L'ingénieur brésilien Aurelio Souza (c) participe à l'installation d'une pompe à eau actionnée par énergie solaire, le 20 septembre 2017 à Volta do Bucho, en Amazonie © AFP CARL DE SOUZA
« L’Amazonie est la dernière frontière de l’énergie au Brésil », observe Aurelio Souza, ingénieur brésilien qui installe des panneaux solaires pour permettre aux villages isolés de ne plus dépendre de groupes électrogènes.
« Au moins deux millions d’habitants de la région n’ont pas accès à l’énergie moderne », insiste le responsable de ce projet mené par le Fonds mondial pour la nature (WWF) et l’agence environnementale brésilienne ICMBio.
A part améliorer le quotidien des villageois, l’installation des panneaux solaires, sur le toit de l’école et d’autres bâtiments publics, a aussi pour but de préserver le « poumon de la planète », déjà malmené par la déforestation.
Dans les petits villages qui bordent les rivières Ituxi et Purus, dans l’ouest de l’Amazonie, les petits agriculteurs vivent en majorité dans de modestes maisons sur pilotis en bois, avec les toilettes à l’extérieur.
Jusqu’ici ils dépendaient exclusivement de groupes électrogènes hautement polluants pour des choses aussi simples qu’allumer des ampoules pendant quelques heures, faire un peu marcher la télévision ou maintenir les aliments au frais.
« La réduction de consommation de diesel permet de diminuer l’émission de gaz à effets de serre et la dépendance des villages en énergies fossiles », explique Aurélio Souza.
L’installation a débuté en juillet, au sein la réserve Médio Purus, qui regroupe environ 6.000 habitants, pour la plupart des pêcheurs ou de petits agriculteurs.
Pour Francisca de Almeida, 30 ans, habitante du petit village de Cassiana, les panneaux solaires sont synonymes de retour sur les bancs de l’école.
« Avant, nous n’arrivions pas à nous concentrer à cause du bruit du moteur et beaucoup de cours étaient annulés quand il manquait du carburant », rappelle-t-elle.
Dans son école, les cours du soir sont dispensés à travers des programmes télévisés à distance captés par satellite.
Grâce aux panneaux solaires, le système dispose de quatre heures d’autonomie.
– Nouveaux horizons –
Un peu plus loin, à Jurucua, en suivant le cours de la rivière, où des femmes lavent le linge et la vaisselle sur de petites plateformes de bois tout au bord de l’eau, les panneaux servent à alimenter en énergie un moulin pour fabriquer de la farine de yucca.
Maria Francisca de Souza, qui à 54 ans n’a jamais eu l’eau courante chez elle, utilise une pompe électrique pour alimenter un réservoir avec de l’eau de rivière filtrée. Elle espère construire bientôt des toilettes dans sa maison.
Une véritable révolution pour des villageois qui dépendent doublement du diesel: ils doivent aussi parcourir des heures en bateau à moteur pour acheter leur carburant et d’autres produits de première nécessité dans la ville de Labrea, au confluent des rivières Ituxi et Purus, à des prix bien plus élevés que dans des métropoles comme Sao Paulo.
Le simple fait de maintenir un congélateur allumé plusieurs heures par jour coûte 400 dollars par mois de combustible pour alimenter le groupe électrogène.
Grâce aux panneaux solaires, l’indépendance énergétique avance à petits pas, mais c’est souvent la seule alternative pour des villages délaissés par les services publics.
« Le Brésil a mis en place des politiques d’accès universel à l’énergie, mais les coûts sont trop élevés pour que tous les villages les plus éloignés disposent de réseaux électriques traditionnels », estime Aurélio Souza.
Pour Irismar Duarte, vice-président d’une association d’habitants vivant sur les rives de l’Ituxi, les panneaux solaires ouvrent de nouveaux horizons.
« Tout le monde cherche à innover et s’adapter aux changements », affirme-t-il.
Son projet: augmenter la production d’açai, fruit hautement énergétique dont de nombreux Brésiliens sont friands, notamment les surfeurs.
Sans congélateur, impossible de conserver les fruits, réservés à la consommation locale. Grâce à l’énergie solaire, ils pourront être commercialisés dans d’autres régions.
En attendant, le premier test des panneaux solaires fraîchement installés est un petit événement. Une fois le système connecté, les lumières s’allument pratiquement sans aucun bruit, loin du vacarme du groupe électrogène.
« C’est un rêve, nous n’aurions jamais pensé que c’était possible », s’émeut Irismar Duarte.
LNT avec AFP