Lancement du marché à terme _ Mardi 12 Novembre 2024 à Casablanca
La conférence de lancement du marché à terme a réuni autour de Nadia Fettah, ministre de l’Économie et des finances, Nezha Hayat, Présidente de l’Autorité marocaine du marché des capitaux, Abderrahim Bouazza, Directeur Général de Bank Al Maghrib et tous les acteurs de la place financière, la bourse, les banques, les assurances, les gestionnaires de fonds, les banques d’affaires indépendantes et autres.
A cette occasion, tout « ce beau monde », a applaudi la naissance des produits dérivés et reconnait qu’un nouveau tournant est pris pour financer l’économie marocaine. En effet, le système bancaire ne peut plus satisfaire les besoins de financement des projets d’investissements liés aux réformes économiques, sociales et environnementales, engagées par notre pays. Le marché des capitaux est de plus en plus interpellé par les investisseurs, il joue enfin son rôle de financement de l’économie à travers les outils actuels comme l’appel public à l’épargne ou les émissions obligataires. L’arrivée des produits dérivés contribue à la rationalisation des différents compartiments du marché des capitaux et à la maitrise des rendements, ce qui intéresse tous les opérateurs économiques publics et privés y compris l’État pour la gestion de sa dette.
Ainsi, dans sa présentation introductive du marché à terme, la ministre de l’économie et des finances a qualifié ce nouveau chantier de tournant historique, précisant « que notre pays est prêt à lancer le marché à terme et une chambre de compensation, pour parfaire le marché des capitaux et le hisser au niveau des places financières basées sur une infrastructure intégrée, afin qu’il joue pleinement son rôle dans le financement de notre économie ».
Nadia Fettah a présenté l’importance des produits dérivés pour les marchés financiers, en affirmant qu’elle n’est plus à démontrer, même s’ils ont été à l’origine de la crise financière de 2008. Ils traduisent une innovation financière qui permet l’amélioration de la liquidité et de la profondeur des marchés pour les entreprises privées et publiques, les gestionnaires d’actifs, les fonds de pension, les banques, mais aussi les gouvernements… Ces instruments, dits de couverture des risques commerciaux et financiers, promeuvent l’efficience du système financier pour une meilleure protection de l’économique contre les risques. Car selon la ministre : « Une entrée massive de capitaux peut entrainer la surchauffe de l’économie et la constitution de bulles spéculatives, tandis qu’une sortie soudaine de capitaux peut provoquer une crise ».
Une transformation de la Bourse de Casablanca en holding lui permettra de chapoter ses différentes activités : celle du marché comptant, du marché à terme et de la Chambre de Compensation (CCP). Ce, tout en renforçant sa participation à 40% dans Maroclear. Le système bancaire devant apporter son soutien financier à la nouvelle structure en participant au capital de la Chambre de compensation nouvellement créée. Rappelons que ce projet faisait partie de la réforme de la bourse et sa démutualisation en 2016, et que le bon moment de sa réalisation est enfin arrivé « pour hisser la place de Casablanca à un nouveau pallier ».
Nezha Hayat, la Présidente de l’AMMC, allant dans le même sens, considère pour sa part que « l’aboutissement de ce projet permettra de dynamiser notre marché des capitaux, à un moment où il est appelé à jouer un rôle de plus en plus important dans le financement de l’économie de notre pays, avec le lancement de plusieurs grands chantiers majeurs de transformation dont la réalisation nécessite la mobilisation de financements conséquents, dépassant les ressources bancaires et budgétaires traditionnelles ».
Le marché à terme offrira ainsi aux acteurs du marché de nouveaux instruments de couverture contre les risques de marché, améliorera la liquidité des instruments financiers au comptant, et attirera ainsi davantage d’investisseurs. Les mécanismes des produits dérivés permettent de préserver la confiance des investisseurs ainsi que leur résilience, grâce au rôle central de la Chambre de compensation dans la gestion des risques de ce marché.
