Les Canadiens ont abandonné leur réserve après les attaques personnelles lancées par Donald Trump à l'encontre du Premier ministre Justin Trudeau, dans la foulée du sommet du G7 au Québec © AFP/Archives SAUL LOEB
Les attaques répétées de Donald Trump contre le Canada ont déclenché une vague d’indignation chez son voisin du Nord avec des appels répétés à boycotter les produits importés des Etats-Unis, voire à doter Ottawa de l’arme nucléaire.
D’ordinaire consensuels et habitués aux sauts d’humeur du président américain, les Canadiens ont abandonné leur réserve après l’imposition de taxes douanières sur l’acier et l’aluminium et surtout les attaques personnelles lancées par M. Trump, et certains de ses proches conseillers, à l’encontre du Premier ministre Justin Trudeau, dans la foulée du sommet du G7 au Québec.
Dans un rare élan patriotique, les députés fédéraux, toutes formations politiques confondues, ont appelé la semaine dernière à faire corps derrière leur chef de gouvernement dans une motion unanime adoptée au Parlement.
Et alors que l’imprévisible milliardaire républicain menace de pénaliser le secteur automobile canadien, les appels à boycotter les produits américains se sont multipliés au Canada et sur les réseaux sociaux avec les mots-clés #BoycottUSA et #BuyCanadian (achetez canadien), encourageant à ne plus acheter de ketchup, de café ou de véhicules produits aux États-Unis, ou appelant à passer ses vacances au Canada avec #VacationCanada.
« Rien que d’apercevoir le drapeau américain à la frontière me rendrait malade. Mon argent de touriste va rester à l’extérieur des États-Unis », a lancé sur Twitter Tracey Hirsch, habitante de Vancouver.
D’autres internautes canadiens ont publié des images de « chariots de supermarché garantis sans Trump », revendiquant fièrement d’avoir payé deux fois plus cher pour des fraises canadiennes plutôt qu’importées des États-Unis… ou d’avoir mis deux fois plus de temps à faire leurs courses pour vérifier que rien n’est américain.
Mais l’impact économique des appels au boycott est, pour l’instant, difficile à mesurer.
– Dissuasion nucléaire –
Ce mouvement a même ses soutiens aux États-Unis. « Je suis Américain mais je vais prendre mes vacances au #Canada cette année pour démontrer notre soutien à nos bons amis et nos voisins du Nord #BuyCanadian », s’est targué Joe Wos, auteur de BD de Pittsburgh, sur Twitter.
Les États-Unis et le Canada ont échangé près de 2 milliards de dollars américains de biens et services chaque jour en 2017, et Washington a dégagé un léger surplus de 8,4 millions dollars américains, selon les autorités américaines. La première puissance économique de la planète est également la destination favorite des vacanciers canadiens.
Face à cette interdépendance, il faut prendre garde « aux réponses décidées sous le coup de l’émotion », a averti Ken Wong, professeur à l’école de commerce de l’université Queen’s de Kingston (Ontario, centre), craignant que cela ne dégénère en une réelle guerre commerciale qui « blesse tout le monde », mais « fait le jeu de Donald Trump ».
« Est-ce qu’un boycott est faisable? Oui. Est-ce recommandable? Sans doute que non », a-t-il résumé à l’AFP, rappelant que 75% des exportations canadiennes vont aux Etats-Unis.
« L’administration Trump utilise l’incertitude comme une nouvelle arme commerciale », a remarqué dans un rapport l’institut C.D. Howe, think tank conservateur qui conseille notamment la Banque centrale canadienne.
D’autant qu’après le fiasco du G7, effarouché par le fait que M. Trudeau ait averti que le Canada « ne se laisserait pas bousculer » par les velléités protectionnistes américaines, Donald Trump a affirmé que cette attitude de défiance allait « coûter très cher » au Canada.
« Donc, si le président insiste pour vous frapper en plein visage et pour manger votre repas, pourquoi devriez-vous continuer à prétendre qu’il est toujours un grand voisin et aller dépenser votre temps et votre argent chez lui », s’interroge dans le Toronto Star Mark Bulgutch, de l’université Ryerson.
Certains vont même plus loin et se demandent si le Canada ne devrait pas envisager la dissuasion nucléaire face à un imprévisible voisin avec qui il partage la plus longue frontière démilitarisée de la planète (environ 9.000 km).
« Nous avons l’uranium, la connaissance et l’envie soudaine d’être respecté par notre voisin le plus proche », a récemment plaidé le National Post –l’un des quotidiens canadiens de référence– en appelant Ottawa à développer sa propre arme nucléaire, ce qui marquerait un profond changement de paradigme dans le pays qui a inventé le concept des « Casques bleus » pour maintenir la paix.
LNT avec Afp