en Catalogne « sont très inquiètes, terriblement inquiètes. Jamais nous n’aurions cru qu’on en arriverait à ce point », déclarait au quotidien conservateur ABC Juan Rosell, président de CEOE, principale organisation patronale espagnole.
L’indépendantisme gagne du terrain en Catalogne depuis 2010, alimenté par la crise économique et l’annulation partielle d’un Statut d’autonomie qui conférait d’encore plus larges compétences à la région, gérant déjà sa police, son système de santé, son éducation…
La crise, larvée, est cependant d’une intensité sans précédent depuis l’organisation par les dirigeants séparatistes de Catalogne de cette consultation interdite par la justice, un scrutin qui a été émaillé de violences policières dont les images ont fait le tour du monde.
Selon l’exécutif catalan, 2,04 millions de personnes ont voté « oui » à l’indépendance le 1er octobre, avec une participation de 43%, en vertu de résultats invérifiables vu l’absence de commission électorale neutre.
De timides gestes d’apaisement étaient apparus localement en fin de semaine dont on ignore s’ils seront finalement suivis du moindre effet.
Le préfet, représentant du gouvernement Catalogne, a pour la première fois présenté des excuses au nom des forces de l’ordre pour les violences policières. Le président régional Carles Puigdemont a lui annoncé qu’il repoussait son intervention devant le Parlement catalan, prévue lundi.
Les séparatistes envisageaient d’y prononcer une déclaration d’indépendance unilatérale. Pour la nouvelle séance prévue mardi à 18h00 locales (16h00 GMT), l’ordre du jour porte simplement sur la « situation politique », laissant planer le doute.
LNT avec AFP