L’AMMC, par un programme de sensibilisation et de formation au profit des intervenants du marché, se projette au-delà de son rôle naturel d’Autorité en matière de protection des investisseurs et de préservation de l’intégrité des marchés, en anticipant l’émergence de nouveaux risques et en prenant en compte ceux liés à l’interconnexion des différentes composantes du secteur financier. En ce qui concerne les modalités de démarrage du marché à terme, Nezha Hayat a précisé que l’implémentation des standards et des produits dérivés, se fera de façon graduelle pour permettre un développement progressif et durable de ce nouveau marché pour une bonne protection des investisseurs et une gestion des risques adéquat. Sur le plan technique les infrastructures et les dispositifs opérationnels sont prêts. Et, l’AMMC a déjà commencé à recevoir les premières demandes d’agréments des futurs membres négociateurs et compensateurs du marché à terme, dans le cadre de l’Instance de coordination du marché à terme.
Pour Abderrahim Bouazza, Directeur général de la banque centrale, partenaire important de ce grand tournant, « Cette nouvelle réforme vient compléter les autres réformes du secteur financier réalisées au cours des deux dernières décades par les autorités et avec l’accompagnement des acteurs des marchés. Elles ont permis la diversification des instruments financiers, l’approfondissement de plusieurs segments du marché de capitaux, l’amélioration de leur transparence et le renfoncement de la surveillance des institutions et des infrastructures de marché. Les fondamentaux et les facteurs qui concourent à de telles avancées et qui pourraient aider dans le futur à relever le challenge sont connus. Il s’agit de la stabilité macroéconomique de notre pays, qui favorise un environnement où les marchés de capitaux peuvent évoluer dans des conditions économiques, financières et monétaires stables. Le deuxième pilier concerne le système de régulation et de surveillance qui veille à l’efficience, la transparence et l’intégrité des marchés et vise à minimiser les risques systémiques.
Le cadre réglementaires est le troisième pilier qui permet de protéger les droits des investisseurs et des épargnes. Et, le quatrième pilier concerne le rôle des banques dans le financement des besoins de liquidité des acteurs des marchés et dans l’évaluation des risques ». Le DG de BAM considère que le marché de taux public aujourd’hui, grâce à sa profondeur, sa liquidité et sa transparence, constitue une référence pour les autres marchés et contribue à une meilleure gestion de la politique budgétaire et la transcription des décisions de la politique monétaire. Le marché monétaire a conduit aussi à un processus d’alignement sur de meilleures pratiques en termes de transparence.
Alors que le marché de change, grâce à la réforme engagée par les autorités en 2018 pour une transition graduelle vers un régime de change flexible, a gagné en maturité par rapport à trois dimensions. La première, c’est sa profondeur, qui permet sa plus grande capacité à absorber les transactions importantes sans impact majeur sur les cours du dirham. La deuxième, celle de sa liquidité, qui a connu une nette amélioration avec la multiplication par 10 du volume quotidien moyen traité sur le marché interbancaire. La troisième dimension, c’est le principe de la contribution croissante des forces de l’offre et de la demande dans la détermination du taux de change du terrain.
Le marché inter-interbancaire de gré a permis de disposer d’une courbe monétaire de référence. Il devrait donner une impulsion en reprenant l’ensemble des produits de couverture compatibles sur le marché de change.
Enfin, le marché interbancaire est le marché de change interbancaire qui permettrait de fournir une référence pour les opérateurs économiques dans le cadre de leurs opérations de couverture contre le risque de change.
Pour Abderrahim Bouazza le lancement du marché à terme marque la dernière ligne droite de cette réforme du marché des capitaux.
Pour Tarik Senhaji, Directeur général de la bourse de Casablanca, promu à la tête de la direction d’un groupe, « Nous sommes à une nouvelle étape de la réforme des marchés financiers au Maroc, qui porte sur la partie technologique, et qui doit être la dernière ». Il précise qu’avec une justesse de pilotage, au début des années 2010, alors qu’il fallait renouveler le système technologique de la bourse, celle-ci a fait un choix stratégique. En effet, au lieu de prendre un système qui va lui servir pour les années 2010 uniquement, la bourse s’est dotée du même système que le London Stock Exchange encore opérationnel pour des années à venir. Et si longtemps il n’a été utilisé que pour le marché interne, aujourd’hui pour implémenter le marché à terme, toutes les fonctionnalités et les assets de ce système technologique vont être actionnés.
