Retour à Laâyoune, principale ville de notre Sahara, pour une revue des efforts d’inclusion socio-économique des jeunes de la région.
Ici, en cette période hivernale, il fait plutôt beau le jour. La nuit est encore plus agréable, car il fait frais, ce qui donne envie de se balader et de prendre un café.
On aura compris que Laâyoune se distingue par un rythme de vie quotidien très particulier. A la tombée du jour, elle commence à s’animer avec une intensité spécifique. Les premières lumières s’allument, les terrasses des cafés ne désemplissent pas. Nul ne semble être à la maison ! A vrai dire, les nuits sont plus longues. Le rythme de vie qui nous entraîne à Casablanca change complètement à Laâyoune.
Le boulevard Mekka, le principal de la ville, abritant les agences bancaires, de voyages et de transport, les hôtels, les cafés, les pizzerias, les restaurants et une panoplie de commerces en tous genres, est le plus prisé. Et pour un dépaysement total, on me conseille d’aller faire des achats au souk Skékina, que tout visiteur de la ville doit découvrir. Coloré et bien achalandé, offrant cette sensation subtile d’ordre et de désordre, de labyrinthe bien structuré, on y découvre avec émerveillement des étalages de fruits et de légumes qui n’ont rien à envier à ceux de la capitale économique.
Tard dans la nuit, des jeunes traînent le pas et des groupes de femmes enveloppées dans leur Melhfa font leur shopping. On constate quand même qu’à l’exception de ce vestimentaire propre à la gent féminine sahraouie, les traditions omniprésentes auparavant, ainsi que les moeurs de nos compatriotes sahraouis, se font de plus en plus rares sur la voie publique !
Pendant la journée, la ville est si calme que l’on ne dirait pas que derrière, se cache un conflit ensablé depuis une bonne quarantaine d’années. Décidément, exceptés les SUV blancs de la MINURSO, aucun signe ne laisse deviner une région litigieuse.
Changement de décor. Quittons le ‘‘Down Town’‘ de la ville pour aller découvrir les autres quartiers. Sympathique, mon interlocuteur, Brahim, ne m’a pas refusé cette demande. Dans sa voiture, il laisse libre court à la parole, m’expliquant que la ville a connu ces dernière années une expansion urbaine importante. La construction individuelle mène le bal sur les autres types de logements. Et contrairement à Casablanca ou encore Rabat, le logement social n’intéresse pas beaucoup de monde à Laâyoune.
Faisant l’essentiel du marché immobilier, la location est un segment qui marche bien. Les prix du loyer varient entre 1 000 et 2 000 Dhs. Ses principaux clients sont notamment les « immigrés » venant de Kalaât S’raghna, Fquih Bensaleh, Beni Mellal, Settat… D’ailleurs, ce sont bel et bien eux qui assurent les « petits boulots » que les jeunes sahraouis, en particulier les enfants des notables et des Chioukhs n’imaginent pas exercer un jour. Il s’agit de la mécanique, la tôlerie, la pêche, la menuiserie, le gardiennage, le service de café… A en croire Brahim, ces jeunes sont couverts par leurs familles. Aussi, beaucoup d’entre eux bénéficient d’une somme mensuelle de 2 000 Dhs en guise d’aide sociale étatique. Les bénéficiaires de cette aide sont connus ici sous le nom de ‘‘Quartiat’’, c’est à dire, dépositaire de carte de l’entraide sociale.
En plus des quartiers populaires, la ville comprend des endroits réservés aux notables, élus et autres commerçants grossistes. Les bidonvilles ou encore les tentes n’existent plus depuis des années déjà, nous dit Brahim.
De ces quartiers nous allons vers l’ancienne médina, notamment du côté de Catalonnia. Un bijou, avec des constructions inédites, témoin de la présence espagnole. Juste quelques mètres plus loin, on est en face de la mythique et symbolique grande rivière de Sakia El Hamra, d’où l’appellation Laâyoune Essakia El Hamra. Le pont traversant cette rivière reste l’un des endroits préférés des Sahraouis fans de la nature, du jogging et des petites ballades en familles ou entre amis, surtout en période estivale. Malheureusement, aujourd’hui, l’endroit est gravement endommagé à cause des dernières pluies, à l’origine aussi de l’endommagement du barrage Al Wahda.
Juste en face de la rivière vers la ville, deux casernes et un hôpital militaire sont témoins de l’ancienne occupation espagnole.
Devant ce spectacle, l’impressionnante ambiance saharienne d’une ville au milieu de la rocaille et du sable s’éclipse, ouvrant la voie à un nouveau cadre urbain, moderne, où il y a de tout, ou presque. Une ville avec ses écoles, son hôpital, ses dispensaires, ses centres de formations professionnelles, ses ONG… De quoi nous faire dire qu’en somme, Laâyoune, c’est d’abord ce défi relevé contre une nature aride et impitoyable. Une ville marocaine qui se montre résolument moderne et ouverte sur le monde… que les « autres » le veuillent ou non !
Malheureusement, face à cette volonté d’aller de l’avant, la ville reste tiraillée entre une nouvelle génération en quête d’un avenir meilleur, et une autre habituée aux avantages et à l’assistanat, préférant plutôt le statu quo.
N’en déplaise toutefois à ceux qui craignent le changement, l’intégration socio-économique de la société sahraouie avance doucement, mais sûrement. Ainsi, selon quelques données chiffrées de la Fondation Phosboucraâ, parfaitement impliquée dans cette dynamique, Laâyoune Learning Center assure la formation et l’accompagnement de 60 associations. Dans le même cadre, 19 projets sont financés et en cours d’exécution dont 25 jeunes entrepreneurs sont bénéficiaires. 517 jeunes ont bénéficié du parcours Émergence des compétences pour l’orientation et la formation. Au menu aussi, le Projet Pilote d’Appui à la réussite scolaire, soit 4,99 millions de Dhs investis, 20 écoles bénéficiaires et 80 enseignants formés. Et par rapport au Programme de certification Microsoft des stagiaires de l’OFPPT, 5 000 jeunes sont en cours de certification et 3 000 jeunes et 150 projets à soutenir d’ici 2018 dans le cadre du Programme IBDA, 2 010 élèves bénéficiaires pour l’année scolaire 2015-2016 dans le cadre du Programme ‘‘Education à l’entrepreneuriat’’, et 12 projets sélectionnés dans le cadre des ‘‘Start-up weekend à Laâyoune’’. L’environnement n’est pas en reste. L’un des projets les plus structurants de la région a été mené dans ce cadre : la technopole de Foum El Oued. Sur 126 hectares le long de la façade atlantique, cette plateforme abrite une éco-cité du savoir et de l’innovation. Les formations sont articulées autour des enjeux climatiques. L’investissement total s’élève à 2 MMDH. Sur les lieux aussi, l’Université Mohammed VI Polytechnique Laâyoune, un Lycée d’Excellence et un Centre de Compétences Industrielles, un espace de 50 hectares dédié à la lagune et aux fermes expérimentales. Le sport, l’agriculture rentable, la musique, l’art, le théâtre, la photographie, les techniques du digital… sont autant de domaines qui gagnent du terrain.
D’ailleurs, ce n’est nullement un hasard si aujourd’hui le slogan affiché dans toute la ville n’est autre que ‘‘La Culture est la Solution’’. Tout est dit !