La Loi de Finances est élaborée chaque année sur la base de rapports réalisés par les équipes du ministère des Finances et publiés en parallèle du PLF. Ces derniers portent sur des sujets déterminants et de grande importance, comme la dette publique, les dépenses fiscales, le rapport économique et financier, les comptes spéciaux, la compensation, etc.
Ces rapports présentent et analysent, en comparaison avec l’année précédente, les paramètres nécessaires des principaux chapitres du PLF. Ainsi, ces rapports dits de référence constituent un encadrement plus ou moins ferme, dont certains sont primordiaux, incontournables et qualifiés de socles pour la Loi de Finances.
C’est le cas, tout particulièrement, de la fiscalité, qui fait l’objet d’une grande réforme issue des troisièmes Assises de la Fiscalité, tenues les 3 et 4 mai 2019 à Khouribga, et entrée en application en 2023. Celle-ci constitue en soi un socle de mesures définies selon les recommandations des Assises, pour une stabilité fiscale dans le temps, l’amélioration de l’équité fiscale, le renforcement de la transparence, la bonne gouvernance, et l’élargissement de l’assiette fiscale, tout en réduisant la pression sur les contribuables et les opérateurs économiques, et en misant sur une meilleure contribution des grands bénéfices.
Ce que l’on ne sait pas forcément, et qui fait l’objet d’un des rapports en question sur les dépenses fiscales, c’est que la réforme fiscale, au-delà de la volonté publique d’unifier la fiscalité, se focalise tout particulièrement sur la suppression des niches fiscales, qui entraînent un coût budgétaire important, afin de les réduire au mieux en tenant compte des difficultés budgétaires de l’État.
Concrètement, dès 2021, la réforme fiscale en question a fait l’objet d’une loi-cadre qui en a fixé les grandes lignes et les a projetées sur les cinq années suivantes, jusqu’en 2026. Les lois de finances successives ont ainsi pour rôle de traduire les objectifs de la loi-cadre en mesures concrètes.
Notamment, les principales dispositions de la réforme fiscale portant sur la TVA, l’IS et l’IR ont été introduites une à une respectivement en 2023, 2024 et 2025. L’IS en 2023, la TVA en 2024, et le nouveau barème de l’IR est inclus dans le PLF 2025.
De ce fait, le PLF 2025 continue à mettre en œuvre la réforme fiscale en respect de la loi-cadre et ne peut s’écarter du cap ainsi fixé, tout en veillant aux économies en dépenses, à l’élargissement de l’assiette fiscale et à l’augmentation des recettes qui en découlent, avec une importance particulière accordée à la réduction des dépenses par la suppression des niches grâce à l’unification fiscale.
C’est ce qui ressort des chiffres contenus dans le rapport sur les dépenses fiscales, publié en marge du PLF, qui démontre que la réforme de la TVA, mise en œuvre par la Loi de Finances 2024, a conduit à l’élimination de 24 mesures relatives à la TVA, entraînant un impact budgétaire de -5,206 milliards de dirhams dû à une diminution des dépenses fiscales associées à la TVA de 28,3 %. De même, l’édition de la Loi de Finances marquée par la réforme de l’IS, introduite par la Loi de Finances 2023, a abouti à la suppression de 14 mesures fiscales, générant un impact budgétaire de -3 053 MDH et une réduction des dépenses liées à l’IS de 59,8 %.
Cette rationalisation a eu un effet notable sur l’ensemble des dépenses fiscales, qui ont enregistré une baisse globale de 13 %, passant de 36 959 MDH en 2023 à 32 149 MDH en 2024, tandis que le poids de ces dépenses par rapport au PIB est passé de 2,5 % en 2023 à 2,1 % en 2024.
Certes, l’État introduisait dans sa politique fiscale, au fil des années, plusieurs mesures dans le but d’accorder des allègements fiscaux à certaines catégories de contribuables ou de secteurs d’activités. Ces mesures, dites « dépenses fiscales », lui ont permis d’atteindre ses objectifs stratégiques que ce soit sur les plans économique, social, culturel ou autre, par des réductions de taux d’impôts, des exonérations de taxes, engendrant des dépenses fiscales qui ont impacté significativement le budget de l’État.
En effet, jusqu’en 2019, celles-ci s’élevaient à 32 milliards de dirhams. Depuis, elles se sont réduites progressivement à quelques centaines de MDH puis à des dizaines de MDH pour se situer dans le PLF 2024 à 3 MDH seulement. Précisément, à partir de 2021, avec la grande réforme fiscale, la réduction des dérogations fiscales s’est accélérée : 2 846 MDH en 2021, 2 059 MDH en 2022, 3 910 MDH en 2023 et 6 686 MDH en 2024.
En conséquence, le montant global des dépenses fiscales s’élève, à ce jour, à 32 149 MDH contre 36 959 MDH.
En 2024, les mesures dérogatoires les plus importantes concernent les objectifs suivants : soutenir le pouvoir d’achat (7 566 MDH, soit 23,5 %), mobiliser l’épargne intérieure (6 424 MDH, soit 20,0 %) et faciliter l’accès au logement (4 474 MDH, soit 13,9 %).
La seule mise en application de la réforme de la TVA a réduit le coût budgétaire de ces mesures de 21 190 MDH en 2023 à 15 183 MDH en 2024. Quant au nouvel IS, dont les nouveaux taux ne sont introduits que cette année, son coût budgétaire a encore progressé à 2 843 MDH en 2024 contre 2 137 MDH en 2023. En ce qui concerne l’IR, le nouveau barème sera appliqué en 2025, et donc le coût budgétaire reste élevé, en croissance entre 2023 et 2024, passant de 4 817 à 5 289 MDH.
L’impact de la grande réforme fiscale, mise en application progressivement par les lois de finances, se mesure ainsi tout particulièrement par la rationalisation des dépenses fiscales, réalisant ainsi un de ses principaux objectifs.
D’ailleurs, Nadia Fettah, ministre des Finances, dans sa présentation de la Loi de Finances au Conseil des ministres, consacre un des quatre piliers du PLF 2025 à la soutenabilité des finances publiques, préconisant dans ce sens « la mise en place de mesures nécessaires pour assurer le rétablissement progressif des équilibres financiers en reconstituant, entre autres, les marges financières nécessaires ». La réduction des dépenses fiscales est certainement une de ces mesures.
Afifa Dassouli