Au nom du secteur bancaire, Youssef Rouissi, directeur général en charge du pôle Corporate & Investment Banking du groupe AWB, considère qu’il est important de souligner que le financement de l’économie aux côtés du secteur bancaire par le marché de capitaux est devenu une réalité ! Il a pris corps au milieu des années 90 avec l’émergence de la gestion collective, avec la canalisation des ressources longues réemployées au service de l’économie.
Puis, ce sont toutes les réformes liées au marché de la titrisation, des OPCI, des fonds de dette qui ont pris le relai. Il ajoute « À la veille de l’accélération de notre programme d’investissement, cette boîte se complète au service du financement de l’économie réelle. Avec le marché à terme, nous atteignons une autre magnitude dans le financement de l’économie nationale. Qui plus est avec des instruments de couverture des risques de taux d’intérêts, des risques sur actions, des risques sur matières premières ou du risque de change, au service des investisseurs et du développement du marché.
Les banquiers vont être en mesure d’accompagner leurs clients et les investisseurs dans des stratégies de couverture de plus en plus adaptées en fonction de leur stratégie d’investissement personnalisé. C’est également très important d’offrir la transparence et la standardisation des contrats, parce que nous arrivons sur ces marchés organisés avec une standardisation des aspects contractuels et donc une réduction des coûts. En plus des effets de rendement grâce aux leviers que ce marché à terme va pouvoir leur offrir.
Les investisseurs institutionnels, les banques, les compagnies d’assurance, les investisseurs privés, les entreprises trouveront dans le marché à terme les moyens de se couvrir contre une palette plus large de risques, que ce soit pour la gestion des risques ALM pour les secteurs bancaires ou pour les compagnies des assurances que pour la gestion des risques de taux d’intérêt ou de matière première pour les acteurs économiques ».
Pour Youssef Roussi, le développement des marchés à terme, comme on a pu le constater sur des marchés matures ou des marchés émergents, s’accompagne en général d’un développement très important de la profondeur des marchés et d’une réduction de la volatilité.
Enfin, Lamia Boutaleb, qui dirige le groupe Capital trust, a présenté dans son intervention les apports du marché à terme pour la gestion collective : « Le marché à terme va permettre aux entreprises marocaines de couvrir leurs risques divers qu’elles subissent à travers les variations des cours de pétrole, des métaux, du taux d’intérêt, des monnaies quand elles importent ou exportent. Des fluctuations sur lesquelles elles n’avaient aucun contrôle.
Pour la gestion d’actifs qui représente un gros marché de 650 milliards d’actifs sous gestion, le marché à terme va lui permettre d’optimiser les portefeuilles d’actions, en leur permettant de ne plus varier qu’à la hausse et de prendre des positions sur le marché à la baisse. Et de ce fait, le marché boursier sera plus efficient avec des cours qui refléteront la réalité. »
Par ailleurs, explique-t-elle « quand on achète un produit structuré, on n’est pas obligé d’acheter l’actif sous-jacent, que ce soit une obligation, un indice, donc on n’est pas obligé de décaisser tout le montant de l’actif. On achète un dépôt de marge et donc ça permet à un portefeuille de s’exposer à beaucoup plus de secteurs, de marchés. Les produits dérivés vont apporter beaucoup aux OPCVM en termes de gestion de la volatilité et des risques dans tout portefeuille. »
Il était donc grand temps que la réforme du marché des capitaux soit finalisée et l’accueil du lancement de ce marché à terme est le témoignage de sa pertinence voire de son urgence pour un financement efficient de l’économie nationale par tous les acteurs concernés.
Afifa Dassouli