L’Assurance Maladie Obligatoire, AMO, a été mise en place par la CNSS en 2005. A partir de cette date, toutes les entreprises devenaient redevables envers la Caisse de sécurité sociale de souscrire à l’AMO pour tous leurs salariés.
Une exception pour une durée de 5 ans, avait été accordée à ceux qui étaient assurés pour la maladie dans le secteur privé des assurances.
A terme échu, les entreprises devaient basculer vers la CNSS. Mais aujourd’hui, 12 ans après, ce n’est toujours pas le cas !
Pourquoi ? Quelles conséquences pour la CNSS et les compagnies d’assurances prestataires de cette couverture sociale d’importance ?
Car l’enjeu est non seulement de permettre aux salariés de se soigner, mais aussi de garantir une médecine préventive de qualité, une prise en charge solide des maladies longue durée et, in fine, de préserver le pouvoir d’achat des assurés.
Une migration inéluctable
Pour les compagnies d’assurances, le basculement de la couverture maladie vers la CNSS dépendait de son aptitude à accueillir la totalité des salariés affiliés dans le privé.
On rappellera que la CNSS assure les salariés du privé tandis que ceux du public sont pris en charge par la CNOPS.
Pour autant, il n’est certainement pas dans l’intérêt des compagnies d’assurances que ce basculement soit effectif.
En effet, Il faut savoir que l’assurance santé est un produit d’appel, captif pour les autres branches et couvertures. En outre, le secteur des assurances, compagnies, courtiers et agents, dispose depuis longtemps un produit d’assurance dédié à la maladie, fruit d’une bonne organisation et d’une spécialisation dans la prestation de cette couverture.
Tout basculement entraînerait une réorganisation des services de ces compagnies, avec une réduction de leurs effectifs
L’écosystème de l’assurance maladie n’a donc aucun intérêt à une telle migration de ses assurés vers l’AMO.
Pourtant, c’est un texte de loi, incontournable donc qui prévoit cette nécessité inéluctable !
En 2013, la Fédération des Assurances s’était associée à un cabinet spécialisé pour étudier la concrétisation du transfert de la prestation maladie à la CNSS, sous la pression du ministère de la santé et sa responsable à l ‘époque, Mme Yasmina Baddou.
Après son départ, son successeur M. El Ouardi, toujours en charge de ce portefeuille, n’a plus remis ce chantier à l’ordre du jour et un réel coup d’arrêt a été porté aux travaux préliminaires de la Fédération des assurances.
Etant donné ce statu quo, alors l’assurance maladie continue d’être partagée entre la CNSS et le privé, il nous a paru intéressant de comparer ces deux régimes à partir de leurs taux de cotisations, du niveau de remboursement et de la qualité du service rendu aux affiliés en termes de rapidement de règlement et de traitement des dossiers maladies.
Même si tous les opérateurs de l’assurance maladie, CNSS ou compagnies d’assurances, s’accordent sur le constat que ce service est loin d’être rentable mais bien au contraire déficitaire.
Entre les deux, mon cœur balance…
Sur le plan opérationnel donc, notre enquête nous a permis de comprendre qu’il y a deux régimes d’assurance maladie qui se côtoient, celui de la CNSS (AMO) et l’autre des compagnies d’assurances.
Hormis l’obligation d’assurer leurs salariés, aucune autre obligation n’est faite aux entreprises par la loi d’un seuil minimum, ni d’une antériorité de la maladie à couvrir. Sachant qu’une grande partie des salariés ne bénéficiait pas de la couverture maladie et que peu d’entreprises la servaient à tous leurs salariés et que parfois même, elle était réservée aux seuls cadres en tant qu’avantage lié à leur rang, l’introduction de l’obligation de couvrir la totalité des salariés a supplanté toutes autres considérations.
L’AMO imposée par la CNSS a été importante par la généralisation de la protection sociale et de la prévention médicale à tous les salariés.
En conséquence, les compagnies privées proposent à leurs clients des contrats d’assurance maladie « sur mesure » pour satisfaire des demandes précises.
Leur niveau de remboursement diffère selon la catégorie des couvertures maladie, du basique à celle de luxe.
Les couvertures sont en fonction des budgets des entreprises et des contrats qu’elles souscrivent pour le compte de leurs salariés. Et ce, nonobstant le fait que toutes les entreprises affiliées à la CNSS supportent déjà une cotisation obligatoire à la CNSS, dite de solidarité, de 1,85% sur les salaires bruts.
C’est compte tenu de ce taux que les contrats en question sont négociés avec les compagnies, les entreprises exigeant par ailleurs de ne pas dépasser le taux de cotisation appliqué par la CNSS pour l’AMO de 4, 52%, soit 6,37% (qui inclut le taux de solidarité).
Le taux de cotisation est l’un des éléments importants des contrats négociés par les entreprises avec les assureurs privés. Il semblerait même que le taux appliqué pour l’AMO, soit, 6,37%, soit généralement plus élevé que les taux accordés par les assurances privées aux entreprises pour la couverture maladie.
La CNSS, dans son rôle social, couvre aujourd’hui toutes les maladies sans distinction, ni antériorité, tout en ne réglant pas les frais médicaux y afférents à 100%. Ses remboursements sont basés sur un tarif, le TNR, (tarif national de référence), qui est réglementé et donc avec force de loi. Il édicte le prix des médicaments, des consultations, des actes médicaux, des cliniques, etc.
La CNSS ne prend pas en compte les déboursements effectifs engagés par les assurés, elle rembourse sur la base de son TNR auquel elle applique un taux de 70%.
Le plus du privé
Et c’est à ce niveau que se positionnent les assurances privées qui remboursent entre 80 et 100% des frais réellement engagés par les malades salariés.
Enfin, l’on sait que la CNSS assure par l’AMO 55% des salariés contre 45% pour les compagnies d’assurances. Mais en montant de prestations, ces pourcentages s’inversent. Le privé détient plus que la moitié des volumes du total des cotisations et ce malgré que le taux de cotisation de la CNSS soit de 6,37% et celui du privé en moyenne de 3%.
Toutefois, la maladie fait quand même l’objet d’une concurrence entre les compagnes.
20% des clients tournent entre les compagnies, ce qui altère la stabilité des portefeuilles. Les courtiers et agents d’assurance jouent un grand rôle dans les changements d’une compagnie à une autre. Ils incitent les clients à résilier leurs contrats d’assurance maladie pour renégocier avec les compagnies.
Ces dernières, quant à elles, tiennent à conserver leurs assurés dans la perspective éventuelle d’une migration vers l’AMO, et donc la possibilité de leur proposer une assurance maladie complémentaire.
Afifa Dassouli