
« J’écris mes silences et mes cris, les mots que j’ai appris, collés en mille débris, pour donner vie à cet esprit qui nous lie et qui nourrit les cœurs enfin guéris, libres, ardents et épris. » Kaisse Ben Yayia
Il faut absolument que je vous parle d’une découverte, ou plutôt de touchantes retrouvailles, que j’ai faites chez mon libraire dernièrement. A votre avis, quelle langue parlent les mots ? Le chuchotement, le murmure, la cachotterie ? Une chose est sure : Il faut apprendre à les écouter, à les disséquer ; s’amuser à les associer, à les tisser ; chercher à les déchiffrer, à les décoder. Parfois même Il faut les pulvériser pour mieux les assembler. Légo vous me dites. Anagramme, je vous réponds.
L’anagramme consiste à inter-verser des lettres d’un terme pour en former un autre. Cette figure de style est un art de faire entendre la voix cachée des mots. Elle est liée indéniablement à la révélation. Les alchimistes, les kabbalistes et les magiciens lui accordaient jadis le pouvoir de révéler le sens secret des choses. Savez-vous aussi que Galilée communiquait sous forme d’anagramme certaines de ses découvertes ? c’était là un moyen de s’assurer la priorité de ses observations tout en les entourant de mystère.
L’anagramme n’est pas seulement un jeu, c’est une macédoine de lettres, un voyage, une aventure, un millier d’histoires, une dioptrique capable de redonner vie aux objets inanimés que le quotidien a tués. Le hasard de l’ordonnancement des lettres crée une pensée, produit une révélation, un miracle. Par exemple le mot « étreinte » devient « éternité », « le commandant cousteau » révélé en « tout commença dans l’eau », le mot « misérables » mute pour donner « âmes libres », ou encore « les essais de montaigne » qui se transforment en « idées soignant les âmes ». Quelles images ! Quelle charmante fugue !
C’est toujours un tour de magie, jamais un tour de force. C’est un sourire ou une grimace. Une caresse ou un coup de griffe. En tous cas l’anagrammeur, le défricheur est un exhausteur de goût. Un voyageur vorace en mouvement intense, direction ailleurs ! Sérendipité, en avant toute !
« L’inévitable ne se produit jamais, l’inattendu toujours », John Maynard Keynes
Nous y voilà. Souvent, le globe-trotteur, le voyageur se voit sommé d’exposer ses motifs. Pourquoi êtes-vous parti ? lui demande-t-on. Ne saviez-vous donc point que le malheur de l’homme vient de n’avoir pas su rester dans sa chambre ? Les réponses fusent. Elles sont variables. Elles sont variées. Pour le plaisir, dit l’un, pour l’aventure dit l’autre, pour l’inconnu dit un troisième, parce qu’ailleurs est un mot plus beau que demain ! Nous y sommes !
L’errance, l’itinérance, l’aventure, le voyage avec un grand V, l’odyssée… voilà des mots à fortes consonances symbolisant de grands bouleversements, une empreinte indélébile redoutable. Le voyageur traverse les forêts. Il marche dans la neige. Il se moque du froid. Il se fait détrousser. Il s’en fiche puisqu’il va vers l’étoile : L’insondable légèreté de cet esprit en liesse. Pour le voyageur et l’émigrant, le mouvement, c’est la vie. Et selon sylvain Tesson la mort ne serait autre que l’aphrodisiaque de la vie !
« La réalisation de ce qui est en puissance, en tant que tel, c’est le mouvement. C’est un passage. Le Mouvement, en tant que tel, est toujours inachevé, en puissance, sans commencement ni fin, il requiert cependant une cause »
L’errance est la première école du mouvement, de l’imprévu, de la transformation et en réponse dans le meilleur des cas, de la maîtrise de soi et de l’instinct. Comme la terre nous tournons éternels, revenant chaque aube sur nous-mêmes et loin d’oublier l’apesanteur, le retour, les muscles tendus hors de l’ornière.
Certes l’humain tend à s’étioler au lieu de se déployer, mais l’ombre poétique du mouvement, porté par ce cercle funambule des passions, et la puissance des impulsions de nos actes nous permettra de Grandir et de nous déployer. Growing up instead of Growing old
Nous sommes tous des émigrants dans le temps : nous nous déplaçons d’un présent connu vers un futur commun et inconnu. Chaque instant a la fonction d’un pont et, en même temps, d’une rupture par rapport au suivant. Nous avons besoin de la mémoire du passé comme expérience et de l’attention au présent qui vise à défuturer l’avenir.
Mais nous avons tous besoin, inévitablement, de l’ouverture qui nous permet de penser le nouveau et le possible auxquels nous accédons à partir de la discontinuité de ce que nous étions et pensions. Il y a une urgence d’apprendre à prendre soin de soi, des autres et de la planète et de coopérer pour transformer nos rêves en réalité. On a besoin d’une imagination précise : paenser autrement !
La nouvelle donne paradoxale de notre société devenue planétaire, son devenir, caractérisé par son emballement, lui-même accéléré par le numérique, et marqué durement par sa violence, posent la question centrale de la place de chaque jeune, de chaque citoyenne, de chaque citoyen, dans une nouvelle dynamique qui doit être de plus en plus participative, inclusive et festive. Nous devons penser fractal et agir viral. Entre le laboureur et les mangeurs de vents, entre liberté intérieure et confortable servitude sachons faire le bon choix.
« J’étais vieux lorsque j’étais jeune. Aujourd’hui, alors que je suis vieux, mais délivré de toutes ces contraintes, j’en rajeunis ! » MS
Tribune de Hamid Tawfiki – Administrateur Directeur Général de CDG Capital