Le boycott de plusieurs grandes marques de produits de consommation courante, eau minérale, carburants et produits laitiers en est à son quinzième jour et on ne peut s’empêcher de s’interroger sur la relative passivité des entreprises en question, ce qui donne la pénible impression qu’elles ont laissé le champ libre à leurs détracteurs anonymes.
En effet, hormis Centrale Danone qui s’est fendu d’un communiqué laconique établissant quelques vérités sur le circuit du lait et ses prix, mais aussi condamnant les propos de l’un de ses hauts cadres lors du SIAM, c’est apparemment le silence radio sur toute la ligne !
Et comme chacun sait, la nature ayant horreur du vide, la béance créée par l’absence de réaction des marques incriminées laisse le champ libre, à la fois aux déclarations « averties » d’experts qui n’en savent mais, aux « enquêtes » à la va-vite sur quelques parkings de stations-services, aux propos en « off » de responsables de second rang qui ne veulent pas s’afficher ouvertement ou encore aux spécialistes de la communication qui s’expriment surtout pour vanter leurs propres mérites et compétences…
Comment comprendre et expliquer cette passivité, alors que de nombreux citoyens, y compris ceux qui s’associent au boycott par une adhésion spontanée à ce qu’ils croient être un mouvement protestataire porté par les réseaux sociaux, manquent cruellement d’informations crédibles, d’éléments comparatifs, mais aussi d’arguments fondés pour étayer leurs jugements ?
Comment accepter l’absence de réaction des grands groupes concernés alors qu’il est très facile de comprendre qu’à l’origine du boycott, il n’y a rien d’autre qu’une démarche aux objectifs politiques et économiques déstabilisateurs, rondement menée par des officines hautement compétentes dans l’activisme sur les réseaux sociaux ?
Car, s’il faut effectivement prendre en considération le sentiment d’injustice, de frustration et de refus contre la vie chère qui s’est fortement matérialisé par l’adhésion de centaines de milliers de « fans » de Facebook aux groupes instaurant le boycott, il n’est pas pour autant acceptable que l’angélisme des protestataires, l’indignation spontanée si présente parmi la jeunesse soient manipulées par des spécialistes des « fake news » et de la charge anonyme sur Internet.
Il y a donc, à l’évidence, plusieurs types de réponses à apporter, mais c’est incontestablement le momentum de la « contre-offensive » qui constitue le point central de la problématique.
S’agit-il de gérer la crise ainsi établie en menant dans les délais les plus brefs une vigoureuse campagne de mises au point, de communiqués et de présentation d’éléments convaincants pour démonter les arguments des détracteurs zélés, mais anonymes ?
Faut-il également employer les mêmes canaux et circuits en mobilisant par Facebook interposé notamment, des communautés de fans issus des entreprises elles-mêmes, de leurs employés, de leurs familles, lesquelles, peu ou prou, pourraient être affectées si le boycott venait à s’amplifier et à durer ?
Il n’est sans doute pas imaginable que les dirigeants des groupes touchés par la crise actuelle ne sont pas aujourd’hui dans la réflexion stratégique sur les voies et moyens de contrer l’offensive diffamatoire qui est menée contre eux.
S’il paraît évident que les « réponses politiques » qui furent apportées dès les premières heures de la campagne de boycott ont eu l’exact effet contraire que celui recherché par leurs auteurs, il semble tout aussi logique que les réponses qui pourraient et devraient être apportées soient articulées autour d’arguments sur les marques elles-mêmes, les produits commercialisés, les comparatifs de prix, l’apport à l’économie nationale, à l’emploi, etc.
C’est donc la stratégie de réponse aux attentes des consommateurs, des clients, des citoyens qui doit primer, sachant que la grande majorité des citoyens est, incontestablement, fortement interpellée par les symboles et les personnalités mises en cause par la campagne de boycott.
Car, in fine, les consommateurs, quels qu’ils soient, sont les vrais prescripteurs aujourd’hui et la viralité d’Internet constitue leur meilleur atout.
C’est exactement pour cela que les « brigades masquées » ont utilisé Facebook pour charger leurs adversaires.
Où, quand, comment, telles sont les conjonctions qui détermineront la stratégie des groupes concernés, sachant qu’il y aura, le moment voulu par eux, une réponse à cette offensive anonyme.
Les citoyens protestataires, la jeunesse qui fait des réseaux sociaux son seul exutoire et son mode de communication privilégié, auront, tôt ou tard, des réponses qui se voudront convaincantes, sans doute lorsque le « buzz » sera un peu retombé…
Les auteurs cachés de la campagne, dont l’anonymat ne sera peut-être pas si difficile à mettre à bas, auront eux aussi une réponse, mais sans doute sera-t-elle ciblée et fortement différente de celle que les honnêtes citoyens, légitimement affectés par les injustices sociales, la cherté de la vie et les disparités de revenus, sont en droit d’obtenir…
Fahd YATA